Le symbole et le réel – p. 5

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1.4 L’hypothèse du symbole comme non langage

À l’opposé de ceux qui posent le symbole comme pôle du langage, l’ethnologue Dan Sperber, dans un ouvrage court mais exceptionnellement dense[12], s’évertue avec succès à démontrer que le symbolisme n’est justement pas un langage; pour lui, «dans le symbole est absente la signification. Le dispositif symbolique est de nature cognitive[13]». Le simple fait que l’on considère le symbole comme objet du symbolisme lui confère, si l’on peut dire, une super réalité que d’aucuns, même parmi les sémiologues les plus acharnés – ceux qui considèrent le symbolique comme langage –, regardent avec un certain scepticisme. Encore plus, le problème particulier de l’ambivalence du symbole, par exemple, n’est jamais solutionné de façon satisfaisante par le sémiologue; sens et contresens font partie de la nature du symbole, un point c’est tout. Pourtant, on touche à un problème qui mériterait une très grande attention, car l’ambivalence reportée dans une perspective concrète sera souvent vécue par le sujet en termes d’ambiguïté, faisant ainsi perdre au symbole sa véritable efficacité signifiante. La conséquence de la vision sémiologique du symbolisme est donc, selon ce cheminement, la mort à plus ou moins brève échéance de tout symbole, ses significations étant, à la limite et pour une certaine logique, interchangeables, et par là, absolument parlant, invalides en termes d’efficacité existentielle.

Sperber oppose à cette vision, classique par ailleurs, celle qui répond non plus à la question: «qu’est-ce que signifie le symbole?», mais, «comment signifie-t-il?». Selon ses propres mots: «la source de lumière est là non pour qu’on la regarde, mais pour qu’on regarde ce qu’elle éclaire»[14]. En d’autres termes, et contrairement à ce que la conception sémiologique propose, «le symbolisme ainsi conçu n’est pas un moyen de coder de l’information, mais un moyen de l’organiser»[15]. Ce n’est pas l’interprétation de la signification du symbole qu’il importe de faire mais considérer le dynamisme interne du dispositif symbolique avec ce qu’il évoque, les indices qu’il procure:

à la différence de ce qui se passe dans un décryptage sémiologique, il ne s’agit pas d’interpréter les phénomènes symboliques à partir du contexte mais, bien au contraire, d’interpréter le contexte à partir des phénomènes symboliques[16].

Les phénomènes symboliques seront désormais repérables et classifiables en termes d’opposition, d’organisation, d’homologies et, finalement, de structure.

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[12]. Dan Sperber, Le symbolisme en général, chapitres III et IV.
[13]. Ibid, p. 94-97.
[14]. Ibid, p. 82.
[15]. Id.
[16]. Id.

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