Religiosité ou fondement. Essai sur la nouvelle évangélisation

Par Jean-Marc Rufiange et Francine Dupras

 

I- CONTEXTE HISTORIQUE

Le 28 janvier 1979, à peine trois mois après avoir été élu à la succession de Pierre, Karol Józef Wojtyła, désormais connu sous le nom de Jean-Paul II, parcourt les 130 kilomètres qui séparent Mexico de Puebla de Los Angeles, au Mexique, où se tiendra la IIIe Conférence générale du Conseil épiscopal latino-américain (CELAM).

Cette conférence avait été convoquée initialement par son second prédécesseur Paul VI, dans la foulée de la conférence de Medellin de 1968, puis confirmée par Jean-Paul I, juste avant son décès. Cette conférence a donc été convoquée par trois successeurs de Pierre, en succession… Quelle serait donc la particularité de cette « réunion » pour mériter une telle distinction?

1. Joie et espoir, l’Église est le peuple de Dieu. Dans ce temps.

L’effervescence postconciliaire a trouvé en Amérique latine, lors de la IIe Conférence du CELAM à Medellin, un terreau fertile pour appliquer les avancées théologiques et pastorales impliquées dans les documents sur l’Église. C’était un juste retour des choses. On sait que des membres influents du CELAM ont pesé de tout leur poids au Concile, et que cela s’est reflété particulièrement sur la Constitution Pastorale Gaudium et Spes, aussi intitulée : « L’Église dans le monde de ce temps ».

Karol Józef Wojtyła, alors jeune invité au Concile, avait lui-même participé activement à l’élaboration du schéma XIII de ce document. Sa vision de l’Église, marquée par l’expérience de la domination communiste en Pologne, propose des ouvertures et une attitude pastorale principalement axée sur l’attention à la personne humaine.

« L’Église est le peuple de Dieu », cette affirmation que l’on retrouve dans Gaudium et Spes peut paraître banale à nos yeux du troisième millénaire, mais elle n’en représentait pas moins une véritable révolution dans l’histoire de l’Église, celle-ci étant alors plutôt et foncièrement perçue comme la structure hiérarchique qui la sous-tend.

2. Le choc des contrastes

En cette fin de XXe siècle, le continent sud-américain comporte la plus importante concentration de catholiques au monde, un véritable bloc presque sans faille. Mais, en même temps, il s’agit d’un des lieux au monde où le contraste entre pauvreté et richesse est le plus criant et les mouvements conséquents, principalement d’inspiration marxiste, les plus actifs. L’Église se voyait dans le devoir de réfléchir sur les implications de cette conjoncture pour parvenir à une définition moderne de l’Église en Amérique du Sud et, conséquemment, de l’Église toute entière.

C’est ainsi que, sous le soleil ardent de ce 28 janvier 1979, Jean-Paul II fait le trajet qui le mène à la conférence du CELAM, trajet au long duquel s’est massée une multitude de fervents catholiques qui saluent et implorent le nouveau successeur de Pierre, du coeur de leur vie de tous les jours, dans ce temps.

Jean-Paul II est profondément ému par cette expérience, une première pour lui. Véritablement intoxiqué par cette présence vibrante, cette pulsation, il fera de ces « bains » de foule sa marque de commerce lors de ses nombreux voyages.

À l’arrivée à Puebla, son entourage est inquiet. Jean-Paul II semble souffrir d’une insolation. Il est fatigué. Trop de foule? Trop de soleil? Pourra-t-il livrer son discours? Mais Jean-Paul II ne se laissera pas arrêter. Après s’être hydraté convenablement, il se présente à cette assemblée triée sur le volet, principalement composée d’évêques et d’archevêques. Sur les 367 participants, 187 ont le droit de vote, la plupart des évêques. Il s’agit après tout d’une conférence épiscopale. Les religieux sont sous-représentés cette fois : sur les 45 religieux et religieuses présents, seulement 5 d’entre eux ont droit de vote contre 13 à Medellin. Il y a aussi 34 laïcs, hommes et femmes, 4 diacres et 4 indiens. Les théologiens de la libération sont essentiellement absents, n’ayant pas été approuvés, mais sont bel et bien à Puebla, hors les murs.

