Les disciples demandent à Jésus: « Qui donc est le plus grand dans le Royaume des Cieux? » (Mt, 18, 1b) Il leur répond: « Qui donc se fera petit comme ce petit enfant-là, celui-là est le plus grand dans le Royaume des Cieux. » (Mt, 18, 4)
À partir de l’enfance, nous devons apprendre à être des enfants…
Quel est donc cet enfant que Jésus nous propose comme modèle? Ce n’est pas l’enfant-enfant car, comme le dit le psaume: « Vois : mauvais je suis né, pécheur ma mère m’a conçu. » (Ps 51, 7) L’enfant, selon Jésus, c’est celui qui dit « Papa, qui es dans les cieux… »
Paul l’a bien compris:
En effet, tous ceux qu’anime l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu. Aussi bien n’avez-vous pas reçu un esprit d’esclaves pour retomber dans la crainte ; vous avez reçu un esprit de fils adoptifs qui nous fait nous écrier : Abba ! Père ! L’Esprit en personne se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu. (Rom 8, 14-16)
La prière au Père, que Jésus appelle ostensiblement « Papa », est intercalée dans son discours sur le secret. C’est dans le secret que nous dirons « Abba-Papa qui es dans les cieux… »
Le secret, c’est l’opposé de l’ostentation. Jésus livre ainsi le secret du secret:
Gardez-vous de pratiquer votre justice devant les hommes, pour vous faire remarquer d’eux; sinon, vous n’aurez pas de récompense auprès de votre Père qui est dans les cieux. Quand donc tu fais l’aumône, ne va pas le claironner devant toi; ainsi font les hypocrites, dans les synagogues et les rues, afin d’être glorifiés par les hommes; en vérité je vous le dis, ils tiennent déjà leur récompense. Pour toi, quand tu fais l’aumône, que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite, afin que ton aumône soit secrète; et ton Père, qui voit DANS LE SECRET, te le rendra. (Mt, 6, 1-4)
Et quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites: ils aiment, pour faire leurs prières, à se camper dans les synagogues et les carrefours, afin qu’on les voie. En vérité je vous le dis, ils tiennent déjà leur récompense. Quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte, et prie ton Père qui est là, DANS LE SECRET; et ton Père, qui voit DANS LE SECRET, te le rendra… (Mt, 6, 5-6)
Vous donc, priez ainsi: Abba-Papa qui es dans les cieux… (Mt, 6, 9ss)
Quand vous jeûnez, ne vous donnez pas un air sombre comme font les hypocrites: ils prennent une mine défaite, pour que les hommes voient bien qu’ils jeûnent. En vérité je vous le dis, ils tiennent déjà leur récompense. Pour toi, quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage, pour que ton jeûne soit connu, non des hommes, mais de ton Père qui est là, DANS LE SECRET; et ton Père, qui voit DANS LE SECRET, te le rendra. (Mt, 6, 16-18)
C’est pourquoi, pour devenir enfant de Dieu, il nous faut sortir de l’enfance. En effet, l’enfant veut être grand, il veut grandir. Et il veut se montrer. Il est ostentatoire.
Thérèse l’a bien compris. Elle veut être cachée. Cachée dans le silence du Carmel. Cachée aux yeux des humains. Petite.
Elle a donc fait sienne cette parole de Jésus, proclamée encore une fois à l’encontre de la recherche de grandeur enfantine des disciples: « celui qui est le plus petit parmi vous tous, c’est celui-là qui est grand. » (Lc 9, 48c)
La petite voie de l’enfance, c’est la voie du secret. Le contraire de l’ostension. Pour ne pas être vu, il faut être petit, enfant.
Combien de fois Thérèse dit d’elle-même qu’elle est « petite »? Elle sait ce qu’elle veut: c’est le trésor du royaume. Être grand au Royaume c’est être accompli, être adulte. L’adulte est celui qui est parvenu à la maturité et à la majorité. L’adulte est majeur. Thérèse, jouant avec grâce des paradoxes que Jésus propose est une gérante intelligente de son cheminement vers le Royaume. Elle sera ici-bas petite, mineure et dernière, pour être là-bas grande, majeure et première. Grande dans l’amour, majeure en amour, première d’amour.
Que dire de l’esprit d’enfance vécu par Jacinthe, François et Lucie, intimes de la Dame de Fatima? Bien qu’enfants, ils ont vécu leur mission avec héroïcité, grandeur d’âme dans la simplicité, tenant plus que tout à être fidèle à la vérité, quoiqu’il leur en coute.
Tous trois m’enseignent le courage de l’enfance et que tout peut être offert; que rien n’est perdu de l’offrande, si minime soit-elle et que le Père, par la Mère, donne la force nécessaire pour accomplir le bien.