L’enfant qui n’avait pas de genre

En ce qui concerne le rapport homme et femme, ce qui était incontestable encore hier ne l’est plus aujourd’hui. La complémentarité fondamentale du rapport homme et femme est progressivement remplacée par le concept d’orientation sexuelle. La définition même du mariage prend de plus en plus la connotation d’un contrat entre deux personnes de genres non spécifiés. La conception des deux genres, masculin et féminin, fondée sur la réalité biologique, est aussi contestée par ceux qui pensent que le genre peut faire l’objet d’un choix d’identité personnelle et sociale sans pour autant nier le donné biologique: on pourrait donc être de genre «fille» et de sexe «garçon», et vice-versa, sans problème.

De la prise de conscience de certains stéréotypes masculins et féminins, contrefaits et contraignants, à une conception du genre distincte du sexe biologique, il y a toutefois un abîme, un abîme que la majorité hésite encore à franchir sans nécessairement réussir à exprimer ses raisons.

Des cas, encore exceptionnels pour le moment, surgissent ici et là, comme ces parents de l’Ontario qui ne veulent pas dire, même aux grands-parents, le genre de leur enfant âgé de quelques mois, afin que celui-ci puisse faire ses choix sans être conditionné par les stéréotypes de type rose (féminin) et bleu (masculin). Cet enfant s’appelle Storm. Il a deux frères plus vieux, que les parents laissent libres, entre autres, de choisir leurs vêtements, la longueur de leurs cheveux comme le style de leur coiffure; à date, tous ceux qui ont rencontré les deux garçons les ont pris pour des filles!

Et puis, quelque chose a attiré mon attention dans l’article très substantiel du Toronto Star (Parents keep child’s gender secret): le positionnement idéologique des parents de Storm par rapport à l’éducation. Le père est professeur dans une petite école «City View Alternative», qui compte quatre professeurs et une soixantaine d’élèves de 7e et 8e années, dont les programmes sont structurés autour de questions sociales touchant les concepts de classe, race et genre. Quant à la mère, elle pratique ce qu’on appelle le unschooling, qui consiste à faire l’école aux enfants en prenant comme vecteur exclusif de l’apprentissage la curiosité de l’enfant: pas de bulletins, pas de livres d’école, pas d’examens, l’apprentissage ne doit être ni planifié, ni évalué par quelqu’un d’autre que l’enfant. Selon l’auteur de l’article, ce mouvement marginal serait en croissance.

Ce qui apparaît tout d’abord comme une simple dénonciation des stéréotypes sexuels conventionnels est en fait un reflet de l’idéologie éducative à laquelle adhèrent les parents de Storm. Les choix de Storm ne seront pas indépendants des conditions dans lesquelles il a été placé par ses parents. Leur idéologie lui impose elle-même un joug qui n’est pas plus facile à porter, oh que non!

On a beaucoup reproché à l’Église catholique d’avoir opposé le surnaturel au naturel, l’âme au corps, élevant l’un, fustigeant l’autre. Certains courants actuels de pensée, marginaux mais très militants, font pourtant de même à leur manière, en donnant la primauté à l’idéologique sur le biologique, au genre choisi par l’esprit sur le sexe déterminé par le corps.

Francine D. Pelletier

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7 Responses to L’enfant qui n’avait pas de genre

  1. Lucie dit :

    Holala!
    On est rendu loin… on n’a pas besoin d’un cours de psycho pour voir qu’il y a quelque chose qui cloche là-dedans.
    Je pense que ces enfants auront un problème d’identité.

