Alfred Bessette est-il un instrument de Joseph qui, lui, est un instrument de Dieu ?
Arrêtons-nous sur le mot instrument. Tu n’es qu’un instrument, disons-nous parfois. Je rapporte ici les paroles d’André Bessette : « Moi, je ne suis rien… un outil aux mains de la Providence, un pauvre instrument de saint Joseph ». Si nous poursuivons la même logique, le Christ lui-même est l’instrument de son Père et l’Esprit Saint peut être l’instrument des deux, le Père et le Fils.
Si nous sommes des instruments, alors moi, selon mes talents et ma structure, je pourrais être une planche sur laquelle pourrait être planté un clou, qui est un autre instrument enfoncé lui-même par l’instrument marteau. Donc, si nous regardons tout le monde qui existe sur la terre, nous nous retrouvons avec un paquet d’objets métalliques utiles à la construction d’un grand univers que Dieu (le Père) contemple du haut de son échafaudage.
Une bonne quantité de personnes sont heureuses d’être des instruments, disent-elles. Tant mieux ! Si André Bessette est un instrument de Joseph qui, lui, est un instrument de Dieu, donc je peux l’utiliser et ça va marcher. André par ici, André par là, Joseph par ici, Joseph par là.
Par contre, à bien y penser, j’aimerais davantage être un animal, un oiseau par exemple, qu’un instrument. Vous savez, moi, ce sentiment d’être utilisé…
Demain : « Le bien-être du corps »
Pourquoi cette aversion à vous considérer comme un instrument? Bernadette Soubirous se disait être comme un balai que la Sainte Vierge pouvait mettre au placard si elle n’en avait plus besoin. « Balai » de la sainte Vierge ou « petit chien » de saint Joseph est-ce une si grande différence?
@Gaby
Mon blogue détente se voulait un moyen de me détendre moi-même en même temps que ceux et celles qui m’avaient accompagnés tout au long de ce périple sur la foi, les miracles, la maladie, les guérisons…
Pour être franche, au contraire d’une aversion, j’ai remarqué que j’accueille très volontiers l’idée de me considérer comme un « pur » instrument entre les mains de Dieu. En même temps, quelque chose me tarabuste dans cette attitude. Dans mon blogue détente, j’ai voulu en rire un peu.
Votre commentaire n’en demeure pas moins pertinent et je me dois d’y répondre avec sérieux.
J’ai réfléchi longuement avant de vous répondre. Premièrement je crois que ce mot « instrument » a peut-être été utilisé à la suite du commentaire du Christ parlant du serviteur inutile. Le Christ ici parle d’un serviteur, c’est-à-dire d’une « personne » qui rend un service. Déjà là nous nous éloignons d’un « instrument ». Le Christ lui-même s’est présenté comme LE serviteur de tous, en lavant les pieds de ses apôtres à la dernière cène. Mais le mot inutile, que veut-il signifier ? Je crois qu’il s’adresse à la prétention que nous tirons de nos bonnes œuvres. Il remet la pendule à l’heure en insistant sur le fait que nous ne serons pas jugés sur notre performance, mais sur la charité que nous aurons eue les uns envers les autres. Tel est, je crois, un aspect du message contenu dans la question du serviteur inutile.
De plus, d’après certains témoignages et d’après ma propre expérience, j’observe que Dieu nous traite avec la plus grande déférence. Je ne peux concevoir que Dieu considère sa créature comme un instrument au sens propre du terme, nous sommes ses enfants bien-aimés. Il dit même à un endroit : « Je ne vous appelle plus serviteurs […] Je vous appelle amis » (Jean 15, 14-15).
Ceci m’amène à parler de notre mission. Nous interprétons souvent d’une manière réductrice notre relation à Dieu et notre vocation, et cela indépendamment de notre degré de sainteté. Cette manière diminutive de nous voir est le reflet d’une mentalité qui existait aussi à l’époque d’André Bessette. L’humilité est rarement conçue autrement que dans la petitesse.
Si nous prenons l’exemple de Bernadette par exemple, Marie s’adresse à elle de la façon suivante : « Me feriez-vous la grâce de venir ici pendant quinze jours ». Comment Bernadette en est-elle arrivée à dire qu’elle se considérait comme le balai de la sainte Vierge ? À l’évidence, la Sainte Vierge ne la considérait pas ainsi. On ne demande pas à un balai son consentement quand on veut en faire usage.
Pour saint André Bessette [On donne dans le titre de notre page d’accueil : « saint frère André » à cause des obligations techniques, mais dans nos textes, nous continuons à l’appeler André Bessette], je serais surprise que Joseph l’ait traité comme son petit chien. Bien que ces paroles aient été rapportées comme venant de lui, on dit qu’André Bessette entretenait une relation intime avec Joseph. Celui-ci devait le traiter comme un ami.
Pour terminer, ces paroles prononcées par les saints et les saintes eux-mêmes font aussi partie d’un cheminement de la personne. Est-ce qu’à la toute fin de leur vie, cette opinion d’eux-mêmes est demeurée la même ? Je croirais que non à entendre cette dernière phrase de Thérèse de Lisieux, qui se considérait elle-même comme une petite balle avec laquelle l’Enfant-Jésus s’amuse : « Vous avez dépassé mon attente ».