Jean-Paul II est conscient du puissant contraste entre cette assemblée privilégiée, contrôlée, et cette masse populaire qu’il a traversée, avec ses cris, ses pleurs et les chapelets brandis comme des bannières rédemptrices. L’élite et la masse. Le nouvel évêque de Rome ne succombera pas directement à la tentation que représente cette dichotomie. Il la connaît trop bien. Il est d’ailleurs d’abord venu au Mexique pour rectifier les errements consécutifs à la conférence de Medellin, qui ont conduit à l’invention de ce courant qu’on a appelé « théologie de la libération ».

Pourtant, il va se glisser dans son discours des formules troublantes.

 3. Les maîtres de la coupe

À Puebla, il faut s’assurer que les évêques prennent bien conscience du problème récurrent que posent, au fil du temps, des théologiens trop entreprenants, problème qui résulte en des doctrines souvent questionnables et parfois condamnables. Les pasteurs, proclame Jean-Paul II dans son discours d’ouverture de la Conférence, doivent être d’abord des « maîtres de la vérité ». Il cite alors saint Jean: « Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous fera libres. » (Jn 8, 32). Et il ajoute: « Veiller sur la pureté de la doctrine, fondement de l’édification de la communauté chrétienne, est donc, avec l’annonce de l’Évangile, le devoir premier et irremplaçable du Pasteur, du Maître de la foi. »

Le pasteur, « maître de la vérité » et « Maître de la foi ». Ce n’est pas rien.

Maîtres de la vérité : mais d’où vient-elle cette vérité? Le Christ n’a-t-il pas dit: « Je suis LA vérité? » Or le Christ a envoyé l’Esprit Saint pour répandre la vérité comme un feu qui devrait tout dévorer. Et la Foi, cette vertu théologale, en quoi devrait-elle être « maîtrisée »? Jean-Paul II parle-t-il de la Foi ou bien d’un dépôt de la foi de l’Église conçu comme un ensemble de « vérités », une sorte d’entrepôt où s’accumuleraient une immense quantité de normes, considérations, dogmes, encycliques et autres, formant ce qu’on appelle « La Doctrine »? La Doctrine, car l’Institution est composée de Maîtres-Docteurs. Les membres de la hiérarchie sont en effet appelés Pères, Maîtres et Docteurs, et ils le sont encore, malgré l’avertissement du Christ:

Pour vous, ne vous faites pas appeler Rabbi : car vous n’avez qu’un Maître, et tous vous êtes des frères. N’appelez personne votre Père sur la terre: car vous n’en avez qu’un, le Père céleste. Ne vous faites pas non plus appeler Directeurs : car vous n’avez qu’un Directeur, le Christ. (Matthieu 23, 8-10)

En face des préoccupations de plus en plus vives face aux déséquilibres affectant les responsabilités dans l’Église, comment Jean-Paul II peut-il en arriver à de telles propositions, lui qui s’était fait remarquer au Concile pour ses positions « pro-laïcs » et qui sait peut-être que la première question que Jean-Paul I avait soulevée dans sa propre préparation à la conférence de Puebla concernait les ministères « laïques »?

Peut-être que la libération dont l’Église a le plus besoin est l’émancipation de ce mouvement qui se borne à accumuler des vérités dans l’entrepôt autoréférentiel de la Doctrine, afin de permettre une « liquidation » au sens le plus strict du terme, c’est-à-dire une libération du liquide de la vérité, du vent de l’Esprit, du feu de Sa Puissance de vertus. N’est-ce pas là cette nouvelle évangélisation qu’évoquent avec tant d’ardeur les récents successeurs de Pierre?

Dans cette enceinte ecclésiale du séminaire de Puebla, ne devait-on pas sentir cette présence diffuse de l’espace ouvert où Jean-Paul II a rencontré cette chair populaire et ce sang de vie et de sacrifice, pour que, justement, se réalise le souhait de Gaudium et Spes d’un peuple de Dieu où tous les fidèles incluant les pasteurs se retrouvent sous la houlette du seul Directeur et Maître de la Vérité?

