Le symbole et le réel – p. 3

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1.2 Le symbole en tant que facteur d’unité

Pourquoi le symbole représenterait-il un tel facteur d’unité? Son étymologie en dit déjà long. Le mot «symbole», du grec sun-ballein est composé d’un verbe, ballein, traduit généralement par «jeter», et d’un préfixe sun traduit par «ensemble». Ainsi, symbole signifie «jeter ensemble». Pourtant, cette traduction, qui donne l’impression d’être littérale et donc juste, pèche par excès de concision. Elle ne tient pas suffisamment compte du spectre de significations rattachées à ballein et à sun.

On s’aperçoit en consultant simplement un bon dictionnaire grec[6] que ballein est employé dans beaucoup d’autres sens que «jeter»: «poser» le pied, «verser» des larmes, «répandre» un parfum, «atteindre» d’un trait, être «pénétré» de douleur, «tourner» autour, etc., toutes significations dont le sens ne se rapproche pas toujours de façon évidente de «jeter». Pourtant, à bien y regarder, on peut faire la remarque suivante: ballein implique souvent l’action à propos d’un ou par un objet, d’un point à un autre, un mouvement vers, un changement d’état, de lieu.

Sun, de son côté, qu’il soit utilisé comme adverbe ou comme préposition, évoque, comme on le disait, l’idée d’union: «avec», «ensemble». Mais, utilisé comme préfixe, il substantifie le mot en termes de «tout», «ensemble», «union»; il évoque, somme toute, l’idée de la totalité: sunapsè (union), suntaxis (totalité).

À partir de ces remarques, on peut comprendre que sumbolaion prenne le sens courant de «contrat», «entente», en le rapprochant de sumbolon: «signe» par lequel des amis, des amants, même après de longues années, peuvent se reconnaître. Ce «signe» fonctionnait de la façon suivante: on brisait en deux morceaux une pièce de monnaie, une tablette (sur laquelle était écrit un contrat), ou encore un anneau, par exemple, lesquels morceaux, séparés, devaient être à nouveau réunis. Leur parfaite coïncidence pouvait servir à une identification absolument sûre des deux parties en possession de chacun des morceaux et conduisait à leur reconnaissance réciproque.

Selon cet apport étymologique, on pourrait dire que le symbolique opère la cohésion dans la reconnaissance. On rejoint de cette manière le théologien Louis-Marie Chauvet qui, dans son excellent essai Du symbolique au symbole. Essai sur les sacrements[7], distingue justement deux pôles du langage, le symbole (reconnaissance) et le signe (connaissance)[8].

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[6]. M.A. Bailly, Dictionnaire grec-français, p. 345-346.
[7]. Louis-Marie Chauvet, Du symbolique au symbole. Essai sur les sacrements, Paris, Cerf, 1979.
[8]. Ibid., p. 60 ss.

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