Almah et Elem ou le vecteur de la virginité

PREMIÈRE PARTIE : Enquête étymologique

1. Le sens d’almah

Voici! La nubile [1] est enceinte, et elle enfantera un fils et elle l’appellera du nom d’Emmanuel. Isaïe 7, 14b
(La traduction est de nous)

Certains avancent que ce verset d’Isaïe est le verset de la Bible le plus commenté des temps modernes, particulièrement à cause de la difficulté que présente le terme almah, qu’on traduisait jadis par «vierge». Une chose est certaine, l’enjeu est de taille. Les nouvelles traductions qui insistent pour traduire almah par «jeune fille» semblent faire l’unanimité même chez les chrétiens et certains profitent de cette tendance pour mettre en doute la virginité de Mariam.

L’argument négateur repose sur une méprise. En effet, on peut penser que la puissance de la prophétie d’Isaïe repose sur l’annonce de la naissance virginale, mais ce n’est pas le cas. À cet égard, c’est plutôt la confirmation de Mariam qui est centrale: «je ne connais pas d’homme».

2. Parthenos

Il faut replacer le sens de almah dans le contexte culturel et légal qui prévalait vraisemblablement au temps d’Isaïe et, notamment, tenir compte du fait suivant: est appelée «nubile» celle qui est prête légalement au mariage. Ainsi, le terme grec parthenos, employé pour la traduction de la Septante, pointe sur cette dimension qui est répandue dans le monde indo-européen; en soi, parthenos non plus ne veut pas dire «vierge» au sens courant de «n’ayant pas eu de relation sexuelle». Chez Homère, le terme peut être appliqué à une fille mère (Il. 2, 514) et son sens le distingue d’autres termes comme «enfant», «femme» et «veuve».

Il s’agit véritablement d’une catégorie fondée sur l’état, disons, pré-matrimonial de la jeune fille. C’est la jeune fille capable de fécondité… la nubile. Parthenos n’est donc pas restrictif mais exprime plutôt un potentiel, le potentiel de matrimonie. Ceci dit, même si le poids sémantique de l’expression repose sur l’aspect légal, la nubile est perçue comme étant normalement vierge.

C’est avec le temps que le terme parthenos finit par être relié à la notion de virginité au sens moderne du terme. Par exemple, Ménandre, dans les Sicyoniens, décrit la nubile comme:

«παρθενος ετη απειρος ανδρος»
parthenos
eti apeiros andros
«
jeune fille n’ayant pas connu un homme».

C’est le mot apeiros qui vient ici qualifier le terme parthenos. Les mots de la famille de apeiros sont des exemples parfaits de polysémie, orientant d’une part vers «l’infini» et «l’immensité» et, d’autre part, vers ce qui est «sans issue, inextricable», et surtout «inexpérience» ou «ignorance», voire, encore mieux, «NON expérience», «NON connaissance». Ainsi, la dimension négative (NE… PAS) qu’on attribue à parthenos, en référence à la virginité, est davantage contenue dans apeiros.

En fait, parthenos et apeiros se comportent comme deux sèmes d’une réalité qui comporte au moins deux niveaux, que l’on peut identifier dans l’annonciation faite à Mariam. Dans le texte grec de ce passage biblique, parthenos, que l’on devrait effectivement traduire par «nubile» plutôt que «vierge», évoque le potentiel de matrimonie: «l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, du nom de Nazareth, à une NUBILE (παρθένον-parthenon) … et le nom de la NUBILE était Mariam. (Lc 1, 26-27). C’est le premier niveau. Nous sommes dans l’ordre du statut social, de « l’état civil » de Mariam. Le second niveau est plus intime et exprime, dans le contexte de fiançailles, le caractère extraordinaire de l’orientation toujours «virginale» de Mariam, sa question étant: comment puis-je concevoir un fils si je ne connais pas d’homme? L’expression: «je NE CONNAIS PAS d’homme» se rapproche ici de façon saisissante du sens de apeiros  en tant que «NON expérience», «NON connaissance».

Qu’en est-il alors du sens profond de parthenos? Pourquoi parthenos et apeiros sont-ils associés? Mariam est-elle nubile ou vierge? Ou les deux?

