Mon procès à «Charlie»

Ce 11 janvier 2015, Place de la République, quelques milliers de citoyens français s’agglutinent; ils deviendront des millions à se défouler sur les Places, dans les rues de Paris et bien au-delà. Dès lors se pose une question de fond: «Est-ce que l’homme arrive de «l’âge des grands singes ou s’il y retourne…?» Quelle cause ces foules endeuillées magnifient-elles en synchronicité les unes avec les autres?

«La foule est la bête élémentaire,
dont l’instinct est partout,
la pensée nulle part.»
André Suarès
(écrivain marseillais 12 juin 1868-1948).

Les uns pleurent de glorieux ex-vivants, dont les jeunes générations viennent à peine d’apprendre le nom.

D’autres, sincères comme tout vrai républicain, fabulent sur la portée de leur participation anonyme à cette croisade insolite: consolider le principe de la liberté d’expression, et pousser au-delà de l’Au-delà cette liberté sacrée dont seuls les Français seraient dépositaires depuis Robespierre, buté lui-même par d’autres Français…  (La Terreur 1789 – juillet 1794).

Les Citoyens qui comptent plus que les autres… Absents!  Ils gargouillent et magouillent derrière le rideau de scène, exploitant au maximum le momentum de l’irrationalité collective et de l’ambiguïté de la cause, pour tracer le chemin au droit à l’insulte, à la provocation, au blasphème dans la Presse… ou ailleurs?

Voilà que le porte-à-faux de la situation s’étale en noir sur blanc sous les yeux écarquillés des témoins crédules de cette orgie médiatique: qui est le coupable, qui est la victime; le paradoxe pourrait diviser les Français! Hollande prépare le prochain scrutin proclamant bruyamment ce qui plaît aux Français, donc, forcément sans le moindre signe de modestie:

 «Rassemblons-nous,
vive la République, vive la France».

Sous peu, les espoirs sont grands, on légalisera donc un jour le droit à la provocation, le droit au blasphème, et qui plus est: à deux ou même trois blasphèmes à la fois, question de défoncer les limites, quitte à se répéter.

Cameron, Merkel et autres du même niveau y vont de leur meilleur fond; Reza Pahlavi, le fils du Shah d’Iran, exilé à Washington, lance, bras brandi et poing serré, cette bravade:

«Aux armes, citoyens du monde».

Au fait, y a-t-il encore des Chinois sur la terre…? Voyons! pour eux, la liberté d’expression dans la presse ça ne presse pas!

C’est tout? C’est un peu court… citoyens…  Français! Redressez l’échine, cessez de brailler sur une poignée de vomisseurs d’insultes que vous prenez pour des Braves. Ne seraient-il pas plutôt des décadents du siècle des Lumières?

Le Panthéon, à Paris, devait être, à l’origine, une église en l’honneur de sainte Geneviève, celle qui a sauvé Paris de l’invasion en 451. Cependant, la vocation de l’église fut changée et l’édifice est désormais dédié aux hommes ayant marqué l’histoire de la France.

Bref, réquisitionnez une douzaine de croque-morts et transportez les dépouilles mortelles de ces héros Charliens d’une France efflanquée et secouez Hollande qu’il transcende sa mollesse pendant un petit quart d’heure, qu’il signe un décret qui ordonnerait que ces farceurs, pas toujours rigolos, soient déposés au Panthéon, coincés entre Voltaire et Rousseau… qu’ils y retournent en poussière, puis qu’on n’en parle plus!!! Les touristes les plus instruits feront le reste, saluant au passage ce monument qui abrite le meilleur et le pire de la France pensante.

Et oups! L’événement est clos, on remet les aiguilles à zéro, le commun de la classe prolétaire et les moins que rien s’aplatissent désormais d’ennui devant les kiosques à journaux, languissant dans l’attente d’un autre événement choc qui brassera de nouveau les méninges d’un chacun dans la merde, le sang, les scandales pétants, un attentat au président de la République ou le suicide d’un magnat de quelques non-valeurs…

Entretemps, les grands mortels de la nation feront des caucus cocus comme à l’habitude pour débattre et se battre pour aboutir à un point charnière de l’histoire de France, qui évolue d’un charnier à l’autre!

Même qu’un focus group pourrait s’aviser de fendre l’air au-delà de l’héroïsme organisant d’autres marches pour voler à la République un modus mortendi pérenne à propos du droit de liberté d’expression, qu’on sache enfin en clair quelles bêtises on peut dire et à qui, au-delà du blasphème, sans se voir happer par un procès Dreyfusien.