Ce peuple, c’est le sang de l’Église, répandu dans le temps et l’espace, destiné à imprégner le monde par la puissance de l’Esprit. Ce sang peut être contenu dans une coupe, selon le temps et les lieux, une coupe dont la garde est confiée à la vigilance des responsables (épiscopoï), institutionnels ou non. Peut-être que cette vigilance est trop axée sur le contrôle de la coupe, qu’on appelle précieusement « calice », perdant de vue que le trésor, ce n’est pas la coupe elle-même mais ce qu’elle contient. Le sang, comme le vin, doit être consommé, répandu, après avoir été offert et versé par le dernier et seul vrai Sacrificateur.

 

II- LE RUBIS CACHÉ

Puebla débute donc sur une note contrastée. Les oppositions et les dichotomies se font de plus en plus présentes. Le Concile en était imbu. L’Église en est déchirée. Qu’en résultera-t-il?

C’est l’Esprit Saint qui, par un de ses tours de passepasse divins, viendra déposer dans le Document de Puebla de Los Angeles un très petit diamant, ou plutôt un rubis, comme une goutte de sang cristallisée.

1. La quête d’une synthèse

Il y a, au plus profond de l’être humain, des interrogations, des thèmes récurrents auxquels tentent de répondre mythes, religions, sciences et traditions de toutes sortes. Nous pourrions les appeler les « grandes interrogations de l’existence ». Le pourquoi et le comment de cette existence même. Le comment et le pourquoi des contradictions apparentes de l’être même. L’un et le multiple, l’avant et l’après, le haut et le bas, la gauche et la droite, le divin et l’humain, la personne et la communauté, l’intelligence et le sentiment, l’esprit et le corps, la foi et la patrie, l’homme et la femme. En christianisme, le Christ et Marie, la communion et l’institution.

Nous apprenons de plus en plus à envisager ces polarités en termes de complémentarité plutôt qu’en termes de contradiction. C’est peut-être là un signe des temps mais nous avons de plus en plus conscience, par exemple, que l’homme et la femme forment, ensemble, l’humanité. Que l’esprit et le corps forment, ensemble, l’être. Que le haut et le bas, la gauche et la droite forment, ensemble, l’espace.

La seule contemplation de ces couples de relation, la recherche des mécanismes qui les font fonctionner, pourraient suffire à justifier notre existence. On comprend ainsi l’importance de la recherche et de la production d’une synthèse.

Il faut aussi trouver un sens à notre rapport avec la nature, comprendre le travail que nous avons à accomplir.

Il faut, face à l’adversité et aux inévitables duretés de l’existence, découvrir les raisons de vivre dans la joie et la bonne humeur.

Comme fondement de l’Église, nous voudrions donc un humanisme chrétien qui affirme radicalement la dignité de tout être comme fils de Dieu et instaure une fraternité fondamentale, universelle, catholique.

Nous voudrions une charte de l’Église qui tienne compte de toutes ces réalités.

2. En quête d’une charte de l’Église

La charte que nous cherchons existe. Enfouie quelque part dans le Catéchisme de l’Église catholique (CEC), elle est, de façon inattendue, définie comme « religiosité populaire » : « La religiosité populaire, pour l’essentiel, est un ensemble de valeurs qui, avec sagesse chrétienne, répond aux grandes interrogations de l’existence. » La recherche de la complémentarité, fondamentale pour la compréhension de l’être et de notre existence, y est de même évoquée: « Le bon sens populaire catholique est fait de capacité de synthèse pour l’existence. »

Il y a donc, perle cachée dans les tréfonds de l’Église, ce petit paragraphe en apparence anodin, issu du Document de Puebla:

