Ganneaktena, Tonsahoten… Connaissez-vous?

Québec, Manicouagan, Hushuai, Matapédia, Tadoussac, Guanahani, Chicoutimi, Arthabaska, Natasquan, Magog… comme le chante Chloé Sainte-Marie, une artiste de chez nous… Ça sonne très amérindien, n’est-ce pas? Force est de constater que la langue amérindienne a marqué tout le Québec et que ces mots qui résonnent à nos oreilles n’évoquent pratiquement plus leur présence à l’origine des fondations. Saviez-vous que beaucoup de lieux, ici au Canada, sont des noms que portaient l’une ou l’autre des nations amérindiennes qui avaient pris racine à ces endroits?

Dans la même foulée, pouvons-nous mentionner facilement quelques personnalités marquantes de ce peuple… Quelque peu gênant pour la plupart d’entre nous!

Entre autres, est-ce que les noms de Ganneaktena et de Tonsahoten nous disent quelque chose? Rien probablement, et c’était mon cas jusqu’à tout récemment. Pourtant, cette femme et cet homme se sont engagés à part entière et avec dynamisme dans le projet de fondation et de christianisation de Ville-Marie.

Je vous les présente…

En 1654, la nation iroquoise des Agniers avait complètement anéanti la tribu à laquelle appartenait Ganneaktena. À l’époque des conquêtes iroquoises, lorsque ceux-ci capturaient l’ennemi, trois choses étaient possibles, soit:

  • l’adoption du prisonnier (valeureux guerrier ou adolescent) par une mère iroquoise en remplacement d’un fils mort à la guerre;
  • l’intégration comme esclave (ce qui arrivait davantage aux femmes);
  • ou encore la torture et la mise à mort de l’ennemi capturé (cela allait jusqu’à la pratique du cannibalisme).

Pour sa part, Ganneaktena sera intégrée comme esclave dans la nation iroquoise. Quant à Tonsahoten, il avait déjà été fait prisonnier lors de la destruction de la Huronie en 1649 (mission jésuite où périrent plusieurs martyrs français et hurons) et adopté par une mère iroquoise. Ils demeuraient tous deux au village iroquois de Ganouaroharé.

Ganneaktena sera donnée en mariage à ce guerrier huron «iroquoisé». En Huronie, il était devenu chrétien et baptisé Pierre-François-Xavier. Il parlait favorablement à Ganneaktena des «Robes Noires» qu’il avait connues et de leurs enseignements. Lors d’une fragile période de paix, répondant à la demande des Agniers, un missionnaire Jacques Bruyas arriva dans la bourgade. Tonsahoten encouragea sa femme à bien l’accueillir. Ganneaktena lui apprit la langue; tout en lui servant d’interprète, elle prêtait une oreille attentive à son enseignement. En peu de temps, sa foi fit beaucoup de progrès. Elle devint une catéchète très engagée auprès des siens.

Un jour, à la suite d’un mal de jambe persistant, François décide d’aller se faire soigner à l’Hôtel-Dieu de Ville-Marie. Ganneaktena et quelques autres chrétiens iroquois en profitent pour l’accompagner. Une fois sur les lieux, ils sont très heureux de découvrir une cinquantaine de Montréalistes chrétiens, convaincus et exemplaires. La petite troupe de néophytes passera l’hiver à Montréal, participant aux fêtes de Noël. Les nouveaux croyants amérindiens se rendront aussi à Québec pour être baptisés et confirmés. C’est à ce moment que Ganneaktena recevra le nom de Catherine et que Mgr de Laval bénira son mariage avec François-Xavier.

De retour à Montréal, le père Pierre Raffeix, jésuite, propose au couple de venir s’établir à La Prairie de la Magdeleine (près de Montréal), pour y fonder avec lui une mission amérindienne chrétienne. Catherine presse François d’accepter et ce dernier bâtira finalement la première «cabane» (habitation amérindienne pour un groupe de familles). Les pratiques chrétiennes sont intégrées aux coutumes de vie quotidienne. La ferveur de la jeune Église est telle qu’on la compare à celle des débuts du christianisme, et les missionnaires la considèrent même comme la plus ardente de l’époque. On y retrouve des convertis en provenance de diverses tribus. Français et Indiens se côtoyaient dans l’harmonie sous la bonne gouverne du couple.

Catherine était libérale en toute chose et fera grandir la mission. Ses qualités d’exception et son accueil inconditionnel lui attiraient la sympathie et l’émerveillement de tous, Français et Amérindiens. Elle était aussi très habile à cultiver le sol. Certaines récoltes étaient si abondantes que les habitants en étaient étonnés. Le zèle de Catherine lui vaudra l’appellation de «sainte authentique» (voir Dictionnaire biographique du Canada en ligne), de modèle pour les nouveaux croyants et finalement après sa mort en 1673 «de fondatrice de Caughnawaga» (La mission de La Prairie de la Magdeleine sera transférée à Caughnawaga).

De son côté, François-Xavier sera appelé «le père des croyants, parce qu’il avait été le premier Indien chrétien de la mission». La bourgade nouvellement constituée se nommera deux chefs dont François qui deviendra «premier capitaine». En plus d’assurer la protection du village, «de concert avec le chef spirituel laïc» du groupe, il va bannir certaines coutumes contraires à la foi chrétienne (polygamie, fétichisme et ivrognerie… amenés par quelques marchands européens de mœurs douteuses) pouvant mettre en péril le nouveau village chrétien.

Lorsque Katéri Tékakwitha viendra en ces lieux, on fera mémoire de ce couple fervent qui travaillait à transmettre la foi au peuple amérindien. Mon prochain texte parlera plus spécifiquement de Katéri, davantage connue de nous tous, et qui sera bientôt canonisée…

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1 Responses to Ganneaktena, Tonsahoten… Connaissez-vous?

  1. Après toi dit :

    Wow, c’est super intéressant! Je connais un peu Katéri mais je n’avais jamais entendu parlé de d’autres indiens du début de la fondation à part des éternelles guerres que les diverses nations se faisaient entre elles. Ce que je trouve particulièrement intéressant dans votre texte c’est que vous mentionnez que: « Les pratiques chrétiennes sont intégrées aux coutumes de vie quotidienne. » On voit qu’ils sont restés indiens, avec leurs belles traditions et tout ce qu’ils sont, tout en ayant le rayonnement de leurs actions que procure la foi en Dieu. Le processus de conversion prend donc ce que chacun est et le fait advenir encore plus dans sa beauté, dans le sens du projet de Dieu. L’harmonie devait être belle entre les différentes cultures! C’est donc possible, avec le bon Dieu! J’ai hâte de lire la suite…

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