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1.5 Distinction entre mythe et symbole
L’argumentation de Sperber est éclairante en ce sens qu’elle permet de dépasser les limites étroites de la conception «traditionnelle» du symbole. Le fait de percevoir l’efficacité symbolique dans la structure ouvre à une dimension d’une richesse incalculable, et c’est peut-être la seule façon, d’ailleurs, d’accéder à une vision globale du symbolique dans son rapport avec le réel, rapport que l’on examinera bientôt.
Cependant, il demeure un problème dans l’argumentation de Sperber. En effet, malgré la brillante analyse qu’il fait de l’oeuvre de Lévi-Strauss, il passe par-dessus le fait que celui-ci, s’il fonde une science du symbole d’où la signification est absente, ne cesse de s’affirmer ni plus ni moins comme… sémiologue. Pour Sperber, «Lévi-Strauss a montré le contraire de ce qu’il affirme (sic) et les mythes ne constituent pas un langage»[17].
On peut alors se demander si Sperber, lui, démontre bien ce qu’il affirme. Une première remarque concerne la formulation même de cette dernière phrase citée: «Les mythes ne constituent pas un langage». Sperber, qui vient de parler du symbolisme comme non langage, soutient que le mythe n’est pas un langage. Il identifie donc les deux termes, simplement. Au cours des chapitres de son livre, l’emploi de ces deux termes est plutôt relatif au contexte qu’au sens. On peut remarquer généralement que son terme préféré est «le symbolisme», mais quand il parle, dans la suite, de Lévi-Strauss, il emploie le mot «mythe». Lévi-Strauss, de son côté, emploie de préférence le terme «mythe», relativement à la structure, et «symbolisme», relativement à l’efficacité, c’est-à-dire en tant que langage[18].
Cette distinction n’est cependant pas formelle, mais elle ne doit pas échapper à l’analyse si l’on veut proposer un code fonctionnel tenant réellement compte des valences sémantiques des mots «mythe» et «symbole». Pour le moment, on croit pouvoir dire que Sperber n’a pas «montré le contraire de ce qu’il affirme», mais autre chose: c’est le mythe qui n’est pas un langage, non le symbole.
La distinction de ces deux termes permet de maintenir l’hypothèse de Sperber tout en tenant compte des observations de nombreux autres penseurs, pour qui le symbolique s’inscrit dans le langage. En prenant à témoin Lévi-Strauss lui-même, on admet, d’une part, que le symbole peut être considéré comme langage, ce que corroboreront de nombreux auteurs (Cassirer, Durand, Fromm, Chauvet, Ortigues, entre autres). D’autre part, l’analyse de Sperber, malgré cette imprécision de langage, ne perd pas de sa pertinence. Et l’on peut dire avec lui: «Le mythe ne constitue pas un langage»[19].
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