La frontière de la confiance

Je vous présente Bertha, ma dernière acquisition de cet hiver, une belle vache Simmental d’environ 6 ans que j’ai magasinée dans les fermes alentour.

Elle prend le relais d’Hermine, une vache Hereford qui a terminé son service honorable après m’avoir donné plusieurs beaux veaux. Je n’ai pas une longue expérience de l’élevage des bovins, mais j’ai entrepris ma recherche d’une nouvelle vache sur la base de mes connaissances actuelles en espérant les enrichir de conseils judicieux d’autres éleveurs.

J’ai ainsi visité plusieurs fermes en questionnant à qui mieux mieux, promenant un air innocent pour attirer les conseils. Les éleveurs partagent plus facilement leur expérience quand ils sentent que leur interlocuteur a beaucoup à apprendre.

L’élevage est un monde. À entendre les fermiers, chacun possède la meilleure race. Celle-ci donne beaucoup de lait, vêle facilement et donne une viande goûteuse; une autre possède une petite ossature et des muscles doubles, ce qui donne un bon rendement de carcasse; celle-là a un gain de poids rapide et résiste bien au froid et aux maladies; l’autre là-bas offre un excellent persillage; et ainsi de suite.  Le problème, c’est qu’ils ont probablement tous raison. Comment s’y retrouver?

L’un d’entre eux observa: «Il faut faire confiance à l’éleveur.» Sur le coup, j’ai failli pouffer de rire. Je me disais: «Écoute, Chose, si je devais faire confiance à tous ceux que je rencontre, je deviendrais vite sans-le-sous.»

Mais à bien y repenser, cet homme disait vrai. Malgré toutes les précautions qu’il m’est possible et légitime de prendre, il arrive un point où je n’ai plus le choix de faire confiance. Je ne possède jamais toutes les réponses à une question. Bertha présentait une belle conformation, elle avait été saillie par un taureau certifié et on m’avait fait l’éloge de son propriétaire, mais au-delà du calcul du risque, il existe une zone d’ombre, souvent inconfortable, où je ne peux que me fier au témoignage d’autrui.

Évidemment, les conseils d’un éleveur ne peuvent m’être profitables que si je les mets en pratique; ils viennent alors éclairer ma zone d’ombre où je tâtonnais. Et malgré certaines déceptions cuisantes, je dois reconnaître qu’un gain net vient généralement récompenser le choix de faire confiance.

Toutefois, je remarque qu’en moi la méfiance est plus facile que la confiance. Pourquoi? Il existe toujours la crainte de me faire rouler (il s’agit là de défiance), mais je ne peux pas maintenir ma porte fermée. La méfiance n’est pas complètement mauvaise non plus, elle est nécessaire à la survie.

Comment arrivez-vous à doser confiance et méfiance?

Patrick Trottier

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3 Responses to La frontière de la confiance

