Joie éternelle

Nous avons beaucoup abordé la thématique de la souffrance, entre autres, la souffrance éternelle. En réfléchissant bien sur celle-ci, je me rends compte que la souffrance éternelle est en quelque sorte à l’opposé de la joie éternelle. La conception que nous avons de cette dernière donne aussi prise à des opinions diverses qui pourraient à certains moments soulever de la controverse.

J’ai été un peu étonnée à la lecture de deux commentaires (celui de Gaby et de Jean-Jacques Ferland-Simard e.c.) sur le blogue intitulé « L’abondance » de Patrick Trottier. Une discussion s’est engagée pour déterminer si Bernadette Soubirous avait été heureuse ou non sur cette terre. Étant donné que cette question a un rapport étroit avec la souffrance, je me permets de vous livrer ma propre réflexion sur le sujet, sous forme de blogue.

Nous entendons souvent dire : « Es-tu heureux, heureuse ? Si tu es heureux ou heureuse, c’est ce qui est le plus important ! ». Je crois qu’il y a un discernement important à faire sur le sujet.

Qu’est-ce qu’on entend par être heureux ou heureuse… ?

Je crois que nous devons distinguer ici entre joie et bonheur. Nous pouvons être malheureux sur cette terre. Ce malheur (ou cette absence de bonheur) est-il forcément signe d’un manque de joie ? Je ne crois pas. J’ai connu des gens vivant de nombreuses épreuves humaines tout en ayant de la joie. Je crois que la joie vient de l’Esprit Saint alors que le bonheur, au sens où nous l’entendons la plupart du temps, nous accompagne à certains moments de notre vie; ce bonheur correspond souvent à une « intelligence émotionnelle » qui assure, il est vrai, un certain équilibre humain.

Est-ce que Bernadette a été malheureuse au cours de sa vie ? Je le pense. Je ne veux pas dire ici qu’elle n’avait pas d’intelligence ni émotionnelle ni rationnelle. Je veux signifier par là qu’elle a dû subir de nombreuses épreuves reliées à sa vocation. Je ne crois pas que Marie lui aurait dit : « Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde, mais dans l’autre » sans fondement réel. Marie elle-même fut avisée, lors de la présentation de Jésus au temple, qu’un « glaive de douleur » allait lui transpercer le cœur.

Revenant à Bernadette, avait-elle la joie ? Sûrement, car elle savait profondément que toutes ses épreuves étaient connues de Dieu, que celles-ci étaient fécondes. Et n’oublions pas qu’elle avait reçu de Marie la promesse de son bonheur à venir. Il y a de quoi dissiper une part considérable de stress dans la vie, non ?

À l’opposé, nous pourrions être « HEUREUX » sur cette terre, sans garantie du « BONHEUR » éternel…

Colombe LeRoy

Prochain blogue : « Sur la terre comme au ciel »

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9 Responses to Joie éternelle

  1. Nancy dit :

    Le présent sujet m’interpelle au plus au point. Pourtant vos propos me laissent dans la confusion. Je croyais qu’ être malheureux était lié à notre condition de pécheur alors que, si je comprends bien, Marie, la « sans péché » aurait été malheureuse?
    Je remercie ceux et celles qui se sont penchés sur ce qu’on a appelé « le cri de Nancy » à quelque part sur votre site et souhaite y trouver d’autres lumières.

  2. P. Sazonado dit :

    À Nancy

    Qu’est-ce qu’on entend par être heureux, heureuse? Est-ce que Bernadette a été heureuse ou malheureuse? Est-ce que les épreuves sont le facteur du malheur ou de l’absence de bonheur?

    Voici un point de vue par lequel je te propose d’aborder le sujet:

    Lorsque Marie dit à Bernadette qu’elle ne lui promet pas le bonheur en cette vie, je le comprends comme le constat que la vie n’est pas facile d’emblée. La foi, l’amour de Dieu ou même le privilège d’avoir vue la Sainte Vierge ne font pas des “extra-terrestres” c’est-à-dire des personnes qui vivent dans un espèce de ouate qui les dispe
    nse du poids du quotidien.
    Par contre la certitude de fond, l’assurance de l’amour de Dieu, la conviction que notre vie a un sens permet d’assumer les épreuves inhérentes à toute vie.

  3. Jean-Jacques Ferland-Simard e.c. dit :

    @Colombe

    Je suis moi-même étonné de votre étonnement. Je voulais impliquer une différence entre le bonheur de ce monde et celui du « ciel ». J’aime bien la perspective montrée par P. Sazonado, surtout la mention des extra-terrestres! Il y a un état de bonheur dans la condition « terrestre » qui est sans cesse défié par les moments d’épreuve et de difficulté diverses que nous pouvons rencontrer. La différence fondamentale, selon moi, entre le bonheur terrestre (ici-bas) et le bonheur éternel est précisément le fait que celui-ci est constant, inaliénable et profond. Je l’appelerait béatitude pour bien distinguer. Le dernier paragraphe de P. Sazonado est très beau et correspond tout à fait à mes propres convictions.