L’étymologie de parthenos est encore aujourd’hui disputée ou même simplement considérée comme inconnue. Pierre Chantraine, dans son Dictionnaire étymologique de la langue grecque, histoire des mots, p. XXX (p. 963-1164) déclare à propos de l’étymologie de parthenos:

Enigmatique. La flexion thématique étonne, on attendrait un féminin marqué. Pas plus que le latin virgo, le grec parthenos n’a d’étymologie et on ne connaît pas de nom indo-européen de la «vierge».

Pour retrouver un sens à parthenos, il faut donc tenter une autre approche.

Je propose une approche sémantico-étymologique particulière qui nous fera découvrir un sens inusité de ce terme, peut-être capable d’éclairer la charge sémantique inattendue de parthenos et, par là, de «virginité».

Je commencerai par l’association du mot parthenos avec le nom de la déesse Athena. Athena est appellée Athena Parthenos. On peut s’accorder pour dire que le rapport entre Athena et la «virginité» est étroit car Athena se définit elle-même comme «vierge», au sens conventionnel du terme. Son temple, le Parthénon, trône encore aujourd’hui au coeur de l’Acropole à Athènes. Le mot Parthénon, le «temple des vierges», vient effectivement de parthenos, «vierge».

Pour tenter de résoudre l’énigme du sens de «vierge», on fera tout d’abord l’hypothèse suivante: la conformation des mots parthenos et Athena suggérant la division en par-then-os et A-then-a, les deux mots ont une racine commune qui est then. Cette orientation sémantique est confirmée par une découverte cependant troublante: si l’on s’attend à trouver, pour former le mot «vierge» en grec, un élément préservant, protecteur ou défenseur, on sera confondu, car le verbe theino veut dire «frapper», ou mieux encore, «percer», «transpercer». Dans la mesure où l’on accepte la valence privative du préfixe «a» dans a-then-a, on se retrouve donc avec «non-percée» comme sens du nom de la déesse Athena.

Passons maintenant à parthenos. Pour trouver une signification à l’élément «par» de par-thenos, j’applique une méthode apprise de l’hébreu qui consiste à aborder le préfixe «par» comme un morphème composé de pi (p) et rho (r). Il s’agit de faire une recherche sur les mots grecs qui comportent, comme préfixes, les lettres p et r, dans cet ordre, avec une voyelle au centre. Comme on le conçoit en hébreu, j’estime que ce sont les consonnes qui possèdent la réelle valeur significative. Selon cette méthode, qui nécessiterait, admettons-le, une justification plus étendue, certains éléments permettent de saisir rapidement une constante: les différents préfixes ainsi formés semblent donner une qualité de globalité ou d’intégrité aux mots qu’ils forment et leurs sens évoluent souvent dans le domaine spatial.

  • Le mot par-thenos lui-même possède une seconde signification: «prunelle» (de l’oeil).
  • Le préfixe para suggère une certaine altérité (une chose et l’autre) en même temps que l’irréductibilité dans l’espace : être « à côté », c’est-à-dire être près mais sans partager le même espace.
  • Dans per, on décèle, entre autres, le caractère «absolu, intègre, entier».
  • La particule peri, évidemment, donne «autour», et tient à «l’englobement». On retrouve, sur ce chemin, plusieurs mots comme «joue, cuisse, fesse, rond», qui connotent une certaine rotondité.
  • Quant à la famille du mot pyr, elle est nettement classée en deux : d’une part, tout ce qui a trait au «feu», principalement; d’autre part, tout ce qui a trait à la «tour», son édification ou sa destruction.

On se retrouve donc avec «entourement» ou rotondité (par) et «percement» (then): l’étymologie de parthenos est pour le moins déconcertante…

3. Virgo

Le latin virgo, possiblement formé à partir de varg et orgaô, désoriente tout autant. Prenons à titre d’exemple la définition proposée par le Wiktionnaire:

«De l’indo-européen commun varg (vigueur) qui donne le sanscrit ūrg, (force), ūrga-jami (nourrir)»;

Ceci nous rapproche du sens de vir qui réfère à «la force» et, spécifiquement, à la force de «l’homme mâle» (la virilité);

«le grec ὀργάω, orgaô (enfler), ὀργή, orgê (élan)».

Orgaô prend aussi l’acception de «fermenter», «être en sève», «être mûr», «être en rut».

