Ville-Marie pour les nations

Au moment de la fondation de Ville-Marie, quel est l’état de la situation entre Français et Amérindiens sur le territoire de l’île de Montréal et des environs? Puisque l’objectif premier des fondateurs est l’évangélisation des Amérindiens, comment s’établiront les premiers contacts avec les principaux intéressés?

Les Relations, journal officiel des Jésuites, mentionne que lors du passage de Jacques Cartier en 1534, il se trouvait une imposante bourgade amérindienne nommée Hochelaga, qui fit bon accueil à ces «originaux européens». Environ 100 ans plus tard toutefois, l’île était complètement déserte, les guerres entre tribus ayant fait fuir tous les habitants. Il s’agissait pourtant d’un endroit stratégique à tous points de vue car il offrait un accès privilégié à toutes les nations amérindiennes du pays. La Confédération iroquoise le savait bien et cherchait à contrôler la région sur «la grande rivière» (le St-Laurent). Voulant assurer son commerce, elle régnait en maître et semait la terreur dans toute la Nouvelle-France en bordure du fleuve. Ils faisaient fuir les autres tribus amérindiennes ainsi que les Français qui sollicitaient leur passage dans la région.

Même à Québec (refuge de dernière instance) on ne pouvait plus mettre le pied à l’extérieur pour cultiver son jardin sans être menacés; une imprudence pouvait coûter la vie. Le danger était si extrême que dans les Annales des Augustines de Québec, on se demandait si toute la colonie (surtout Québec et Trois-Rivières), ne devrait pas retourner en France. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant que le gouverneur de Québec tente de dissuader Maisonneuve d’aller s’installer là-bas. Mais celui-ci demeura ferme car il savait que le projet de Ville-Marie dépassait les vues humaines. Sa réplique fut, on le sait, convaincante et en octobre 1641, le gouverneur de Québec (Montmagny), le responsable des missions de la Nouvelle-France (Barthélémy Vimont) et «plusieurs personnes bien versées dans la connaissance du pays» (dont probablement des Amérindiens leur servant de guides) iront explorer l’emplacement le plus propice aux futures installations.

Le 17 mai 1642, les Montréalistes arrivent officiellement sur l’île.

Ce sera seulement le 28 juillet 1642, qu’un premier groupe d’Algonquins s’arrêtera quelque temps à Montréal. Ils y seront très bien accueillis. Le 15 août, ils assisteront aux célébrations de la fête de l’Assomption. La ferveur des Français, alimentée par les chants, les processions, les instructions et le retentissement des canons… impressionna si fortement le chef amérindien qu’il sollicita le baptême pour son fils. Le petit Joseph de quatre ans aura comme parrain et marraine, Maisonneuve et Jeanne Mance.

Les Iroquois découvriront l’existence de Ville-Marie seulement l’année suivante. À partir de ce moment, se sentant très menacés dans leurs échanges commerciaux, ils livreront une incessante guérilla territoriale dans le but de déloger les Français. Les tribus huronnes et algonquines toujours en danger d’extermination se réfugieront dans le fort très bien défendu de Ville-Marie, cherchant surtout à mettre à l’abri de toute menace iroquoise leurs femmes et leurs enfants. Maisonneuve et Jeanne Mance les accueillirent de grand cœur et tous se familiarisèrent avec les langues amérindiennes.

La vie dans les premiers temps était si périlleuse qu’on entrevoyait très difficilement l’avenir. Malgré les épreuves rencontrées, Ville-Marie gagnera le cœur des Amérindiens qui seront conquis par l’enseignement prodigué par les Français ainsi que par la protection et les bons soins médicaux reçus lors d’attaques guerrières. Plus tard, la réputation de l’île grandira et se répandra même chez les premiers Iroquois de la Magdeleine, fondation jésuite de 1667, qui voudront connaître les habitants de Ville-Marie et s’y faire soigner.

La fondation de La Prairie de La Magdeleine fera l’objet de mon prochain texte.

Catherine Jean

 

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