Le rond et le pointu

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INTRODUCTION

Dans son ouvrage intitulé Purity and Danger[1], Mary Douglas parle essentiellement de deux choses: les orifices et les humeurs. Cependant, elle ne s’intéresse pas tant aux orifices qu’aux humeurs. Ainsi, c’est parce qu’il y a des humeurs qu’il y a des orifices, et les humeurs qui s’en écoulent sont dangereuses parce qu’elles comportent des pouvoirs. Mais les orifices n’ont-ils pas une importance tout aussi grande au point de vue symbolique? Ils pourraient constituer la trace d’une «communication» du contenu (les humeurs) vers l’extérieur, les orifices étant le résultat d’un percement du contenant (mouvement de l’extérieur vers l’intérieur). Cette dynamique annonce la présence de la rubrique maîtresse du rond et du pointu.

Dans cet essai, on considérera d’abord les humeurs en tant qu’elles sont humides et font partie des liquides. C’est ainsi qu’elles sont de l’ordre de l’espace et de la communication. Dans l’espace, en effet, il y a stabilité et mouvement. Une logique s’ensuit dont les humeurs participent. Les humeurs, en tant que souples, liquides, ont la capacité de se répandre dans l’espace et, de ce fait, elles ont la capacité de faire des liens avec les éléments statiques, d’établir une communication. Dans le corps humain, par exemple, c’est ce que font le sang, la lymphe, les hormones, la bile, l’eau, le flegme. En ce qui concerne le sang, cette communication est particulièrement évidente: le sang circule dans le corps pour l’alimenter en protéines, l’oxygéner, en irriguer les muscles, entre autres.

Les liquides ont donc un rôle au niveau de la communication. Ils peuvent véhiculer un ingrédient, un contenu, un message, et, en ce sens, une richesse. Étant donnée cette richesse, le liquide a un impact. Le vin, par exemple, en tant que liquide, comporte un effet causé par la présence de l’alcool, un effet qui n’est pas étranger à la symbolique du rapport pain et vin dans l’Eucharistie, laquelle participe de la rubrique maîtresse solide-liquide. En même temps, le vin comporte une faiblesse. Le liquide est facilement corruptible et facteur de contamination[2], ce qui rejoint le rapport entre pureté et danger dont l’importance est mise en évidence par Douglas dans son oeuvre.

D’une introduction à la rubrique solide-liquide par le biais de la réflexion de Douglas sur les humeurs, on passera à celle du rond et du pointu qui lui est concomitante. En examinant sa théorique et en expérimentant sa pratique, au sein de trois exemples tirés de la mythologie (chaos et éros) et de l’anthropologie (rotondité et percement, l’arc et le panier), on découvrira quelques implications sociales, notamment en ce qui a trait au rapport homme et femme.

Cette démarche offre l’opportunité d’utiliser l’approche du symbole privilégiée dans cette collection d’essais dans l’étude de rubriques maîtresses typiques. On verra que cet exercice comporte déjà des éléments de compréhension susceptibles d’éclairer l’enjeu du rapport homme-femme.

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[1]. Mary Douglas, Purity and Danger. An Analysis of the Concepts of Pollution and Taboo, London and New York, Ark Paperbacks, 1966 (1984), 188 pages.
[2]. On n’a qu’à penser au fait que la transmission des virus s’opère souvent par la voie des liquides. Ainsi, le sida se transmet par les humeurs sexuelles, la salive et le sang.
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