    • Francine D. Pelletier dit :

      Lucie,
      J’aimerais apporter un autre exemple qui me semble aller dans le même sens. La journaliste Ariane Krol affirmait dans le Blogue de l’édito de Cyberpresse (blogues.cyberpresse.ca/edito/2011/05/20/un-donneur-de-sperme-est-il-un-pere/ le lien n’existe plus) que les hommes qui vendent leur sperme aux cliniques de fertilité ne sont pas vraiment des pères, mais des altruistes tout au plus, et donc que les enfants qui en résultent n’ont pas absolument besoin de les connaître. Comme si le sperme était impersonnel, vide de tout contenu héréditaire! Un simple produit mercantile!
      Pour justifier les cliniques de fertilité où sont entreposées les paillettes de sperme et d’ovules, on parle du droit à avoir un enfant! Pour satisfaire ce supposé droit, les enfants ainsi conçus seront confrontés à un bagage génétique en partie ou en totalité étranger à celui de leurs «parents» officiels. Je pense que les problèmes d’identité de ces enfants seront à l’avenant.
      Des enfants dont on ne dit pas le genre, des enfants dont le père (ou la mère) biologique n’est pas vraiment un parent… Il y a quelque chose qui cloche, en effet.

  2. Anonyme dit :

    Votre article m’a laissé sans mot.
    Je ne sais quoi dire devant une telle aberration.
    Il me vient à l’esprit les paroles de Paul au Galates (3,28) qui affirme que tous viennent à la Vie par le baptême; qu’alors en Christ « il n’y a plus ni homme, ni femme ».
    Voudrait-on usurper, dans une contre façon, un bien qui est de l’ordre du Royaume?

    • Francine D. Pelletier dit :

      La Genèse biblique introduit le rapport homme et femme comme caractéristique de l’être humain créé par Dieu. La chute de l’humanité dont il y est question a des conséquences directes sur ce rapport, et l’Évangile, qui montre le Salut, annonce aussi un Royaume où les relations humaines seront transformées, harmonisées. La phrase de Paul que vous citez en témoigne.
      La trame du rapport homme et femme est fondamentale dans toute l’histoire de l’humanité. Et la Bible est certainement un texte fondateur de notre pensée à cet égard. Il ne serait donc pas surprenant que des utopies sociopolitiques, des expérimentations socioéducatives ou même socioreligieuses, exploitent les bases bibliques en les modulant selon leurs idéologies. L’histoire est remplie de quêtes mais aussi de dérives concernant le rapport homme et femme. Notre temps n’en est pas exempt.

  3. une femme dit :

    À l’adolescence, on remet déjà assez de choses en question sans avoir à choisir son sexe en plus. En tout cas, personnellement, je n’aurais pas voulu avoir à faire ce choix. C’est fou, anti-naturel, anti-écologique de rejeter ou nier notre genre féminin ou masculin.
    Faudra-t-il gaspiller des générations avant de constater les problèmes psychologiques supplémentaires liés à cette fausse liberté? Je n’ai pas crié ou prié assez fort pour que le mariage gai ne soit pas légalisé… Et maintenant, cette pensée de laisser l’enfant choisir son sexe n’a pas plus de fondements logiques. Que faut-il dire pour réveiller ses adeptes?

    • Francine D. Pelletier dit :

      «Scandale» vient du grec et signifie étymologiquement: «une pierre sur laquelle on bute, on achoppe». Le scandale fait donc tomber, trébucher, c’est-à-dire qu’il déconcerte, trouble, choque, indigne, enrage, il peut même corrompre.
      S’il faut réagir à bon escient pour juguler les conséquences fâcheuses d’un scandale, il faut aussi se prémunir soi-même contre son impact déstabilisateur: le scandale souvent nous démoralise.
      Or, les médias raffolent des nouvelles au potentiel scandaleux, véritable manne pour la presse écrite et électronique, les blogues, textos et toutes espèces de réseaux sociaux. Car si le scandale fait tomber, il fait vendre aussi.
      L’histoire de l’enfant sans genre canadien a eu un retentissement mondial, mais le choix prétendument «éducatif» des parents de Storm a généralement été décrié. Dans ce cas, le scandale engendré peut même devenir l’occasion d’un réveil pour certains adeptes en révélant les aberrations auxquelles leur idéologie peut mener.

      Alors, au lieu de nous démoraliser, le scandale nous donne un argument de plus.

  4. Élisabeth Grégoire dit :

    Je ne peux qu’encourager ces initiatives qui sont plus saine et libèrent graduellement l’enfant des limites imposées par la pression sociale. Mon enfant aura une éducation non-genrée ça c’est certain!

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