  1. Jacinthe dit :

    M. Trottier,

    premièrement merci, j’aime beaucoup lire vos blogues comme ceux de vos collègues.
    Dans le domaine où je travaille, les avis sur un même sujet sont très variés et s’opposent parfois. Je consulte toujours au moins trois sources pour pouvoir adopter la méthode qui me convient en faisant une moyenne. Je ne pense pas que ce soit de la méfiance, je trouve cela normal puisque c’est comme ça dans plusieurs domaines. Pour ne donner qu’un exemple, les chaînes de météo se contredisent souvent…
    Cependant, quand je manque de temps pour prendre une décision, j’ai des personnes ressources en qui j’ai une confiance presque aveugle et de qui j’applique les conseils directement.
    La confiance joue sur plusieurs niveaux, je peux faire entièrement confiance à quelqu’un dans telle situation et me méfier de ses opinions sur d’autres sujets.
    La méfiance naît chez moi à partir d’un mauvais renseignement ou d’une première impression négative (d’une compagnie ou d’une personne).
    Si quelqu’un vient à me donner un mauvais conseil, il sera banni de ma liste pour toujours. Ce « pour toujours », j’aimerais pouvoir l’amoindrir un peu, car selon le contexte, cette personne sera désormais à mes yeux celle qui prend des décisions trop rapides ou qui ne connaît pas son affaire ou qui cherche la solution du moindre effort et non la plus bénéfique à long terme, etc.…
    Comment sortir de cette idée préconçue pour l’avenir?
    Car nous sommes tous sujets à prendre une mauvaise décision un jour ou l’autre. D’un autre côté, nous pouvons tous un jour découvrir et appliquer une meilleure méthode que celle utilisée depuis des années…
    Bref, il est possible à tous de changer, de se corriger et de s’améliorer.
    Il m’arrive parfois de sentir que l’image que les autres ont de moi pour certains travaux ne changera jamais malgré les progrès réalisés pour améliorer ces points.
    J’aimerais qu’ils puissent effacer cette image du passé qui n’a plus rien à voir avec le présent et j’aimerais en faire autant pour effacer les images que j’ai des autres, arrêter de juger quoi. Pourrions-nous laisser à chacun cette possibilité de changer dans notre façon de se considérer les uns les autres? La confiance mutuelle se porterait mieux.

  2. Gaby dit :

    De la confiance à la foi.

    Jeune je faisais confiance à tout le monde. Maintenat je me méfie de tout le monde. Que s’est-il passé entre le deux? Du temps, des désillusions, de l’expérience dirait-on.

    Faire ou ne pas faire confiance n’est pas toujours un choix raisonnable qui s’appuie uniquement sur les compétences objectives de quelqu’un. Les éleveurs qui présentent à Monsieur Trottier des arguments en faveurs de leur troupeau ont tous raison. Monsieur Trottier choisira le conseil qui correspond à ses objectifs personnels, à l’opinion qu’il a déjà sur le sujet. Pour faire confiance il faut que le conseil rejoigne d’une façon ou d’une autre les vues de celui qui demande conseil. En poussant, on pourra dire qu’en cherchant un peu, on trouvera toujours quelqu’un pour donner le conseil que l’on veut entendre.

    Que faire pour éviter ce piège? Faire l’effort d’objectiver et de s’appuyer sur des compétences réelles, bien entendu, mais aussi plonger en vérité dans les motifs profonds de nos choix. Ainsi un choix incompréhensible pour mes pairs peut puiser sa justification dans une option fondamentale qui est tout aussi incompréhensible à leurs yeux. Le conseil que je recevrai devra correspondre à ce choix profond.

    Il y a aussi le saut de la confiance aveugle. Alors, là danger. On peut avoir une confiance aveugle en quelqu’un qui n’en est pas digne. L’actualité nous donne amplement d’exemples. La confiance aveugle a sa part d’héroïcité et aussi sa part de lâcheté. Ce peut être facile de s’en remettre aux décisions d’une autre personne, évitant ainsi de réfléchir soi-même et rejeter la responsabilité sur l’autre en cas d’erreur.

    Et du côté de l’Evangile? Il me semble que Jésus pourrait dire : « Dieu seul est digne de confiance » comme Il a dit « Dieu seul est bon » et pourtant Il s’en est remis à des intermédiaires imparfaits et Il leur a donné ‘pleins pouvoirs’. C’est alors un choix correspondant à mes options fondamentales qui me fait considérer la Parole de Dieu, la Tradition et l’Enseignement de l’Église comme digne de confiance. C’est la foi en l’action de l’Esprit.

  3. Evelyne dit :

    À Gaby
    Vous terminez en disant « C’est la foi en l’action de l’Esprit .» Aujourd’hui c’est la Pentecôte et j’aimerais dire que j’ai enfin trouvé en qui je peux avoir une réelle confiance.
    J’étais souvent inquiète pour mes travaux à accomplir. Il me manque la force, la science, l’intelligence, le conseil, la sagesse…euh, justement les dons de l’Esprit Saint. J’ai compris qu’avec lui, j’ai tout ce dont j’ai besoin pour opérer!

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