Il n’y a presque rien sur Joseph dans les évangiles. C’est ce que l’on dit généralement. Bien qu’il n’y en ait pas tellement plus sur Marie, les évangélistes ont tout de même recueilli certaines de ses paroles : son dialogue avec l’ange de l’Annonciation, son chant du Magnificat, sa plainte angoissée lors du recouvrement de Jésus au temple, ses directives aux serviteurs lors des noces de Cana.
Joseph, lui, demeure irrémédiablement silencieux. Certains ont fait remarquer que ses gestes «parlaient» pour lui; par exemple, on a pu conclure à son obéissance puisque, chaque fois qu’il a reçu un message angélique, il a aussitôt agi conformément à celui-ci. Donc, si le «oui» de Marie est rapporté explicitement dans l’évangile de Luc, celui de Joseph l’est de façon implicite; il se «dit» par ses actions.
Ce qui m’amène à la conjonction qui sert d’intitulé à ce blogue : l’implicite et l’explicite.
Lorsque nous parlons, nous tentons de rendre explicite ce que nous pensons sur tel ou tel point. Or, il y a beaucoup d’implicite dans ce que nous disons : des motifs, des visées, des désirs, des sentiments, des expériences passées et même certains traits héréditaires restent inexprimés bien qu’ils soient impliqués.
Ce qui est implicite nous est pourtant accessible dans la mesure où il est «dit» d’une certaine façon lui aussi. Ne dit-on pas que, dans certains cas, le «non verbal» peut être plus révélateur que la parole, un silence plus éloquent qu’un discours ? Il serait donc possible de relativiser le «peu» que nous connaissons de Joseph en tenant compte de cette dynamique de l’implicite et de l’explicite.
Personnellement, je m’intéresse tout particulièrement à l’appellation «Fils de David» que l’ange a privilégiée pour s’adresser à Joseph. Je me propose donc, comme projet d’ici le 6 janvier 2011, de sonder avec vous les parts d’implicite et d’explicite de cette expression, afin de mieux saisir les implications du fait que Joseph soit de la maison et de la lignée de David.
Je conjecture que la promesse divine annonçant « une dynastie établie pour toujours » est implicite au fait que Joseph soit appelé «Fils de David» et que cette promesse a une incidence qui se situe à la fine pointe des problématiques actuelles du politique.
Nous verrons bien si cette ligne de conjectures tient la route.
Francine D. Pelletier
Madame Pelletier,
y a-t-il quelque part une généalogie de Joseph qui remonte jusqu’au Roi David et qui dirait de façon explicite que Joseph est de sa descendance ?
Merci à l’avance
En passant, je suis enchantée de pouvoir continuer à vous lire jusqu’au 6 janvier, bien que je me sente souvent incapable de commenter vos réflexions au même niveau intellectuel.
Evelyne,
Il y a effectivement non seulement une mais deux généalogies de Joseph qui remontent jusqu’au roi David. Je me propose d’ailleurs d’en parler. La question que vous posez est fondamentale, car le simple fait que ces généalogies existent est l’une des attestations les plus directes et incontournables de l’importance historique et politique de Joseph.
Je lis avec beaucoup d’intérêt vos blogues qui nous amènent dans des voies non explorées. En pensant à la lignée de David d’où est né Joseph et Jésus, je constate que la descendance s’arrête là. Est-ce que la ‘dynastie établie pour toujours’ serait d’un autre ordre ? Est-ce que le peuple d’Israël choisi par Dieu pourrait se prolonger dans l’Eglise ? Il serait alors normal que Joseph soit le Patron de l’Eglise universelle, et qu’il pourvoit à tous ses besoins, comme le préfigurait Joseph de l’Ancien Testament qui a sauvé son clan de la famine. Un gouvernement doit voir à la bonne gestion de ceux dont ils ont la charge, n’est-ce pas ce que ces 2 Josephs ont fait.
@Re-pause
Il y a beaucoup d’éléments dans votre commentaire sur lesquels je réfléchis présentement. J’ai en tête un certain nombre de blogues sur la question du lignage et le développement de ces blogues sera lui-même assez linéaire. Alors je compte beaucoup sur les commentaires qui surgiront en cours de route, comme celui d’Evelyne, le vôtre et d’autres encore qui ont déjà manifesté un intérêt pour ce sujet. Ces apports aideront à donner une meilleure idée de l’épaisseur et de la résonance de la trame que nous suivons lorsque nous prenons en compte le statut princier de Joseph selon la lignée de David.
Maintenant, abruptement, est-ce que la lignée de David s’arrête ou se prolonge dans l’Église?
Ma réflexion est axée principalement sur le fait que l’Église annonce le Royaume. Il y a donc deux réalités: l’Église et le Royaume. C’est la conjonction de base que j’examine. Pour soutenir l’affirmation que la «dynastie établie pour toujours» promise à David serait d’un autre ordre, il y a le fait que Jésus emploie l’expression «royaume des CIEUX». Nous passerions alors d’un royaume d’ordre terrestre à un royaume d’ordre céleste. Or, si tel est le cas, pourquoi la révélation de l’apôtre Jean annonce-t-elle des cieux nouveaux et une TERRE nouvelle? Intrigant, non?
«Au commencement Elohim-Dieu créa LES CIEUX ET LA TERRE» (Genèse 1,1): cette conjonction cosmologique se retrouve donc non seulement dans l’Apocalypse de Jean mais dans les récits bibliques de création, au Commencement et à la Fin. On pourrait alors conjecturer qu’elle est présente, au moins implicitement, tout au long de l’histoire.
Mon hypothèse actuelle est que le lignage dont participe la dynastie de David annoncerait le Royaume, pas seulement l’Église. Si tel est le cas, la promesse d’une «dynastie établie pour toujours» pourrait être reliée à l’annonce finale des cieux nouveaux et de la terre nouvelle; la vocation d’Israël serait de quelque manière encore active en même temps que s’exerce la vocation de l’Église. Et toutes deux s’exerceraient en vue de l’avènement du Royaume.