Ô Pucelle d’Orléans, jetée au feu par un beau Cauchon, quand donneras-tu aux Français, déjà régicides, un autre roi à occire, question de les distraire, qu’ils laissent tranquilles les Musulmans, les Juifs et les Catholiques et surtout leur Dieu, pour une décade ou deux… Qu’ils fracassent plutôt leur grosse tête entre eux avec l’éloquence qui leur restera en ces temps-là…

Morale de l’histoire:

L’Homme est un dieu tombé… (Lamartine)
qui ne se souvient plus des Cieux. (Esther)

«Ça! c’est la France»

 

_____________ 

ÉPILOGUE

Shocking? Oui, pour les Français qui ont conservé quelques bonnes manières et un langage un tant soit peu épuré. À eux, je présente déjà mes excuses et professe que je honnis moi-même le ton provocateur à outrance  en provenance de quelle que source que ce soit. Ici, j’invoque pourtant l’argument de la bonne intention, à savoir, appeler s’il se pouvait la fin des grivoiseries et des provocations de «Charlie».

Éclairez–moi ceux qui y voient clair: pourquoi des athées ont à la bouche la saveur du blasphème à partager légalement par personnes interposées: «Pauvre Charlie!».

Élohim, Jésus-Christ et Allah, «Pardonnez-leur car ils ne savent ce qu’ils font.»
(Luc, 23:34).

Esther Martelle

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6 Responses to Mon procès à «Charlie»

  1. Yves P. dit :

    Madame Martelle,

    Votre texte est éloquent et attaque le coeur du sujet. Il a de plus le mérite de ne pas prendre la saveur critique un peu fade qu’on a entendu à postériori de la voix (si faible!) des quelques anticonformistes dans les dernières semaines.

    On entrevoit que Charlie Hebdo est, à un certain niveau (sinon à un niveau certain), une excroissance de la révolution française, qui faisait feu de tout bois et coupait toutes les têtes, amies et ennemies. Tous les fruits idéologiques et démagogiques qu’on récolte de cet arbre là sont un signe clair.

    Je regrette, mais je ne peux m’associer à ce mouvement solidaire pseudo-mondial qui oblige tout l’occident à embrasser goulûment les « valeurs » de Charlie Hebdo. Ces « valeurs » sont absolument incompatibles avec les miennes.

    Votre référence au kiosques à journaux me remet en tête une réflexion des derniers jours. Le lendemain des attaques, si j’étais éditeur d’un grand journal, aurais-je publié une caricature choquante du prophète Mahomet pour appuyer la « liberté d’expression »? Visiblement, la réponse pour plusieurs personnes membres de cette grande solidarité médiatique est oui. Tout le monde le fait, fait le donc!

    Mais répéter ces caricatures, est-ce vraiment le paroxysme de la liberté d’expression? Et les critiques innombrables, virulentes et mesquines qui sont tombées sur les éditeurs des « abstinents », par exemple le New York Times ou The Guardian, sont-elles justifiées? L’équipe éditoriale des ces journaux est-elle composée de pleutres et de lâches?

    Moi je crois qu’on patine sur la glace fine d’un sophisme dangereux. Mon désir et ma volonté de protéger la libre expression ne m’oblige en RIEN à souscrire aux âneries de mon voisin. Au contraire, pousser le bouchon jusqu’à copier et publier les caricatures peut dénaturer ma liberté d’expression! Un perroquet n’est pas un poète.

    Ma voix est la mienne. Pas celle de Charlie.

    Merci Madame Martelle.

  2. Pauline dit :

    Madame Martelle,

    Votre article m’a profondément réjouie, car il fait une brèche dans un mur de silence et de paralysie, devant lequel nous nous sentons parfois impuissants.
    En fait, je réalise que souvent, nous sommes victimes, ou complices d’inertie ou encore coupables de laisser-faire.

    Il est vrai que depuis longtemps on a dit aux croyants de se taire. On les a emprisonnés dans une « sphère privée » portant l’étiquette « antiquités ». On voudrait bien les voir classés au musée.

    Nos élites nous ont habitués à un patinage acrobatique sans fin, de même que tous ces nombreux analystes qui viennent donner leur opinion à la radio ou la télévision.

    Dans cette mer de « pareil au même », votre procès à Charlie tranche et réveille par sa vérité.
    Ces journalistes, on les a loués, plaints, justifiés, admirés; mais critiqués? fort peu. Personne ou presque n’a dénoncé la violence inscrite dans ces caricatures.

    A-t-on fait des marches pour que cesse le blasphème?

    Non, les foules s’assemblent et crient pour que certains aient le droit de détruire par le ridicule ou la moquerie grivoise ce que d’autres s’efforcent de construire patiemment. Elles plaident pour que soient respectés ceux qui ne respectent personne.
    Pourquoi la liberté devrait-elle servir à détruire?