La religiosité populaire, pour l’essentiel, est un ensemble de valeurs qui, avec sagesse chrétienne, répond aux grandes interrogations de l’existence. Le bon sens populaire catholique est fait de capacité de synthèse pour l’existence. C’est ainsi qu’il fait aller ensemble, de façon créative, le divin et l’humain, le Christ et Marie, l’esprit et le corps, la communion et l’institution, la personne et la communauté, la foi et la patrie, l’intelligence et le sentiment. Cette sagesse est un humanisme chrétien qui affirme radicalement la dignité de tout être comme fils de Dieu, instaure une fraternité fondamentale, apprend à rencontrer la nature comme à comprendre le travail, et donne des raisons de vivre dans la joie et la bonne humeur, même aux milieu des duretés de l’existence. (Document de Puebla ; cf. EN 48, cité dans le Catéchisme de l’Église catholique (CEC, no 1676).

Mais pourquoi cette sagesse chrétienne est-elle définie comme « religiosité populaire », concept qui porte en soi une charge diminutive évidente? Comment une telle sagesse, capable de répondre aux grandes interrogations de l’existence, ne repose-t-elle pas plus haut dans la hiérarchie des valeurs de l’Église?

Il y a déjà un début de réponse dans la position stratégique qu’occupe ce texte dans la logique du Catéchisme. Nous le retrouvons en effet dans les considérations sur les « sacramentaux », au chapitre intitulé: « LES AUTRES CÉLÉBRATIONS LITURGIQUES ».

  • DEUXIEME PARTIE LA CELEBRATION DU MYSTERE CHRETIEN
    • DEUXIÈME SECTION LES SEPT SACREMENTS DE ÉGLISE
      • CHAPITRE QUATRIEME LES AUTRES CELEBRATIONS LITURGIQUES
        • Article 1 LES SACRAMENTAUX

L’article portant sur les sacramentaux est constitué des considérations suivantes:

1674. Hors de la Liturgie sacramentelle et des sacramentaux, la catéchèse doit tenir compte des formes de la piété des fidèles et de la religiosité populaire. Le sens religieux du peuple chrétien a, de tout temps, trouvé son expression dans des formes variées de piété qui entourent la vie sacramentelle de l’Église, tels que la vénération des reliques, les visites aux sanctuaires, les pèlerinages, les processions, le chemin de croix, les danses religieuses, le rosaire, les médailles, etc. (cf. Cc. Nicée II : DS 601 ; 603 ; Cc. Trente : DS 1822).

1675. Ces expressions prolongent la vie liturgique de l’Église, mais ne la remplacent pas :  » Ils doivent être réglés en tenant compte des temps liturgiques et de façon à s’harmoniser avec la liturgie, à en découler d’une certaine manière et à y introduire le peuple, parce que la liturgie, de sa nature, leur est de loin supérieure  » (SC 13).

1676. Un discernement pastoral est nécessaire pour soutenir et appuyer la religiosité populaire et, le cas échéant, pour purifier et rectifier le sens religieux qui sous-tend ces dévotions et pour les faire progresser dans la connaissance du Mystère du Christ (cf. CT 54). Leur exercice est soumis au soin et au jugement des évêques et aux normes générales de l’Église (cf. CT 54).

Le paragraphe tiré du Document de Puebla est inséré en guise de citation et en conclusion du troisième et dernier point de la thématique des sacramentaux (CEC, numéro 1676). La seconde considération (CEC, numéro 1675) est particulièrement révélatrice de la valeur accordée aux expressions de la dite « religiosité populaire » : « parce que la liturgie, de sa nature, leur est de loin supérieure », peut-on lire. Il y a lieu de se demander comment les considérations si riches et si profondes du paragraphe qui nous intéresse peuvent se retrouver ainsi définies comme étant de loin inférieures à la liturgie… Quel système de priorités fait passer devant les « grandes interrogations de l’existence » la liturgie, quelle que soit par ailleurs l’importance de cette dernière pour la vie de l’Église?

Il faudra s’interroger davantage et constamment sur ces oppositions récurrentes qui fonctionnent en termes de plus grand et plus petit, de supérieur et inférieur, polarisations qui conduisent à des contradictions, afin de vraiment mettre à jour (aggiornamento) cette Église, pour aujourd’hui et pour demain.

