Oui, nous pouvons nous demander, et c’est tout à fait approprié, si la santé peut être un facteur déterminant devant l’option de réaliser ou non un projet. Ce qui est certain, c’est que celle-ci modifie notre approche. Une personne alitée par exemple ne peut mettre à son agenda d’escalader une montagne. Un unijambiste serait imprudent d’enlever ses rampes d’escalier sous prétexte qu’il a la foi en Dieu qui le fera voler par dessus bord. Mais que faire dans un cas où les forces que nous avons ne sont pas tout à fait suffisantes, comme dans le cas de Jeanne Mance?
Comment va-t-elle s’assurer de prendre la bonne décision? «Lors tout étonnée de se voir en cet état, raconte Dollier de Casson, elle voulut réfléchir sur la faiblesse de sa complexion sur ses maladies passées…» «Elle n’avait pas trop de santé, et c’était cela aussi qui lui avait interdit de songer à la vie religieuse».
Hésitante sur la voie à suivre mais déterminée à suivre la bonne route, Jeanne Mance s’adressa en tout premier lieu au recteur du collège des jésuites à Langres, le père Jean Bonpain qui était, d’après ce qu’on rapporte, son conseiller. Celui-ci l’encouragea à suivre son inspiration, à se rendre à Paris pour aller voir le père Charles Lalemant, procureur des missions en Nouvelle-France ainsi que le recteur de la maison des jésuites la plus proche.
Une fois rendue à Paris elle consulta le père Charles Lalement qui l’encouragea lui aussi dans son projet et comme convenu, rencontra le recteur des jésuites, le père Saint-Jure. Sa rencontre avec ce dernier fut fort différente. Le père Saint-Jure s’occupait du noviciat des Jésuites et était une sommité en matière d’accompagnement spirituel. Son attitude réservée fut un éteignoir pour Jeanne Mance dont la flamme s’était intensifiée au cours des rencontres précédentes. Fortement remuée, elle s’en retourna chez sa cousine à Paris et garda une grande discrétion sur un possible départ. Trois mois s’écoulèrent et à la mi-septembre 1640, elle put rencontrer de nouveau le père Saint-Jure. Celui-ci, après avoir mûrement réfléchi, lui assura que: «jamais il n’avait vu autant de marques de la volonté du bon Dieu qu’en sa vocation».
Les personnes mises sur la route de Jeanne Mance ont été des facteurs déterminants pour son projet de fondation et la rassurèrent au niveau de sa santé. Décidée à répondre avec empressement à ses inspirations premières, et confirmée par les conseils reçus, elle s’engagea résolument dans le projet. Les obstacles s’évanouirent rapidement dès que sa décision fut prise. Cela démontre bien qu’il s’agissait du bon choix à faire: à Paris, on la présente à des gens fort influents et fortunés qui la reçoivent dans leur salon. C’est alors qu’elle rencontre Mme de Bullion qui cherchait une responsable pour la fondation d’un hôpital au Canada. Jeanne Mance lui semblait la personne la mieux équipée pour ce poste.
Santé ou pas, en route on verra bien…
Colombe LeRoy