Gratuit, taxes incluses

Tout se paie aujourd’hui, même les spéciaux, qui en sont rarement de toute façon. On vous tend un appât d’une main pour mieux vous dépouiller de l’autre. Nous n’espérons plus le secours de qui que ce soit sans lui être redevables monétairement. Il est vrai que l’argent est moins facile à gagner qu’avant, ce qui rend d’autant plus difficile la générosité. Le geste désintéressé semble devenu sans intérêt, et tous les intéressés finissent par trouver leur compte.

Mais pour bien confirmer cette règle que j’énonce tout de go, voici une exception. Un producteur de porcs presque voisin reçoit toutes les deux semaines la visite d’une technicienne en gestion de troupeau qui lui rend le service d’échographie pour ses truies. Comme je lui parlais de mon modeste élevage, il m’offrit de venir avec ladite technicienne échographier mes truies, ce que j’acceptai spontanément. En les attendant, mon esprit bien rodé par notre économie capitaliste se mit en devoir d’établir une rétribution appropriée au service. Le travail accompli, quand je fis mine de sortir mon portefeuille, deux mains se levèrent pour m’en empêcher: «Pas nécessaire, ça nous fait plaisir!» J’insistai d’une manière indirecte en faisant savoir que, dorénavant, je comptais faire appel à leurs services à l’occasion. Même refus, et la technicienne de renchérir: «Ce sera mon bénévolat de l’année.»

Ça fait du bien, quand même, surtout de la part d’une personne que je ne connaissais pas. J’en ai ressenti un soulagement qui n’était pas proportionné à l’ampleur du don. Souffrirais-je de carence de gratuité?

Sur cette question, on nous sert différentes sauces. Il y a notamment les philanthropes humanistes qui font la promotion du bénévolat dans un esprit de solidarité, et l’Évangile qui préfère encourager le don de soi-même. Je préfère cette dernière sauce, elle laisse moins d’arrière-goût.

Du reste soyez tranquilles, je ne serai pas ingrat, je les remercierai en leur donnant à chacun un pot de miel. Mais ce ne sera pas un paiement, ce sera une marque de reconnaissance.

Patrick Trottier

Note: La lecture de ce blogue est gratuite, et vous pouvez commenter sans frais.

Ce contenu a été publié dans Blogues, Patrick Trottier. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée.

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.