Cette approche étymologique nous met déjà en face d’un paradoxe, puisque le champ sémantique de virgo semble plus caractéristique du mâle que de la femelle, de l’élan sexuel que de la «garde» virginale. On peut se plonger encore plus dans le paradoxe en considérant virga qui se traduit «verge». Ce mot est-il parent de virgo? Virga, en tout cas, pourrait évoquer l’organe masculin.

On peut aussi analyser virgo (virgo), à l’instar de l’indo-européen varg (var-g), comme étant formé de vir et g (vir-g), peut-être deux morphèmes archaïques, c’est-à-dire remontant très près du mythe et des structures fondamentales. J’utiliserai à nouveau la méthode empruntée è l’hébreu que j’ai appliquée au préfixe du mot par-thenos. La valence du préfixe vir étant établie ci haut, le morphème «g» peut à son tour être associé à «n» (pour vir-gine), ce qui permet de rapprocher virgo de:

  • la vaste famille de genus en latin (genos, en grec): «naissance, fécondité, vie»
  • en passant par genu: «genou», et gena: «joue», qui évoquent des formes rondes

et les mots grecs :

  • gyalon: «creux de la main, cavité, fond d’un vase»
  • gyparion: «petit nid de vautour, cavité»
  • gyraleos: «arrondi, courbé»
  • gyriathos: «corbeille ou cage d’osier»
  • gyros: «rond, arrondi»
  • gonè: «génération, procréation, enfantement»
  • et, bien sûr, gynè: «femme».

Les exemples de la famille de mots commençant par gamma («) et évoquant la rotondité ou la sphéricité sont tellement nombreux qu’il faut s’en tenir à ces quelques exemples.

À mes yeux se profile, à l’horizon de ces quelques observations étymologiques, un certain pattern qui a mené aux recherches que j’ai faites ailleurs à propos des thèmes de «rond et pointu» en anthropologie. En effet, ne pourrions-nous pas avancer que les deux mots parthenos et virgo sont formés tous les deux sur des sèmes évoquant la polarité rond et pointu?

4. La polarité rond et pointu inhérente à la virginité

Le champ sémantique de la «virginité» ressortant de ces analyses ne possède rien en commun avec ce que ce mot signifie communément: «qui n’a pas connu de relations sexuelles». Au contraire, il semble que ce qui est vierge comporte en lui-même des éléments complémentaires que l’on pourrait appeler le masculin et le féminin, tout en les dépassant en fait.

Ainsi, le grec parthenos possède en lui-même, schématiquement, la sphère (par : le rond, l’intègre) et le glaive (then : percer, transpercer). La réunion de ces deux éléments semble harmonisée dans le substrat archaïque de parthenos; elle se produit dans l’équilibre. En fait, on pourrait supposer que, dans cet état archaïque, il n’y avait pas un glaive et une rondeur à percer mais plutôt un rapport basé sur la complémentarité. Pourquoi le mot a-t-il évolué dans le sens qu’on lui prête aujourd’hui?

J’aurai ici recours à une image, une sorte de métaphore inspirée des premiers chapitres de la Genèse biblique: Au commencement, il y avait la courbe et la ligne. La crise (la chute) éclate lorsque la courbe devenue sphère tend à l’autosuffisance et que la ligne devenue glaive tend à percer la sphère. Ces deux tendances se conjuguent dans un rapport opposé à la complémentarité, un rapport basé sur le désir et la domination. Les schèmes symboliques de ces deux mouvements étant par surcroît d’un ordre plus vaste que la simple dimension biologique, on découvre ainsi une violence latente inhérente à la sexualité, qui va bien au-delà ce qu’on appelle la «perte» de virginité. Cette violence latente est la résultante de la perte du rapport complémentaire en tant que tel, qui pourrait avoir conditionné une importante partie de l’expérience humaine et religieuse. On peut même concevoir leur signification en rapport avec la vie entière de l’individu et de la communauté, et entrevoir les conséquences profondes d’une telle analyse pour l’étude de la religion.

Cela pourrait aussi éclairer de manière spécifique le sens de la virginité auquel réfère le «je NE CONNAIS PAS d’homme» exprimé par Mariam, une virginité se situant hors de la polarisation désir-domination consécutive justement au fait d’avoir mangé du fruit de la CONNAISSANCE du Tov et Ra.