    Non, je ne veux pas suivre ces foules que je vois comme des moutons de Panurge, se précipiter dans les eaux de la déesse Raison.
    Ils feraient mieux d’aller aux pieds de Notre-Dame avant, bien sûr, qu’elle ne devienne mosquée. *
    Elle pourrait pourtant beaucoup pour Paris, elle qui l’a visité, rue du Bac.

    En attendant, les principes de prétendue neutralité ont si bien travaillé les esprits qu’on peut regarder sans sourciller des caricatures vulgaires et blasphématoires, mais être incapable de poser les yeux sur le moindre crucifix. Il faut croire qu’il fait toujours scandale…

    Mais quelle aubaine! On pourra classer comme intégriste tout ce qui pointera son nez en dehors de la sphère privée. On en prendra prétexte pour tout laïciser, pour en finir avec Dieu quoi! qui après tout, n’est que le fondement de notre liberté. L’histoire se répète : ce ne sera pas la première fois qu’on voudra s’en débarrasser.

    Merci madame Martelle!

    Pauline

    *référence au livre La Mosquée Notre-Dame de Paris-année 2048

  3. Claudette dit :

    Je me lance pour écrire mon commentaires à la suite des personnes si avisé ci haut.
    J’ai entendu les nouvelles sur Charlie sans savoir de quoi il s’agissait. J’ai vu dans les revues les foules rassemblés. Je suis incapable de m’en faire une idée car je ne suis pas l’actualité et ne comprends pas les enjeux. Toutefois, dans mon coeur, je sens l’attrape et je ne sais pas comment réagir. Je suis contente de vous lire pour m’éclairer et me donner l’explication de ce malaise que j’ai sans savoir toujours pourquoi et d’ou il vient.
    Il me reste la grâce de mon baptème. Quand je sens ces choses, heureusement encore pour moi, je peux « poser les yeux sur mon crucifix ».
    Merci de m’encourager

  4. Paule dit :

    Moi, ce qui m’attriste dans tout ceci c’est que la foule qui crie bien haut sa liberté d’expression est composée majoritairement de personnes qui veulent se rattacher à une cause. Amenez-nous une cause, n’importe laquelle! La France, en reniant la foi de ses ancêtres, a créé un vide. Elle cherche à s’identifier et elle ne reconnaît plus son Dieu! Aussi, en ces temps où les références familiales sont brouillées, le problème d’identité est très fort. On cherche à combler ce vide, à vivre une certaine communion qui conforte… C’est un peuple sans berger, désorienté.

    Ces foules sont une manne alléchante pour les faux prophètes de notre temps.

    Je prie pour que nous ayions de nouveaux prophètes, de bons bergers. Présentement, je crois que le pape François est un cadeau du ciel, il est vraiment un prophète de nos temps modernes.

    Paule

  5. Isabelle dit :

    Mme Martelle,
    Je cite Claudette : « Je suis contente de vous lire pour m’éclairer  » Pour nous éclairer, il faut qu’il y ait une flamme .
    Cette lumière que vous portez permet d’éclaire notre pensée et d’approfondir notre réflexion.
    Merci d’être un témoin éclairé qui ne garde pas sa lumière sous le boisseau.
    En ce jour de la Fête de la Chandleur.

  6. Denis dit :

    Il faut bien se mettre martel en tête que notre époque de haute technicité est aussi une ėpoque de haute déraison. G.K. Chesterton disait que le monde moderne se caractérisait moins par le manque de foi que le manque de raison. À la déesse Raison qu’on a vite déboulonnée faute peut-être de fidèles adorateurs, il aurait fallu mettre la déesse Déraison et sa jumelle Dérision à la place. Elles y seraient encore aujourd’hui car ce qu’elles exigent comme tribut n’est rien d’autre qu’une grimace! Il y a de quoi contenter une foule en délire ou tout être insatisfait de la condition humaine qui veut bien liquider sa frustration de cette façon! Pour G.K. Chesterton, il y a donc perte du sens commun, de l’extraordinaire que recèlent les choses ordinaires et naturelles, la naissance d’un enfant par exemple. Si l’humain a horreur du vide, le monde occidental, dans une mutation régressive sans précédent, est en train de développer une horreur de l’être, l’amour du néant et la course au mensonge nous dit le psaume. Il est toujours plus facile de détruire que de construire, de dénigrer que d’avoir le courage de la joie et de l’émerveillement. L’article bien martelé d’Esther Martelle nous pousse à une réflexion nécessaire sur le sens qu’il faut donner aux événements et ce que cela implique pour la société et la personne, à savoir que nous sommes fils et filles de Dieu: rien de moins! Si, en toute liberté d’expression, on le veut bien!

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