De la Provence à Rome

Ah… le mystère de l’espace!

Euclide, un penseur archaïque, en avait pensé la structure, il y a déjà longtemps. Aujourd’hui encore, il paraît que l’espace est euclidien.

Nous avons l’espace de l’univers, mais aussi l’espace de notre expérience, de notre être « ici et là ».

Dans notre espace, nous avons des centres et des mouvements, des directions. Ces mouvements sont importants car ils nous évitent de rester en notre centre, au centre de soi-même. Le mouvement vers l’autre: la visite, le pèlerinage, nous décentre.

En quittant notre centre, nous allons soit vers les centres, vers le centre qui est l’autre, qui devient le centre de notre vie, soit vers la périphérie où nous nous perdons nous-mêmes pour mieux embrasser la multitude des autres, l’univers.

Dès le moment où je me sais au centre, mon point de départ, il faut que je regarde autour de moi. Je suis dans l’espace concentrique, périphérique. Je suis au centre d’une bulle qui doit éclater. Le monde est autour de moi, il est rond. Espace rond. Il est prégnant, il est plein, mais il attend la sortie.

Dès mon premier pas, il se transforme en une intention. Je marche dans une direction: en avant, en arrière; je m’élève ou je m’abaisse; je prends à gauche ou à droite. J’entre alors dans l’espace de la droite, de la ligne. Espace linéaire. Les trajectoires sont de cet espace. Les inventions sont de cet espace.

L’univers contient et doit s’écouler.

C’est ainsi que se sont écoulés du corps du Christ transpercé le sang et l’eau, comme le fleuve de la vie. C’est notre orientation, notre sens.

Il y a quelque chose du mystère de l’être humain, homme et femme, qui recoupe le mystère de l’espace. L’un et l’autre ensemble couvrent l’espace. La femme enceinte qui donne au monde l’enfant qui marche sur ses chemins, l’homme transpercé sur la croix.

En face de la femme enceinte, il y a le dragon. Et le dragon sera vaincu… Il a été vaincu! Par Georges et par Marthe. Par Georges qui le transperce de sa lance et par Marthe qui l’entoure de sa ceinture. Georges et Marthe sont des amis pour le combat contre le dragon. Le combat tout comme l’espace lui-même ne se résout que par la femme et l’homme. Ézer kenegdo[1].

Ah… cette chère Marthe! Elle a aussi un autre ami, Pierre, Simon-Pierre. Simon qui a dit à Jésus: « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Matthieu 16, 16) et Marthe qui dit à Jésus: « Tu es le Christ, le Fils de Dieu » (Jean 11, 27). Amitié très céleste. Ézer kenegdo.

À la suite de son témoignage, Jésus dit à Simon: « Tu es Pierre et sur cette pierre j’édifierai mon Église ». À la suite du témoignage de Marthe, Jésus ressuscita Lazare. Fondation sur la pierre et résurrection de la chair. Structure et sens.

Rome!

Durant ce pèlerinage, nous sommes passés de la Provence à Rome. Rome, le siège de Pierre. La Provence, le lieu d’évangélisation de Marthe. N’y a-t-il pas une porte ouverte entre ces lieux? Entre ces centres de présences?

Ah… le mystère des noms!

Pierre, évêque de Rome, a choisi le nom de François. Pour François d’Assise. Mais ne peut-on pas penser que la présence de notre ami François de Sales se profile en ombre sous celui du petit pauvre? François, donc, qui s’appelle aussi Georges[2] et qui porte de plus le nom de Marie… Grand mystère des noms.

Jetons donc un regard, ou mieux encore, passons par cette porte entre la Provence et Rome. Peut-être y verrons-nous Pierre qui invite son amie Marthe à témoigner à ses côtés de la foi au Christ, Fils de Dieu; Georges qui invite son amie Marthe à combattre le dragon à ses côtés avec ses armes à elle; François qui invite Claire à prier et témoigner de la pauvreté à ses côtés; l’autre François, peut-être, qui invite Jeanne à renouveler l’Église à ses côtés. Ézer kenegdo.

L’homme et la femme. Amitié plus que céleste, divine. Divine par la communion au pain et au vin, au corps et au sang de l’agneau pascal. Par la fondation de la croix vers la résurrection. Accomplissement.

Jean-Marc Rufiange
Samedi Saint 2013



[1] Gn 2, 18: « Il n’est pas bon que l’Adam soit seul. Faisons lui un ézer kenegdo« . On traduit généralement par : « une aide qui lui soit assortie ». Ézer, en hébreu, est un mot du genre masculin qui évoque l’idée d’« aide », mais aussi de « gardien, protecteur ». Il est employé le plus souvent pour désigner Dieu lui-même et est souvent associé au mot « bouclier » : « Mon aide et mon bouclier ». « Kenegdo » dépasse le sens de « assorti » : il comporte une acception de « vis-à-vis »; kenegdo c’est l’un qui est l’étai, le support de l’autre, un support qui est mutuel.

[2] Le sucesseur de Pierre se nomme Jorge (Georges) Mario Bergoglio.

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