Le Nouveau Monde

Le titre donné à cette vaste terre d’Amérique n’est pas sans signification. L’aspiration à des cieux nouveaux et à une terre nouvelle dont parle la Bible (Ap. 21, 1) pousse de l’intérieur depuis toujours l’humanité vers sa finalité heureuse. Un Nouveau Monde? Toute espérance n’est-elle pas permise?

Le Nouveau Monde couvre les deux Amériques, et très tôt, Notre-Dame y  signifie ses vues. En 1531, elle donne ses indications à un indien, Juan Diego, le chargeant d’annoncer ses demandes à l’évêque du temps. Message: construire un lieu qui deviendra témoin des bénédictions qu’elle veut répandre en ces larges contrées. Message en filigrane: Notre-Dame de la Guadeloupe sera, depuis ce moment, source d’inspiration pour plusieurs peuples d’Amérique, Espagnols compris, en quête d’un nouveau monde.

Quel est ce nouveau monde? Ni utopie ni chimères, mais accomplissement de la promesse divine. Il a commencé en terre de Palestine; Marie, Joseph, Jésus, agissant de concert et rénovant de ce fait l’humanité entière, y jetèrent les bases de l’Église naissante. Celle-ci s’est propagée, esprit de Pentecôte, jusqu’aux terres de France, Provence accueillante. Là encore agissante, la présence des trois a façonné l’histoire. Depuis, la France ne compte plus les lieux où la «présence» éclate en demandes exaucées, guérisons et victoires, où s’entrecroisent les personnages les plus divers: enfants et prêcheurs, mystiques, bergères, princesses ou rois, Thérèse et Vincent, Bernadette, Louis… tous porteurs du «neuf» de l’Évangile, dans le vieux continent, poussant et tirant l’histoire vers sa plénitude.

L’ancien contient en germe le nouveau, il n’est jamais négligeable. Mais Dieu parle dans le temps et l’espace:

«Quitte ton pays…»,  dit-il à Abraham, parce que c’est ailleurs que je ferai du neuf.

Certains donc, Français, se sont expatriés sous la poussée mystique, pour fonder, semer et faire croître un arbre magnifique, au feuillage nourrissant:

«Ce que vous voyez ici, n’est qu’un grain de sénevé; mais il est jeté par des mains si pieuses et si animées de l’esprit de la foi et de la religion, que, sans doute, il faut que le Ciel ait de grands desseins, puisqu’il se sert de tels instruments pour son œuvre; et je ne fais aucun doute que ce petit grain ne produise un grand arbre, ne fasse un jour des merveilles, ne soit multiplié et ne s’étende de toutes parts.»

Véritable prophétie, proclamée par Barthélémy Vimont, supérieur de la mission des jésuites au Canada, qui accompagnait les fondateurs de Montréal en mai 1642, lors de leur arrivée sur l’île, elle fut citée, le 20 mai 1992, en pleine assemblée nationale du Québec. Dans une motion, M. Daniel Johnson (fils), alors président du Conseil du Trésor, demanda que l’assemblée souligne le 350e anniversaire de la fondation de la ville de Montréal.

Cette déclaration de Barthélémy Vimont n’a pas épuisé son sens et sa portée. Ceux qui ont envoyé les Montréalistes l’entrevoyaient eux-mêmes en écrivant dans les Véritables Motifs qu’il s’agissait de prendre part, de par la force et l’engagement du baptême, à l’envoi aux Nations.

M. Olier, l’un des fondateurs avec M de la Dauversière, écrit :

«Tout de même en est-il dans ce temps, où DIEU, par une miséricorde infinie, veut faire de nouveaux biens à son Église et redonner l’esprit primitif. Il s’est tellement plu dans les mystères passés de JÉSUS, Marie et Joseph; ces mystères étaient conduits d’ailleurs par une sagesse si admirable, qu’ayant à renouveler la piété première, il prétend suivre la conduite qu’il a tenue sur son Église, quand il l’a instituée et fondée sur la terre, et se servir d’un semblable procédé. L’œuvre dont je parle doit consister en deux choses: l’une est le renouvellement de l’Église dans ces quartiers, l’autre l’établissement d’une nouvelle Église en Canada, où l’on va bâtir une ville chrétienne, qui est une œuvre d’une merveilleuse importance.»

Ce «semblable procédé», c’est la connaissance de Marie, Joseph et Jésus, auxquels on consacra l’île de Montréal en 1642 à la cathédrale Notre-Dame de Paris. Non pas séparément, ou chacun de leur côté, mais dans leur fécondité trinitaire, source éternelle et constante de restauration de l’humanité.

Si les dons de Dieu sont sans repentance, c’est que le grain semé ici en terre d’Amérique n’a pas encore donné complètement son fruit. Il a besoin d’ouvriers pour y veiller. Certes, il a germé, et on peut le voir:

  • À travers la vie de Jeanne Mance, qui, sans sac ni bâton, sans costume ni clôture, par le seul appel de son baptême, est venue porter l’amour de l’Évangile en Amérique et spécifiquement faire connaître Joseph;
  • À travers la vie de Marguerite Bourgeois, illustrant Marie «voyagère», et dont l’œuvre d’éducatrice dépasse depuis longtemps les frontières;
  • Il faudrait aussi lire l’histoire des missions pour constater combien les missionnaires canadiens (la plupart venant du Québec) ont semé largement, parmi les nations, répandant partout l’amour de Jésus-Christ.

Oui, certes, le grain a germé, mais les rameaux de l’arbre ne sont pas encore déployés complètement. Ne faut-il pas explorer en profondeur ce «semblable procédé» pour que se lève un peu plus l’aube du Nouveau Monde?

La moisson est abondante… où sont passés les ouvriers?

Le 18 juin prochain sera présentée à Rome l’argumentation en faveur du processus de canonisation de Jeanne Mance.

N’est-ce pas un signe concret de la vivacité intemporelle des vrais ouvriers de l’Évangile, dont le grain qui meurt dans la foi porte fruit.

Souhaitons qu’elle remue en profondeur la foi enfouie de nos baptêmes.

Josée Lacoursière

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One Response to Le Nouveau Monde

  1. Lucie dit :

    J’aime bien votre vision du Nouveau Monde. On parle actuellement dans l’Eglise de nouvelle évangélisation, c’est dire que l’Eglise doit toujours être en renouvellement.
    Comme le dit Jean-Marie Elie Setbon, juif converti au catholicisme : « La vie charismatique consiste à se laisser faire et guider par l’Esprit Saint dans la vie de tous les jours, en toutes circonstances. C’est comme si on était en bateau : on va beaucoup plus vite si on hisse les voiles pour que le vent de l’Esprit y souffle. Sinon, on rame… ».
    On peut s’épuiser à ramer sans résultats mais si on se laisse guider par l’Esprit-St, on devient un être nouveau, transformé, renouvelé.
    Comme vous le dites, nous aspirons sans cesse vers « un ciel nouveau et une terre nouvelle » mais il faut renaître de nouveau si on veut voir le Royaume de Dieu.
    Anne et Joachim (dont c’est la fête aujourd’hui), les parents de Marie ont prié avec patience et persévérance pour la venue du Messie et ils n’ont pas été déçus. Prions-les pour le Québec, cette partie du Nouveau Monde, pour qu’elle retrouve un souffle nouveau à l’exemple de ses hommes et femmes qui comme Jeanne-Mance ont amené la foi ici.

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