Anne est la patronne du Québec. Mais nous avons aussi Joseph, patron du Canada et Jean Baptiste, patron des Canadiens français. Depuis le 24 juin dernier, je me demande comment s’articulent ces différents patronages. Simple folklore?
Au contraire, cette question me semble fondamentale. Un patron est un protecteur spécial, qui veille sur la sauvegarde et le développement de ce qui est inscrit dans un groupe donné pour le porter à son achèvement. Il est en lien avec l’identité et la mission de ce groupe. Explorer le patronage particulier d’Anne sur le Québec peut nous donner des pistes à ce sujet. Nous le ferons en examinant les sources de sa présence dans notre histoire.
Généralement, c’est à l’influence des marins bretons qu’est attribuée l’origine du sanctuaire de Beaupré. En fait, plusieurs autres sources convergent et permettent de voir que la «Madame des Français» était connue à plusieurs endroits et depuis fort longtemps.
La présence d’Anne en France est bien établie. Une tradition la fait débarquer en Provence, où Marthe, Marie-Madeleine et Lazare, chassés de Palestine par les persécutions, y auraient transporté son corps. La ville d’Apt, en Provence, conserve cette tradition bien vivante, et la redécouverte de sa tombe par Charlemagne, lors de la célébration de sa victoire sur les Sarrazins en 792 rend Anne populaire en France. On vient de partout la vénérer à Apt et de grands personnages y viennent en pèlerinage, répandant les témoignages de son action bienfaisante.
Anne est donc déjà connue et plusieurs sanctuaires lui sont dédiés, en France et ailleurs. Elle est honorée entre autres, en tant que patronne des marins, de la Bretagne jusqu’à St-Tropez, sur la Côte d’Azur. C’est sans doute pour cette raison que certains affirment que Jacques Cartier et plus tard Samuel de Champlain en font mention.
Mais c’est vraiment en 1625 qu’Anne se manifeste de nouveau d’une façon spéciale. C’est à Auray, en Bretagne. Il faut mentionner ici qu’en 1622, le pape Grégoire XV fut lui-même guéri par Anne d’une grave maladie et qu’en reconnaissance, il fit du 26 juillet une fête chômée. Réponse de la part d’Anne? Nicolazic, paysan breton, aperçoit à plusieurs reprises une lueur désignant un endroit précis de son champs, où en creusant, on découvrira une très ancienne statue d’Anne. D’Auray se propage immédiatement la bonne nouvelle des bienfaits de tous genres accordés par Anne et le recours à elle prend un nouvel essor.
Ce sont précisément les années de fondation de la Nouvelle-France, comportant de nombreuses traversées périlleuses. Ces voyageurs ne pouvaient ignorer les événements d’Auray et on peut penser qu’ils demandèrent sa protection: par exemple, en Acadie, le fort et la chapelle Sainte-Anne, fondés en 1629 par le capitaine Daniel et deux jésuites, première de ce nom en Amérique du Nord.
Mais quelles sont les autres sources de sa présence en Nouvelle-France. C’est ce que la suite de l’histoire nous fera découvrir.
Josée Lacoursière