Penser autrement

La surenchère médiatique sur les questions du genre et des orientations sexuels saturent l’espace public et repoussent à l’arrière-plan les avancées en cours dans la considération d’une complémentarité homme/femme. Cette désarticulation des discours qui touchent à la nature de l’humanité révèle à mon sens l’existence d’angles morts dans nos systèmes de pensée politiques, théologiques, sociologiques et anthropologiques.

Partant du fait que l’homme et la femme sont en rapport, on a surtout cherché à définir l’identité de chacun des deux termes : qu’est-ce qu’un homme? qu’est-ce qu’une femme ? Ce chemin est rempli d’ornières. On tombe aisément dans les stéréotypes et le rapport n’est finalement perçu qu’à l’aune de l’égalité.

Penser en termes de complémentarité implique un changement de perspective. Dans cette optique renouvelée, le rapport homme/femme se constitue en paradigme, c’est-à-dire comme une clef essentielle dans la manière de voir et de concevoir non seulement les rapports interpersonnels mais les rapports en général. Il participe d’une structure universelle que j’appelle « principe de complémentarité » et qui réconcilie les termes d’une problématique fondamentale, archaïque et toujours actuelle, celle de l’Un et du Multiple.

Je pourrais dire, en termes grammaticaux, que mon attention s’applique tout particulièrement à la conjonction qui relie les deux termes du paradigme: homme/femme. Par exemple: sont-ils différents « et » complémentaires? différents « ou » complémentaires? Ou bien, comme dans le contexte de cette citation tirée d’un article de revue scientifique, complémentaires « mais » différents, l’auteur mettant l’accent sur la nécessité de la différenciation sexuelle dans la génération d’un individu :

Pour qu’existe un individu, il faut donc qu’il y ait non seulement complémentarité, mais aussi différence entre les géniteurs. La raison de cette exigence n’est pas connue[1].

On pourrait poursuivre avec d’autres conjonctions : l’homme et la femme sont-ils complémentaires « car » différents, ou bien différents « car » complémentaires? Complémentaires « donc » différents, ou bien différents « donc » complémentaires ? Ou encore, comme certains vont jusqu’à dire, sont-ils « ni » différents « ni » complémentaires ? Toutes ces questions peuvent être considérées comme autant de tentatives de surmonter la problématique sous-jacente : comment concilier l’unité et la diversité, l’un et le multiple.

Le changement de perspective qui s’opère chaque fois que l’on passe d’une conjonction de coordination à une autre n’est pas un exercice de grammaire purement formel. Il entend suggérer que le coordonnant est chaque fois en correspondance avec le rapport que l’on établit entre les deux termes, c’est-à-dire que la conjonction utilisée révèle notre manière de gérer la dualité du rapport homme/femme.

La question véritable à se poser serait donc la suivante: quelles sont les raisons de gérer le rapport homme/femme de telle ou telle manière, sont-elles même fondées?

À cet égard, ma réflexion s’appuie sur trois postulats: 1) au niveau philosophique, je pose l’existence d’un principe de complémentarité; 2) comme fondement onto-théologique, je prends en compte la révélation de la Trinité; 3) je considère le rapport homme et femme lui-même comme un fondement anthropologique nécessaire à la compréhension du monde.

J’ai écrit un certains nombre d’essais sur chacun de ces fondements qui seront regroupés sous l’un des trois titres suivants:

Un « et » multiple:

Un « et » trois

Un « et » deux

Penser autrement, à partir de la base même de nos raisonnements, c’est-à-dire de notre manière de conjuguer les éléments divers de la réalité, afin d’inclure dans nos paramètres les incidences de la Trinité et celles du rapport homme et femme: tel est mon propos.

Francine Dupras
Pâques 2013


[1] « L’homme est-il une femme ratée ? », dans Science et Vie, no 904, janvier 1993, p. 30.

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3 Responses to Penser autrement

  1. Stéphane dit :

    Le principe de complémentarité de Niels Bohr fait référence à la dualité onde-corpuscule pour définir la lumière. Peut-on aussi parler d’une dualité homme-femme pour définir le principe de complémentarité définissant la nature humaine? Toutefois, lorsqu’il s’agit de rapports homme-femme, est-ce que l’individu ne va pas au-delà de cette relation complémentaire? Il est certain que le physique influe sur le psychique. Mais si nous sommes incapables de transcender nos instincts, ne somme-nous pas alors uniquement défini par notre nature animale? Si on va au-delà de la nature physiologique de l’humain, la complémentarité ne devrait-elle pas être au niveau individu/individu (individu unique de par son âme) plutôt qu’au niveau homme/femme? Si on dit que notre âme est immortelle, alors la caractéristique sexuelle d’un individu n’est-il pas qu’un attribut temporaire au même titre par exemple, que notre chevelure qui change avec le temps? La complémentarité sexuelle homme-femme est essentielle à la reproduction. Pourrait-on alors prétendre que la fertilité est une caractéristique importante de la notion de complémentarité? La rencontre de dualités permet alors d’obtenir un tout qui est plus grand? Et qu’en est-il si cette dualité est multiple tel un orchestre symphonique?

    Définir une complémentarité homme/femme (basé sur la nature sexuelle des individus) ne revient-il pas à définir une complémentarité animale?

    Mais comment concilier la complémentarité physiologique caractérisé par le sexe de la personne avec la complémentarité psychologique (partiellement influencé par la nature homme/femme) et avec la complémentarité spirituelle des individus (totalement indépendante de la nature homme/femme)?

    Tient, on dirait que nous sommes empétrés dans une complémentarité multiple ou trinitaire ???

    J’ai bien hâte de lire vos prochains textes sur le sujet 🙂

    • Susanne Marchio dit :

      Bonjour Monsieur Stéphane,

      Vous semblez vouloir limiter la complémentarité de l’homme et de la femme à la reproduction.

      Je viens de voir ceci sur la Presse: « Le gouvernement Harper juge inacceptable la sous-représentation des femmes au sein des conseils d’administration des entreprises canadiennes. »

      Ce n’est certainement pas pour faire des bébés…

  2. François Bernier dit :

    À la lecture de votre texte, je revois l’office du Vendredi saint auquel j’ai participé. Au moment de la vénération de la croix, j’ai été saisi par le mouvement silencieux de l’assemblée vers le point central que constituait la croix. Tous s’exécutaient avec le plus profond respect. Je me suis rappelé alors cette parole: « Lorsque j’aurai été élevé de terre, j’attirerai tout à moi. » Exemple frappant de l’un et du multiple.

    Jésus se présente comme un noyau d’attraction. Il est intéressant de constater qu’il existe un autre noyau d’attraction qui agit à un niveau semblable: Marie, sa mère. Ils attirent sans s’opposer, car ils attirent dans la même direction. Une seule ellipse avec deux foyers. Dans cet exemple, un rapport homme et femme harmonieux se superpose, ou se fond, à un rapport un et multiple non moins harmonieux. Leurs fonctions semblent inséparables.

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