 

DEUXIÈME PARTIE : En quête de virginité

 1. Ne pas connaître

Marie dit à l’ange : «Comment cela sera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme? (πῶς  ἔσται  τοῦτο,  ἐπεὶ  ἄνδρα  οὐ  γινώσκω-pōs estai touto epei andra ou ginōskō)?» Lc 1, 34

«Ou ginosko – Je ne CONNAIS pas».

Il faut comprendre que ce qui est impliqué dans ce «je ne connais pas d’homme» comporte une signification d’une grande portée et fait référence au rapport dit «sexuel» exprimé par: «L’homme connut Ève, sa femme» (Gn 4, 1a).

Si le rapport sexuel implique l’homme et sa femme, qu’en est-il de la virginité? Est-ce un état préalable au rapport sexuel, dans la matrimonie, ou une qualité à part entière du rapport? En d’autres termes, si Mariam ne connaît pas d’homme, qu’en est-il de Ioseph? La virginité de Mariam a-t-elle été imposée jusque dans le mariage à Ioseph, qui a dû, en conséquence, réfréner son désir envers elle?

La manière conventionnelle de considérer la virginité est tributaire d’une dynamique essentiellement sexuelle, conditionnée par la polarisation désir-domination. Dans quelle mesure affecte-t-elle l’idée que l’on se fait du rapport entre Mariam et Ioseph? La vieillesse légendaire de Ioseph, pour une, tend à couvrir du manteau de l’impuissance la virginité active de Ioseph.

Pourtant, le «je ne connais pas d’homme» de Mariam a une correspondance chez Ioseph: «il prit chez lui son épouse mais il ne la CONNUT pas» (Mt 1, 25). La Traduction Œcuménique de la Bible (la TOB) relie d’ailleurs ce verset à Gn 4, 1a : «L’homme connut Ève, sa femme», et Gn 4, 17 : «Caïn connut sa femme». Pour comprendre le sens de la virginité, dans le contexte de la naissance de Jésus, on ne peut donc pas s’arrêter à la virginité de Mariam, il faut aussi considérer celle de Ioseph.

2. Almah et Elem

En hébreu, il y a un correspondant masculin à Almah: Elem. L’emploi de ce mot est très rare dans la Bible, trois occurrences seulement et toutes dans Samuel. Ce qui est remarquable, c’est que l’une d’entre elles est appliquée à David.

En voyant David partir à la rencontre du Philistin, Saül avait demandé à Abner, le chef de l’armée: «De qui ce jeune homme est-il le fils, Abner?» Et Abner répondit: «Aussi vrai que tu es vivant, ô roi, je n’en sais rien.»
Le roi dit: «Informe-toi de qui ce NUBILE (Elem) est le fils.»
… Lorsque David revint d’avoir tué le Philistin, Abner le prit et le conduisit devant Saül, tenant dans sa main la tête du Philistin.
Saül lui demanda: «De qui es-tu le fils, jeune homme?» David répondit: «De ton serviteur Jessé le Bethléemite.» (1S 17, 55-58)

À la Almah répond donc le Elem. La nubilité de David est pour ainsi dire constituée en prototype du fait de la promesse qui lui a été faite par Dieu et que l’on pourrait paraphraser comme suit: Voici! Le nubile, descendant de David, verra sa maison établie pour toujours, un roi sortira de sa lignée.

Effectivement, David est impliqué dans le mariage dont Luc fait mention. Par Ioseph, un homme de sa maison:

Le sixième mois, l’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée, du nom de Nazareth, à une nubile (παρθένον-parthenon) fiancée à un homme du nom de Joseph, de la MAISON DE DAVID ; et le nom de la nubile était Mariam. (Lc 1, 26-27)

Ioseph, fils de David, se retrouve aussi chez Matthieu:

… Voici que l’Ange du Seigneur lui apparut en songe et lui dit : «Joseph, FILS DE DAVID, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ta femme: car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit Saint (Mt 1, 20)

Avec la conception de Jésus, nous assistons à l’accomplissement non pas d’une mais de deux promesses convergentes qui impriment un sens à l’histoire du peuple de Dieu et, par conséquent, à l’histoire de l’humanité.

