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2.2 Le mythe et les archétypes: l’inconscient collectif envahi par la réalité
Jung lui-même a reculé, en un certain sens, devant la «réalité» s’imposant dans le mythique. Les images reçues sont pour lui des représentations provenant de la «perception de l’indépendance relative des archétypes ou dominantes de l’inconscient collectif»[24]. Cette indépendance des archétypes par rapport à la représentation affirme la réalité tout en la situant au niveau de l’image. Ce paradoxe fait que Jung, tout en niant, en fin de compte, la «réalité» des archétypes, la démontre par toute son œuvre[25], puisque le pouvoir curatif des images ne peut s’exercer que si ces images sont en rapport avec le réel. La vertu équilibrante du symbole est due, principalement, à ce que le réel tend vers l’harmonie; le symbole est générateur d’harmonie.
La notion d’archétype mise de l’avant par Jung consiste justement en ce principe ordinateur et générateur d’images que le mythique emploie pour former sa chair:
J’appelle primordiale toute image de caractère archaïque, autrement dit, qui représente une concordance remarquable avec des motifs mythologiques connus. Elle exprime alors, d’abord et surtout des matériaux collectifs inconscients en même temps qu’elle indique que la conscience dans son état momentané est moins personnelle que soumise à une influence collective […]
L’image primordiale que j’ai d’ailleurs appelée aussi «archétype» est […] toujours collective, c’est-à-dire commune à au moins tout un peuple ou à une époque[26].
Plus tard, il poussera plus loin sa pensée:
Les archétypes […] sont hérités avec la structure cérébrale, bien plus, ils en sont l’aspect psychique[27].
En somme, ces images primordiales, les archétypes, constituent la structure même de la psyché. Mais le lien que fait Jung entre ces archétypes et la structure cérébrale offre un grand intérêt, car il mise cette fois sur un lien unissant le domaine de la pensée et celui de la matière, en autant que les structures cérébrales, bien sûr, reposent sur une dimension matérielle[28]. Cet essai voudrait proposer un nouveau concept, complémentaire à celui d’archétype, afin de saisir le passage de la matière à la psyché, tel que Jung le suggère.
Si l’archétype est une image, sa dimension structurelle le rapproche effectivement de la matière, mais, pour que le lien de la structure imaginaire à la matière – ou à la structure de la matière – se fasse d’une façon cohérente, cette structure imaginaire devrait être le reflet d’une sorte de structure pré-psychique ou pré-imaginaire, matérielle, que l’on appellera «archégène»[29]. Cette approche offre la possibilité de poser l’existence d’un véritable rapport du mythique et du symbolique avec le réel, par l’entremise des archétypes et des archégènes ancrés dans la matière. Car, à partir du moment où l’esprit se fonde sur la matière, nous nous sentons dans le réel. Ceci peut être schématisé de la façon suivante:
Pourtant, cette représentation comporte un défaut, celui justement d’assimiler en quelque sorte le réel et la matière. En poussant plus avant dans le cheminement de Jung, on découvre que cette assimilation est en effet injustifiée, bien que le rapport matière-psyché soit effectivement seul garant de la «vérité», c’est-à-dire de notre prise sur le réel. Ce rapport matière-psyché, reconnu à travers la complémentarité des structures (archétypes et archégènes), pourrait servir de point d’appui à la recherche humaine de la réalité.
Chez Jung, ce rapport repose sur le concept de synchronicité comme fondement du «réalisme» mytho-symbolique.
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