Anne et son histoire (2)

Savez-vous d’où viennent vos ancêtres?

Les miens viennent du Perche et mes parents n’ont pas manqué de se rendre à la demeure familiale, à Perfondeval, et d’en parler avec enthousiasme à leur retour.

Beaucoup de Canadiens viennent du Perche et chaque année, plusieurs s’y rendent, pour retrouver les lieux d’où leur famille s’est embarquée pour la Nouvelle-France: les Giguère, Gagnon, Lambert, Lessard, Mercier, Paradis et bien d’autres, dont une famille particulièrement célèbre, celle de Céline Dion, anciennement Guyon. Il y aurait même Hilary Clinton et Camilla, duchesse de Cornouailles, et plus près de nous, Stéphane Dion et Diane Tell.

S’ils se rendent à Tourouvre, et qu’ils visitent la vieille église, ils y verront deux vitraux représentant des familles percheronnes émigrant en Nouvelle-France. En effet, Samuel de Champlain, de retour à Québec, après les années de juridiction anglaise (1629-1631), avait chargé Robert Giffard, un percheron de Tourouvre ayant déjà séjourné au Canada, de recruter des familles intéressées à venir s’établir dans la colonie. Une quarantaine de personnes arriveront ainsi à Québec en 1634.

Entre 1608 et 1660, les immigrants français arrivent surtout de Normandie, mais le deuxième groupe en importance provient du Perche: en 1635, sur 132 colons, à Québec, 35 venaient du Perche. Ceux-ci apportent dans leurs bagages quelque chose de spécial:

 «Vers 1651, les frères Gagnon construisent un magasin sur la place de la basse ville de Québec, près de l’établissement appartenant à la Communauté des Habitants. Lors du recensement de 1666, on trouve les frères Gagnon bien établis à Château-Richer sur la côte de Beaupré. Plusieurs Percherons s’y installent entre 1635 et 1660. Ils y implantent la dévotion à Sainte-Anne, à l’honneur au célèbre «Carrefour de Sainte-Anne» dans le Perche.» (Société de généalogie de l’Outaouais)

C’est le Carrefour Ste-Anne, passage obligé sur la route Paris-Brest, où venait se recueillir les émigrants percherons, en partance pour la Nouvelle-France. Il est justement situé à Tourouvre.

Il n’est donc pas surprenant de trouver une chapelle Ste-Anne dans l’église paroissiale de Québec, dès 1647.

Mais ce n’est pas tout. On pourrait penser que la présence d’Anne au pays vient surtout de ceux qui se sont établis à Québec et dans les environs. Mais voici qu’un personnage particulier se manifeste et met en lumière un autre filon. Il s’agit de Pierre de Kériolet. Originaire d’Auray, en Bretagne, il est contemporain des manifestations d’Anne en ce lieu, et du rayonnement rapide du sanctuaire. De noble famille, fortuné, il a fort mauvaise réputation. Bandit notoire, rebelle, il se bat souvent en duel et n’hésite pas à tuer ses adversaires. Suite à une série de circonstances, il se convertit et cherche dorénavant à faire du bien. Il transforme son château en hôpital pour les miséreux, et soutient Nicolazic dans le développement du sanctuaire d’Auray. Devenu prêtre, il se rend à Paris et y rencontre… M. Olier et Jérôme Le Royer, qui travaillent tous deux à la fondation de Ville-Marie! Nul doute qu’il leur communique avec ardeur les récents événements d’Auray.

Il faut dire que sainte Anne est déjà populaire à Paris, car la reine Anne d’Autriche, attribuait la naissance de son fils Louis XIV à son intervention, et multipliait envers elle les gestes de reconnaissance, dont une chasuble brodée de sa main, qu’elle fera parvenir en 1666 au sanctuaire de Beaupré*.

Pierre de Kériolet se lie d’amitié avec M. de la Dauversière et M. Olier, qui l’invitent à faire partie de la Société de Notre-Dame de Montréal. Il en deviendra à l’instar de Mme de Bullion un des membres les plus prodigues.

Ce lien avec Ville-Marie n’est pas sans importance. Quand en 1658, Étienne Lessard fera don d’une partie de ses terres des «Beaux prés fertiles» pour la construction d’une église desservant la Côte de Beaupré, c’est l’abbé de Queylus qui est alors Grand Vicaire de toute le Nouvelle-France. Il réside à Ville-Marie mais fait le voyage à Québec pour officialiser devant notaire le don de Lessard. C’est lui qui prend la décision de dédier à sainte Anne la nouvelle église.

M. de Queylus, membre de la  Société de Notre-Dame de Montréal, était un proche collaborateur de M. Olier. Il n’était pas sans savoir que M. Olier avait fait lui-même un pèlerinage à Auray, qu’il «confiait à sainte Anne toutes ses affaires temporelles», et qu’il avait érigé une chapelle à sainte Anne à Paris.

Sous quelle influence M. de Queylus prit-il la décision que cette nouvelle église serait sous le patronage d’Anne? Celle d’Olier, de Pierre de Kériolet, des colons percherons? Peut-être un peu de tout cela…

C’est certainement en tout cas le résultat d’une convergence particulière.

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* Elle est conservée au musée du sanctuaire de Beaupré.

Josée Lacoursière

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