Mais il y a de l’espérance car, comme l’affirme en conclusion le paragraphe que nous avons mentionné:

Cette sagesse (chrétienne) est aussi pour le peuple un principe de discernement, un instinct évangélique qui lui fait percevoir spontanément quand l’Évangile est le premier servi dans l’Église, ou quand il est vidé de son contenu et asphyxié par d’autres intérêts.

C’est peut-être le sens de l’appel que fait entendre le successeur de Pierre dans l’Église de notre temps. Un appel à un renouvellement. Un appel à un apport plus grand de toutes les forces vives de l’Église, hommes et femmes, de toutes conditions et de toutes capacités.

Ce petit paragraphe caché dans le Catéchisme pourrait être remis à sa place, devenir le préambule d’une charte de l’Église universelle. Une affirmation du sens profond de l’assemblée du peuple de Dieu. Peut-être serait-ce là la mission profonde des laïcs dans l’Église : contribuer à remettre à sa place la charte de son fondateur selon son instinct évangélique et son discernement.

Imaginons que le petit paragraphe de Puebla devienne la première expression de ce que l’Église est au monde, pour le monde et dans le monde, le monde de ce temps, et relisons-le dans cette perspective :

Il y a au fondement de l’Église un système de valeurs qui, avec sagesse chrétienne, répond aux grandes interrogations de l’existence. Le bon sens populaire catholique est fait de capacité de synthèse pour l’existence. C’est ainsi qu’il fait aller ensemble, de façon créative, le divin et l’humain, le Christ et Marie, l’esprit et le corps, la communion et l’institution, la personne et la communauté, la foi et la patrie, l’intelligence et le sentiment. Cette sagesse est un humanisme chrétien qui affirme radicalement la dignité de tout être comme fils de Dieu, instaure une fraternité fondamentale, apprend à rencontrer la nature comme à comprendre le travail, et donne des raisons de vivre dans la joie et la bonne humeur, même aux milieu des duretés de l’existence. Cette sagesse est aussi pour le peuple un principe de discernement, un instinct évangélique qui lui fait percevoir spontanément quand l’Évangile est le premier servi dans l’Église, ou quand il est vidé de son contenu et asphyxié par d’autres intérêts. (CEC, numéro 1676)

 

III- L’À-VENIR DE L’ÉGLISE

Ceci dit, une autre étape devrait être envisagée. En effet, bien que le paragraphe définissant la religiosité populaire manifeste des éléments essentiels s’adressant au monde et à l’Église, et qu’il pourrait pour cela se retrouver plus avant dans le Catéchisme, tel un préambule, il demeure que celui-ci se présente en termes de polarisation.

Ainsi nous y retrouvons une polarité, maintenue solidement dans la tradition et la doctrine de l’Église, qui met en une sorte de vis-à-vis « le Christ et Marie ». Le Christ, un homme, et sa mère, une femme, et pourtant peut-être plus sa mère que femme : peut-on maintenir que ce couple, le Fils et sa mère, reflète de façon adéquate et définitive la réalité de la complémentarité humaine exprimée dans les deux premiers chapitres de la Genèse? Ne faudrait-il pas insérer la personne de Joseph dans cette équation?

Dans son discours de Puebla, Jean-Paul II exhortait :

C’est d’une solide christologie que doit venir la lumière sur tant de sujets et de questions doctrinales et pastorales (I, 2)

Une action évangélisatrice sérieuse et vigoureuse ne peut être garantie sans une ecclésiologie solidement établie. (I, 7)

L’Église possède, grâce à l’Évangile, la vérité sur l’homme. Cette vérité se trouve dans une anthropologie que l’Église ne cesse d’approfondir et de communiquer. (I, 9)

La considération de Joseph, dans ses rapports avec Marie, et avec Jésus, signifiée sur le blason de François, comporte des incidences fondamentales des plus profondes, ne serait-ce que sur les plans christologique, ecclésiologique et anthropologique, justement. Les trois symboles qui ornent son blason témoignent de cette réalité complémentaire, si nécessaire à la compréhension de la dynamique trinitaire animant l’Église. La fleur de nard choisie par François pour représenter Joseph – tout comme l’étoile évoquant Marie, d’ailleurs – ne saurait être confinée au seul domaine de la religiosité.