Tout cela arriva pour que s’accomplisse ce que le Seigneur avait dit par le prophète: «Voici que la Almah est enceinte et enfantera un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel, ce qui se traduit : Dieu avec nous.» (Annonciation faite à Ioseph, Mt 1, 23)

Et :

Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père; il règnera pour toujours sur la famille de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. (Annonciation faite à Mariam, Lc 1, 32)

Comment ces deux promesses, qui annonçaient la Almah et le Elem, vont-elles s’accomplir?

3. Nubilité et virginité

Nubilité :

Le mariage de Mariam et Ioseph est attesté pour établir dans l’histoire le vecteur de postérité et de lignage. Mariam est, en tant que nubile, en potentiel de réaliser la promesse de salut; promesse faite à Abraham et qui passe par le lignage de David, désigné comme nubile par Saül et lui-même dépositaire d’une promesse. Ainsi la maison de Ioseph, fils de David, sera établie pour toujours.

Mariam et Ioseph, Almah et Elem, ont été promis l’un à l’autre par Dieu, Père de l’humanité. Ce mariage possède un caractère qui lui est unique: le rapport virginal des époux.

Virginité :

L’une des conséquences du fait d’avoir mangé du fruit de l’arbre de la connaissance de Tov et Ra implique le rapport entre la femme et son mari :

À la femme, il dit : … Tu porteras ton désir vers ton mari et lui dominera sur toi. (Gn 3, 16)

Cette CONNAISSANCE porte, en elle même, les conséquences de la perte de sens du rapport. Il faut donc que la qualité intrinsèque du rapport soit rétablie pour que l’incarnation du Fils soit possible, cette incarnation du Fils qui est en fait la réalisation du projet «initial», en principe (bereshit), de Dieu. Rétablissement dans le rapport entre le Isch et la Ischa et rétablissement dans le rapport entre le Adam et Dieu.

La sexualité, entendue au sens strict de «séparation, division, opposition» des genres, peut ainsi s’opposer à la virginité, non pas comme un «faire» à un «ne pas faire», mais comme les deux faces opposées d’une même réalité: l’acte générateur opéré, en instance de conflit ou en instance d’harmonie.

Dans cette perspective, la «virginité» n’est pas qu’un état présexuel ou prénuptial, elle constitue une qualité du rapport, et le rapport entre homme et femme (comme tous les rapports interpersonnels) doivent tendre à la «virginisation», au sens d’un rétablissement du rapport de complémentarité initialement envisagé par Dieu.

 

CONCLUSION:  L’Enfant qui va naître…

Quel est le sens de la virginité, non seulement sa signification mais le vecteur qu’elle révèle à travers le mariage de Ioseph et Mariam?

Mariam est Nubile ET Vierge. Comme je l’ai dit plus haut, les deux plans se retrouvent dans la rencontre entre l’ange et Mariam. Mariam EST la nubile prophétisée par Isaïe et elle EST vierge au sens plénier du terme, c’est-à-dire hors de la dynamique désir/domination. Selon des paramètres qui lui sont propres, il en est de même pour Ioseph. Mariage et virginité ne s’excluent donc pas en ce qui les concernent, bien au contraire. Ieschoua en est le Fruit.

À travers le mariage virginal de Mariam et Ioseph se profile l’un des mystères de la Rédemption les plus intimes à l’humanité. Quête de salut qui doit être quête de virginité. Non plus désir et domination mais don de soi et service.

C’est ce que Ieschoua a accompli: il a donné sa vie comme Serviteur. Premier-né d’une multitude de frères et sœurs, Ieschoua est Vierge.



[1] En français le mot «nubile» n’est pas un substantif, mais nous suivons André Chouraqui en l’utilisant comme tel.

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8 Responses to Almah et Elem ou le vecteur de la virginité

  1. Lucie dit :

    Merci M.Rufiange de ses recherches et explications.
    Si je comprend bien, la relation virginale de Mariam et Ioseph qui a pour fruit Ieschoua, est venu rétablir la relation harmonieuse et complémentaire entre les « humains » qui a été brisé par la « chute »?
    Ce vecteur de la virginité nous invite au don de soi et nous dirige vers le Royaume des cieux.

