J’ai déjà évoqué, dans mes blogues précédents (Statue et langue de bois, Canonisateurs et canonisés, Les autels et la gauche), un certain processus d’assimilation, qui consiste à réduire la figure d’une personne à un certain dénominateur commun pour qu’elle corresponde aux canons de la sainteté.
Je pense que statufier quelqu’un lui fait perdre son identité et, par le fait même, lui enlève tout impact novateur. Y a-t-il plus fades et falotes que ces figurines de saints que l’on achète à la table des vendeurs du temple ?
Cette dégénérescence des « modèles » affecte même les figures originales. Ainsi, le simple ouvrier, l’obscur portier, l’humble fondateur, cette petitesse redondante attribuée au « Frère André » s’accole aussi à la figure de Joseph, pour le reléguer à l’arrière-plan, comme une ombre ou un vénérable figurant, alors que toute l’œuvre d’André Bessette vise à révéler l’importance et l’ampleur de son rayonnement.
La grandeur de Joseph affecterait-elle d’autres grandeurs ? Y aurait-il un enjeu politique inhérent à la personnalité de Joseph dont on ne veut pas entendre parler, préférant récupérer les miracles de l’Oratoire au bénéfice de l’attirance des fidèles et des visiteurs plutôt que de les considérer comme des signes révélateurs de sa véritable identité ?
Francine D. Pelletier
Demain : « Estime et vérité »
Vous posez une question intéressante ici: «Y aurait-il un enjeu politique inhérent à la personnalité de Joseph dont on ne veut pas entendre parler?». Cela ne fait pas de doute pour moi car, vous le soulignez ailleurs, il ne se trouve pas dans le cercle privilégié du prêtre et pour cela on le présente comme petit ou même inutile comme André Bessette. La canonisation de André Bessette est-elle une bonne chose? Qui est gagnant? Le pape va-t-il battre le record de JPII? Parfois on peut s’interroger sur les motivations profondes de ces vagues de canonisation. Je suis sensible au fait que Benoit XVI est intelligent et cultivé mais ne paraît-il pas surtout être le chef d’une organisation qui se cherche et qui cherche à protéger son image?
Jurgen Faine-Caram
Je pense que la question du sacerdoce est au cœur de bien des problèmes dans l’Église. Mais pas seulement dans l’Église. Il y a plusieurs formes de sacerdoce que l’on pourrait définir à partir de ce trait commun: il s’agit habituellement d’une conception de la valeur basée sur une dichotomie entre ceux qui savent, les lettrés (les clercs), et ceux qui ne savent pas, les illettrés (les non éclairés). Il peut y avoir un sacerdoce de la profession ou de la politique; la franc-maçonnerie est essentiellement sacerdotale et je dirais que les sectes, en général, reposent sur un sacerdoce dominant. Même si les femmes ne sont pas toujours admises au sacerdoce religieux, on sent chez certaines un véritable sacerdoce de la maternité, de la piété, et, de plus en plus, un sacerdoce de la profession, en attendant qu’elles aient accès aux autres. Quant à Joseph (personnellement, je suis sensible au fait que Benoit XVI se prénomme Joseph), je crois que la réticence à son égard se doit d’être double: ce ne peut pas être seulement à cause de ce qu’il n’est pas (prêtre), mais à cause de ce qu’il est aussi. Qui est-il? C’est la question fondamentale que je me pose et à laquelle je vais tenter de répondre d’ici la canonisation d’André Bessette. Le simple fait d’essayer me semble valable.