    Je comprends aussi que Nancy perçoive une certaine confusion; je constate que j’ai moi-même mis, dans le commentaire auquel vous référez, le bonheur et la joie sur le même niveau. Je crois qu’à la suite de ses observations et questions, il faut préciser le sens des termes employés, nommément joie et bonheur.

    Comme Colombe le dit, il faut les distinguer. Selon moi les deux appartiennent à des ordres différents. La joie se situe dans le même spectre de réalité que le plaisir, l’agrément, l’extase ou l’euphorie; ils appartiennent au monde de l’émotion ou pour employer le système de Colombe, il relève de « l’intelligence émotionelle » (si j’ai bien compris…). À mes yeux le bonheur est plutôt un « état » qui résulte d’une part de l’EXPÉRIENCE des émotions ci-haut mentionnées (et bien d’autres sans doute) et d’autre part de l’HARMONIE de notre être avec le « projet » de Dieu sur nous. Les nuances et distinctions sur les types de bonheur, sa profondeur, sa durée reposent sur l’amalgame complexe de ces deux éléments. C’est pourquoi il est théoriquement possible de connaître le bonheur soit avec peu de joie, de plaisir et beaucoup d’harmonie, soit, peut-être aussi, avec peu d’harmonie et beaucoup de ces émotions.

    Je ferai remarquer que Bernadette a vécu l’extase, une sorte de plaisir/joie extême, au moment des apparitions et que, par conséquent, elle vivait sans doute à ce moment le bonheur, peut-être un bonheur près de la béatitude.

    Elle a certainement connu d’autres émotions du même spectre dans sa vie. Quand à son harmonie avec le projet de Dieu sur elle, l’Église en a témoigné en la canonisant. Elle remplissait donc les conditions pour être heureuse.

    Mais, et il y a un très gros mais, l’expérience des apparitions elle-même, le bonheur de sa rencontre avec la Vierge, ont placé la barre bien haute et il est facile de comprendre que face à la béatitude dont elle a eu une perception exceptionelle, ce bonheur « terrestre » pouvait sembler assez pâle…

    Quant à nous, qui n’avons pas connu de tels « privilèges », nous devons peut-être apprendre à maîtriser notre vie pour profiter des émotions tout en travaillant à l’harmonie de notre être avec notre « vocation », cet appel, ce projet de Dieu sur nous.

    Jean-Jacques

  4. Lucie dit :

    Le dernier paragraphe de P. Sazonado me rejoint aussi.
    J’ai trouvé cette définition du bonheur qui correspond assez bien à ce que je veux dire:
    “Le bonheur est un état durable de plénitude et de satisfaction, état agréable et équilibré de l’esprit et du corps, d’où la souffrance, le stress, l’inquiétude et le trouble sont absents.”

    Voilà comment je concois le bonheur. C’est la “couche de fond” qui nous permet de passer à travers les difficultés et les épreuves. Il y a des oscillations sur le dessus : des soubresauts, des tempêtes, des moments intenses de joie, etc., mais les fondements sur lequel reposent nos cpnvictions profondes font une base solide plus difficile à ébranler qui apporte un état de bonheur (une certaine plénitude, confortation, confiance).

    Il arrive parfois que la souffrance vient cacher cette couche de fond et nous pensons l’avoir perdu. Sur cette terre, nous n’avons un bonheur parfait mais un bonheur plutôt fluctuant, mais nous tendons vers la béatitude éternelle.

  5. Colombe LeRoy dit :

    @ Jean-Jacques Ferland-Simard e.c.

    Merci M. Simard de revenir en ligne avec les précisions que vous apportez. Dans un premier temps, je voyais vos assertions comme étant contraires aux paroles même de la Vierge Marie. Maintenant que vous élaborez votre compréhension du sujet en distinguant sur les deux formes : le bonheur et la joie, votre façon de voir m’apparaît bien fondée et vos conseils sur la prière judicieux. La question du bonheur n’est pas facile à traiter, je la trouve plus difficile à traiter que la souffrance. En touchant nos émotions, elle biaise parfois nos choix fondamentaux dans la vie. C’est la raison pour laquelle je trouvais important de relativiser le bonheur que nous avons ici-bas et le remettre au diapason avec le projet de Dieu sur chacun de nous. N’hésitez pas à donner d’autres réflexions sur le sujet. Elles seront bienvenues.