Le Concile Vatican II avait été mis sous l’égide de Joseph et Jean-Paul II comme Jean XXIII ont confié les clés de leur ministère pétrinien à son intercession. François a inauguré son ministère en la solennité de Joseph, époux de Marie et patron de l’Église universelle. Puis, il a réintroduit la mention de son nom dans toutes les Prières eucharistiques de la liturgie et confié l’État du Vatican à sa protection, deux démarches amorcées par son prédécesseur Benoît.

Ainsi sont posées les bases d’une synthèse à renouveler, émanant de la sagesse chrétienne, qui, en s’ouvrant au mystère conjugué de Joseph, Marie et Jésus, pourrait contribuer à libérer l’Église des polarisations qui la divisent, afin de répondre au suprême désir de son fondateur : « Qu’ils soient UN ».

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5 Responses to Religiosité ou fondement. Essai sur la nouvelle évangélisation

  1. Lise Tancrède dit :

    Votre texte me donne beaucoup d’espérance car malgré l’extérieur revêche de l’Église (ontologisme, collaboration non comprise des femmes dans l’Église, prédication insuffisante, etc), un trésor est là, il s’agit de le découvrir.

    — Puebla 1979 —
    Une réunion est convoquée par trois successeurs de Pierre, c’est pour moi une preuve d’URGENCE… l’Église a besoin de se concerter sur sa vie d’aujourd’hui. Jean-Paul 11 en présidera sa tenue avec son expérience tirée de sa participation au Concile, de son combat contre le communisme en Pologne, d’un souffle venu de son élection comme pape pour remettre les pendules à l’heure face à la Théologie de la libération et autres.
    En arrivant à Puebla, l’accueil enthousiaste de la foule, la « masse » du peuple de Dieu, l’a étonné. Ce peuple spontané est là avec son quotidien, ses émotions, sa piété populaire, afin de lui manifester clairement son adhésion à l’Église vivante en extension, en questionnement. Un autre type d’expérience l’attendait aussi, celle avec les dignitaires, la hiérarchie ecclésiale « l’ÉLITE » quoi…
    C’est une rencontre organisée celle-là, formelle, avec des représentants inquiets, des possibles remises en questions sur les enjeux du catholicisme chez eux. Ils sont « l’autorité », ils doivent en répondre.
    Les meneurs de la Théologie de la libération sont absents, ils ne sont pas convoqués… quel malaise… car ils sont actifs dans leur pays.
    Jean-Paul 11 parle aux pasteurs, leur disant qu’ils doivent être des « maîtres » de la vérité. C’est mal parti… Des maîtres et non des porteurs de la vérité… quelle différence! Ils sont des serviteurs de la vérité et non pas des détenteurs hiérarchiques, « un vase » du legs de Jésus. Ils en sont les gérants pour transmettre le message à tous les fidèles qui sont « le sang » et la « vie » de l’Église, eux compris…
    L’Église a besoin de la coupe et du sang qui sont complémentaires… et non pas de façon restrictive liée aux fonctions. Comment arriver aux laïcs, les impliquer, les considérer, les intéresser à la vie de l’Église, participant à part entière à la communion au corps et au sang de Jésus? C’est un défi de taille pour le pape, car au Concile, il tenait des propos « pro-laïcs ». La marche est haute… car ces ministres ontologiques et forts de leur pouvoir s’en servent pour eux… Pourtant l’héritage de l’enseignement de Jésus et la vie de l’Église ne sont pas en opposition… ils sont un…
    Un trésor caché dans le catéchisme… des réponses aux grandes interrogations de l’existence… la quête d’une charte de l’Église… c’est à lire, à appliquer.
    Les prêtres qui ont de première main l’évangélisation, s’excluent de la participation des fidèles dans l’Église, car elle se résume à la religiosité étant perçue dans l’Église de moindre valeur que la liturgie. Cependant le Concile en parle avec beaucoup de verve… et le CEC au no 1676 « la religiosité populaire, pour l’essentiel… »
    Pour moi c’est un appel à l’écoute du bon sens catholique des fidèles qui vivent leur foi avec leur cœur, en exprimant leurs prières de façon simple et personnelle: récitation du rosaire, pèlerinages, visite à l’église, participation aux sacrements, etc… La liturgie est pour moi une prière communautaire où le président n’est pas que l’officiant à la prière des fidèles mais surtout un participant à part entière à la célébration.
    L’à-venir de l’Église s’oriente avec saint Joseph! En effet, n’était-il pas le veilleur, le gardien de la Ste-Famille… il est bien placé pour nous faire découvrir l’héritage que nous a laissé son fils.