  2. Anne dit :

    Plus haut vous posez la question:
    La virginité de Mariam a-t-elle été imposée jusque dans le mariage à Ioseph, qui a dû, en conséquence, réfréner son désir envers elle?

    Si je comprends bien, puisque les deux époux étaitaient hors de la dynamique désir/domination, la réponse à la question est: non, puisqu’il ne la désirait pas.

    J’aime beaucoup votre texte, il me remplit de joie car on dirait qu’on est stimulé par rapport à la virginité car on ne le voit plus en terme de ‘ne pas’ mais en terme de dynamique harmonieuse et complémentaire, accessible à tous, en tout temps et à toute âge.

    Il y a aussi quelque chose qui a retenue mon attention, c’est la promesse faite à David.

    Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père; il règnera pour toujours sur la famille de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. (Annonciation faite à Mariam, Lc 1, 32

    Puisque c’est Ioseph qui est de la maison de David, Dieu considère qu’il est le père de
    Ieschoua, pas juste le père nourricier. Est-ce possible? Mais je ne veux pas du tout sous-entendre que Ioseph a ‘connu’ Mariam, je veux tout simplement dire qu’on minimise le rapport entre Ioseph et Ieschoua et Ioseph et Mariam.

  3. M.A. Despatie dit :

    M. Rufiange,
    Dans votre conclusion, vous dites que Mariam et Ioseph sont hors de la dynamique désir/domination. Je suis entièrement d’accord avec vous. Mais est-ce que cela veut dire que tout couple qui s’unit dans le désir d’une fécondité est automatiquement dans un rapport désir/ domination?
    Comment voir la relation de Joachim et Anne ? ou celle des parents de Ste Thérèse ?

  4. Stéphane dit :

    Bonjour M.Rufiange,

    J’aimerais ajouter un petit commentaire sur l’utilisation du terme « désir ».

    En fait, de quel désir est-il question? En soi, la notion de désir n’a rien de négatif, c’est plutôt la finalité de ce désir qui le caractérise. Il y a une nette différence entre par exemple: désir de communion [;-)] et désir de la chair, ou désir du service et désir du pouvoir, de domination. La finalité du désir orientera alors nos actes vers le bien ou vers le mal. Le désir étant un manque à combler, nous devons les contrôler afin d’éviter d’être un vecteur de stérilité. Probablement la chose la plus difficile à accomplir dans notre quête de virginité. Ne nous soumet pas à la tentation …. Mais le fruit de cet effort accompli en vaut tellement la peine. Que ton règne vienne…

    • Philippe D. dit :

      Bonjour Stéphane,

      Il me semble que vous répondez à votre question: « de quel désir parlons-nous? »
      Si le désir se définit par sa finalité, on pourrait dire que la faute originelle oriente le désir sur l’homme ou la femme plutôt sur Dieu. Dans ce sens la virginité devient une disposition entièrement libre de l’accueil de Dieu.
      Qu’en pensez-vous?

      • Stéphane dit :

        Je crois que la virginité n’est pas un état, mais plutôt l’incarnation d’un acte constant d’évangélisation! La satisfaction du désir de service et du don de soi ne correspond-il pas à « Aimez-vous les uns les autres COMME je vous ai aimé! »

        Ne pourrait-on pas dire que la virginité est un acte d’amour envers son prochain.

  5. Anne dit :

    Bonjour,

    Pour compléter je crois qu’il faut orienter l’acte d’amour envers le prochain dans le vecteur de l’amour trinitaire et ajouter que ce qui oriente nos actes est d’abord et avant tout l’amour de Dieu et son projet.

    Car l’acte d’évangélisation peut être très varié comme nous le rappelle St-Paul. Et si Ste-Thérèse est patronne des missions tout en étant carmélite, on voit que le ‘désir de communion’ auquel fait référence M. Stéphane est, selon moi le désir de correspondre pleinement à ce à quoi Dieu nous destiné. Personellenent, mon plus grand désir est de correspondre au projet de Dieu sur moi et de rendre service là où je suis. Et si notre désir est d’accomplir d’abord et avant tout le projet de Dieu sur nous, nous devenons ses témoins et nous évangélisons. Lorsque notre désir glisse et se porte sur d’autre chose, c’est là que nous ne sommes plus dans le bon vecteur.

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