Allez, avouez que vous avez pensé au hockey quand j’ai parlé de liens entre Montréal et Québec la semaine dernière. S’il subsiste aujourd’hui un lieu où nous retrouvons bien vivant ce rapport concurrent entre les deux villes, c’est bien sur une patinoire.
Rapport d’abord consensuel: «Ici, du hockey, on en mange» peut se dire aussi bien à Montréal qu’à Québec. Nous obtenons sans peine l’unanimité sur l’identité de notre sport national. Même si cette année le suprême trophée se disputait dans un amphithéâtre sis à des milliers de kilomètres, il s’en trouvait ici une majorité étonnante (présomption personnelle basée sur mes observations) pour préférer une victoire de Vancouver la canadienne à celle de Boston l’américaine. Étrange sympathie d’une nation québécoise qui proclamerait depuis des années par la voix de certains de ses élus sa désolidarisation quasi systématique du reste du Canada.
Il suffit d’autre part d’évoquer un possible retour des Nordiques dans la capitale pour ranimer la flamme d’une rivalité interurbaine séculaire, preuve d’un rapport de compétition que nous connaissons bien. Une rivalité au mieux courtoise, au pire implacable, qui, pour souhaiter constamment la défaite de l’autre, n’en espère pas moins sa pérennité.
En attendant qu’un nouveau Colisée émerge du bourbier politique, je continue de suivre les bons et les mauvais coups de nos «Canadiens» (vous ne trouvez pas que ce nom sonne bien un premier juillet?). Je me revois aussi, bien enfoncé dans mon fauteuil pour le début d’un match à domicile, au moment où Michel Lacroix prononce ces paroles solennelles: «Mesdames et Messieurs, veuillez vous lever et retirer chapeaux et casquettes pour l’interprétation des hymnes nationaux.» Du coup, vingt et un mille deux cent soixante-treize personnes obéissent à l’appel, pendant qu’on entonne le «Ô Canada» (il m’arrive moi-même de me lever dans mon salon; quoi! c’est gênant de rester assis devant tous ces gens debout). Je pourrais croire que cette foule – composée principalement de francophones, je présume – agit sous l’impulsion de l’habitude ou de la concession à une longue tradition si je ne l’entendais pas elle-même chanter à l’unisson, jusqu’à couvrir parfois la voix amplifiée de l’interprète. «…Car ton braaaas sait porter…la crooooix…», même là, pas un sourcillement dans la foule; regrette-t-on les crucifix dans les écoles?
Remarquez que le fait vaut, à mon avis, bien des sondages. Ces derniers sondent généralement des groupes de mille à deux mille personnes, et vous en avez ici dix à vingt fois plus (enlevez, si vous voulez, le trois pour cent d’erreur dix-neuf fois sur vingt) qui chantent à gorge déployée un hymne canadien et confessionnel.
Quand on sonde notre sentiment identitaire, que ce soit à Québec ou à Montréal, il y a de ces contradictions.
Patrick Trottier