La ville aux cent clochers….
À Ville-Marie… Ça clochait matin, midi et soir, chaque jour… Un appel…
Ça clochait tellement que le mouvement laïc français, agacé avant même son arrivée, décida de faire le remue-méninge ici comme chez lui. Après tout, on est cousins germains… un coup de main, ils nous donneront…
Il faut donc avoir de l’idéal et même de la prétention, c’est français quoi !
On doublera, avec l’aide des anglais toujours, moult clochers, d’un gratte-ciel…
Fini le bronze qui sonne, maintenant c’est l’argent qui sonnera, plutôt l’argent en papier quoi !… C’est plus discret que l’argent sonnant. La petite monnaie, en effet, c’est pour les pauvres cloches, les clochards, les semi-clochards, les futurs clochards, les ex-clochards… C’est ce qu’il reste des cloches… mais au moins les clochards, on en parle maintenant dans presque tous les discours politiques et religieux… On dirait qu’ils sont devenus la monnaie d’échange en toute bonne campagne électorale ou de financement…
Plus de cloches, plus de bedeaux.
Plus de bedeaux !… mais des caissières, des caissières, beaucoup d’en-caissières au rez-de-chaussée des gratte-ciels… C’est ce qui assure la force de l’édifice. Et on encaisse.
En leur manière, nos bons curés d’autrefois ont fait école, école catholique. Les cloches se payaient avec l’argent des messes basses pour les radins et les pauvres, dites ou bien chantées, surtout chantées, un vrai chantage… N’oubliez pas que c’est le beau Judas qui a inventé le procédé…
À leur guichet d’ailleurs, c’était coutume, on remboursait tous les péchés, les petits et les grands, tout adultère, tout vol, tout viol, tout meurtre, tout crime.
Là, on renonçait de facto à toutes les menaces de nous consommer tout frais consumés par les enfers, en retour d’un aveu et d’une pénitence : faire brûler un lampion par exemple. À un dollar pour les pauvres et d’autres jusqu’à cinq dollars, pour la classe moyenne, et les belles couleurs de l’arc-en-ciel s‘évoquaient en cire, bien moulées comme les colonnes du temple, allant du vert… espérance… au blanc… pur… correspondant à la somme d’argent investie… valeur symbolique, bien sûr….
Au guichet des caisses populaires, toujours paroissiales, cependant, une nuance, on nous mange le capital par les intérêts, mine de rien, bien sûr…
Somme toute, j’ai la nostalgie du passé, sonnez donc de nouveau, cloches de bronze, il me semble que malgré tout j’en avais plus pour mon argent; je réglais mieux mes comptes. Allons offrir des lampions pour combler le gouffre monétaire des hypothèques !
Et les riches, qu’advient-il d’eux ? Plus ça change plus c’est pareil, ceux d’aujourd’hui comme ceux d’antan ont tendance à préférer les pots-de-vin à un verre à la main : on chantait alors « Prendre un verre de bière, mon minou »… Les pots-de-vin maintenant donnent lieu eux aussi à leur genre de chantage. La punition peut aller jusqu’à la prison, enfer dans son genre…
Le remue-méninge donna lieu entre autres au remue-ménage, les deux, bien sûr, proportionnés à l’enjeu : Dieu sera mort, pour une seconde fois, par le gouvernement…
Figurez-vous que, dans mon village, on cessa d’illuminer le clocher et d’y faire tinter les cloches par respect pour les étrangers qui passeraient par là. La belle affaire ! Combien de musulmans passent par mon village annuellement ?… Et moi j’y passe, quotidiennement… c’est pour qui la justice ? Louis XVI n’eut même pas droit à un procès juste avant de monter sur le mont Guillotine.
J’étais frustrée de tout cela. Je pars pour l’étranger, question de me distraire un peu de ce remue-ménage… Au Caire, la ville aux mille mosquées, j’eus l’occasion de visiter la magnifique Mosquée Al-Azhar. À l’entrée, galamment, on m’épargna de me déchausser comme ce serait la coutume. Au dedans, un silence radieux à mille dollars la minute… Dieu me revint tout surnaturellement à la pensée. Quel merveilleux opium !!!
À la sortie, on héla un taxi spécialisé pour les touristes, celui-ci devant me reconduire à mon hôtel le Ramsès II, un Roi moins mort que mon Dieu !
Sur le chemin du retour donc, le chauffeur du taxi s’arrêta soudainement au son de la voix du muezzin; ça me rappelle les cloches de mon clocher. Monsieur descend et nous fait signe d’attendre un moment. Avec l’agilité d’un mouvement mille fois répété, il ouvre le coffre arrière de la voiture, en tire un rouleau ressemblant à un petit tapis, le déroule à terre le long de la voiture, s’y installe et prie selon l’usage.
Quelle contradiction avec les nouvelles coutumes de mon village : il fait toujours nuit dans le clocher de mon village, même le jour et les cloches sont bâillonnées par respect pour quelques musulmans qui y passeraient. C’est du fanatisme quoi ?
Et moi j’ai toujours, dans la mémoire, la Mosquée du Caire, l’appel du muezzin, et ce Monsieur du taxi…
Évidemment, on ne dit pas publiquement ici : gardez Dieu pour votre chambre ! Mais c’est tout comme. Pourtant l’homme n’est pas en soi relégué au privé, au contraire il a l’instinct grégaire, social, et d’envergure publique et se répand sans pudeur sur Facebook.
Personne ici, à Montréal du Québec, ne ressent un peu tout cela comme moi ?
Esther Martelle
Moi aussi je m’ennuie des cloches. Quand les enfants étaient petits chaque mardi la cloche sonnait à 19hre et je disais les cloches m’appellent i.e je me rendait à l’église pour la messe du soir avec adoration dans la journée alors qu’ils étaient à l’école et le soir lorsqu’ils étaient couchés. à mon mariage j’ai eu la surprise que le célébrant me dise qu’il n’y avait pas de cloches alors pas besoin de payer. C’était pour moi une réelle surprise car je ne savais pas que cela existait en 1971. Alors si je veux entendre les cloches je dois me retrouver à Longueuil près de la basilique ou à l’oratoire St-Joseph ou dans les églises de villages que l’on considère comme arrièré. Les cloches me rappelaient de dire Mon Dieu je t’adore à chaque tintement. aujourd’hui c’est le son d’une montre qui me le rappelle et je me dois d’être très attentive car environnée de bruit je ne l’entend pas
@Esther Martelle
YESSSS !!! Pour répondre à votre dernière question, même les Anglais protestants libérés d’une église traditionnelle catholique en ont une sueur froide sur le dos…