  6. Colombe LeRoy dit :

    @Nancy

    J’ai dû m’accorder un certain temps de réflexion avant de répondre à votre commentaire. En écrivant mon blogue, je n’avais pas pensé que mon propos pouvait mener à considérer Marie comme une femme « malheureuse ». Je comprends ici votre trouble.
    Dans ce blogue, j’ai fait une distinction entre le bonheur et la joie : « Je crois que la joie vient de l’Esprit Saint alors que le bonheur au sens où nous l’entendons la plupart du temps […] correspond souvent à une ‘intelligence émotionnelle’ qui assure, il est vrai, un certain équilibre humain ». Voici comment j’appliquerais cette distinction, qui a ses lacunes, dans le cas de Marie.
    Si nous sommes en pleine forme physiquement et psychologiquement, cela procure un certain type de bonheur. À l’opposé, si nous souffrons physiquement et moralement, nous éprouvons l’absence de ce type de bonheur. Est-ce que Marie a pu expérimenter de la joie, ou même du bonheur, dans le contexte des souffrances qu’elle a elle-même vécues?
    J’ai déjà entendu un témoignage de quelqu’un qui avait vécu une expérience tragique (si je me souviens bien, il s’était fait attaquer physiquement) et qui avait ressenti paradoxalement une joie et une paix profondes lors de l’événement, un genre d’abandon à la volonté de Dieu, une oblation. Est-ce que Marie la « sans péché », que l’on dit bienheureuse, a vécu cette oblation, lors de la Passion de Jésus par exemple ? Je le crois et d’autant plus; le fait d’être « sans péché » la faisait adhérer entièrement au projet de Dieu, sur son fils et sur elle-même.

  7. Gaby dit :

    @Madame LeRoy

    Le présent blogue et ses commentaires m’ont amené à faire une réflexion que je vous partage simplement.

    « Toutes les générations la diront bienheureuse »
    Je crois que cette affirmation prend sa source dans la salutation angélique : « Réjouis-toi, comblée de grâce». Marie est dite « bienheureuse » à cause de cette élection comme mère du Messie. Je ne crois pas que cela soit une garantie de non-souffrance pour Marie; qu’elle soit une « extra-terrestre » pour reprendre l’expression de P. Sazonado, ou encore une statue figée dans la béatitude dès cette vie.

    Pleinement humaine, Marie est donc soumise au aléas de notre condition à tous. L’épisode de Jésus retrouvé au temple par des parents “angoissés” le montre bien. Jésus a pleuré à la mort de son ami. Marie a certainement pleuré elle aussi dans sa vie.

    Sans péché, elle est libre de la part de souffrance qui s’ajoute par le repliement, l’égoïsme, le découragement, la jalousie, etc.

    Donc exceptée la part ajoutée par tous les vices, Marie a bel et bien souffert ce qui est inhérent à la nature humaine. De plus, “sans péché” elle a certainement souffert à la vue du mal; souffrance qui nous reste étrangère, nous qui sommes participants de ce mal .

  8. Marlène dit :

    @Gaby

    Je suis fatiguée de toute cette mentalité de jovialisme qui ne veut rien dire. Je comprends la recherche de Nancy. Moi personnellement je ne suis nullement attirée vers le bonheur, en tout cas, pas celui d’ici-bas. J’en ai assez de cette pastorale du genre « Soyez heureux et cela va se communiquer à votre entourage » ou bien « Vous ne souriez pas aujourd’hui ? » qui stérilise nos choix profonds. Choisissons l’Évangile et vous verrez, à cause de nous, bien du monde se déclareront malheureux : des menaces psychologiques surviendront de toutes parts, que l’on agisse de la bonne ou de la mauvaise manière, les flatteries chercheront à vous faire basculer dans l’autre camp, on se plaindra de votre absence lors de conversations superficielles et prolongées, lors desquelles, bien sûr, si on y assiste de temps en temps, on vous fait sentir que vous ne souriez pas, que vous n’êtes pas heureux… Et on appelle ça le bonheur terrestre ? On dirait qu’il y a une espèce de pouvoir rattaché à ce genre de bonheur. Certains de ces jovialistes se pavanent en enseignant du haut de leur tribune, le sourire victorieux sur les lèvres, pratiquement des extra-terrestres qui ont un parfait contrôle d’eux-mêmes et qui se citent souvent en exemple. Et si nous avons le malheur de ne pas avoir la même opinion qu’eux, ils peuvent même être violents à l’occasion. Contente que Marie soit un peu de notre côté. Merci à vous Gaby pour nous partager simplement votre opinion.

  9. Colombe LeRoy dit :

    @Marlène

    Bien que vous ne vous adressiez pas à moi directement, j’aimerais ici faire un commentaire suite au vôtre. En vous lisant, je suis un peu surprise et à la fois éclairée par vos propos. En effet, j’observe qu’il y a un certain pouvoir exercé par ceux qui se disent heureux et qui semble les placer un peu au-dessus des malheurs de chacun. Les situations difficiles que vous évoquez font partie, je crois, des souffrances vécues par ceux qui se déterminent à suivre la bonne route de l’Évangile. Le courant jovialiste vient peut-être du fait que nous avons beaucoup axé la religion sur la souffrance dans le passé. En contrepartie, le jovialisme délaisse la voie d’une souffrance inhérente à « nos choix profonds » comme vous dites.
    En écrivant ces lignes, je pense particulièrement à l’Ecclésiaste que je cite : « Il y a un temps pour pleurer et un temps pour rire […] un temps pour la guerre et un temps pour la paix » (Qo 3, 1-8). Si nous misons strictement sur l’un ou sur l’autre, nous pouvons empêcher l’Esprit Saint de nous conduire avec sagesse, d’agir librement en nous et de nous donner la joie qui est un fruit de l’Esprit.
    Marie peut sûrement nous aider à rester dociles à l’Esprit. On la nomme Notre-Dame-des-Douleurs et aussi Notre-Dame-de-la-Joie.

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