    François a préparé l’avènement de Joseph:
    n’a-t-il pas été intronisé le jour de la fête de saint Joseph,
    n’a-t-il pas inscrit sur son blason un symbole qui le représente,
    n’a-t-il pas réintroduit le nom de saint Joseph dans la prière eucharistique?
    C’est de bon augure…

  2. Marie-Noel dit :

    Mme Tancrède

    Merci pour votre commentaire, et merci aussi par le fait à M. Rufiange et Mme Dupras pour leurs réflexions sur la question.
    J’aime beaucoup lorsque vous dites :
     » Pour moi c’est un appel à l’écoute du bon sens catholique des fidèles qui vivent leur foi avec leur cœur, en exprimant leurs prières de façon simple et personnelle: récitation du rosaire, pèlerinages, visite à l’église, participation aux sacrements, etc… La liturgie est pour moi une prière communautaire où le président n’est pas que l’officiant à la prière des fidèles mais surtout un participant à part entière à la célébration. »

    ………tout comme les autres participants qui sont appelés à donner et à recevoir.

  3. Isabelle dit :

    M.Rufiange, Mme Dupras

    J’aurais une question à vous poser par rapport à un texte qui m’a toujours questionné et que vous avez mentionné dans votre écrit . Le voici:
     » Pour vous, ne vous faites pas appeler Rabbi : car vous n’avez qu’un Maître, et tous vous êtes des frères. N’appelez personne votre Père sur la terre: car vous n’en avez qu’un, le Père céleste. Ne vous faites pas non plus appeler Directeurs : car vous n’avez qu’un Directeur, le Christ. « (Matthieu 23, 8-10)

    Alors pourquoi dans l’Eglise on utilise toujours le mot »Père » pour telle ou telle personne? Ces « pères » ne sont-ils pas ceux qui nous enseignent la parole de Dieu ? Que font-ils de celle-ci ? Quelles raisons se donnent-ils pour porter le nom qui est attribué qu’à la première personne de la Trinité?

    Moi pauvre laïque, je pourrais dire dans ma « religiosité populaire » : O Père , ils ne comprennent pas, pardonne-leur.

  4. Lucie dit :

    « Le bon sens catholique des fidèles qui vivent leur foi avec leur cœur »: on peut le voir dans l’histoire de Fatima quand les gens de tous les alentours viennent pour voir Marie, il y a là un événement unique que l’on ne veut pas manquer. Et ils n’ont pas été déçus…

  5. Marilyn dit :

    J’aime bien votre « commentaire » sur la coupe, et sur le « sang de l’Église ». Cela me fait réaliser comment tout est relié: Peu de communautés peuvent bénéficier de boire au sang du Christ lors de la communion. En effet, cela est réservé aux « Maîtres de la coupe ». En plus, j’ai entendu la messe en anglais récemment et j’ai réalisé que le prêtre ne disait plus « the bread and wine » mais bien « the bread and the chalice ». J’ai été déçue, tout comme pour le changement de « and also with you » vers « and with your spirit ». En disant « the bread and the chalice », on met plus d’importance sur la coupe que sur le contenu, comme vous dites, et ce changement dans le texte de la liturgie me semble symptomatique des remous que cause le « choc » des nouvelles idées.

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