Marie et Joseph : stéréotypés

Marie est un modèle pour les femmes et Joseph est un modèle pour les hommes, soutiennent de bonnes âmes bien au fait de spiritualité. Les stéréotypes sont difficiles à extirper, comme les mauvaises herbes. Fixer les individus dans des modèles n’est-ce pas une manière de passer à côté de la gestion du rapport entre les personnes ?

La gestion du rapport est beaucoup plus exigeante que le fait de se conformer à un modèle. On peut se complaire dans l’imitation d’une sainte ou d’un saint, tout en continuant à manquer d’égards envers son voisin, sa voisine. Par exemple, on pourrait se sentir autorisé à fustiger la femme « comme occasion de chute morale ». Le futur saint André Bessette l’a fait… les saints lettrés comme les saints illettrés.

Revenons à nos racines chrétiennes. L’activité intense d’évangélisation qui prévalait en Nouvelle-France, au dix-septième siècle, est entre autres caractérisée par une évocation continuelle des rapports existant entre Jésus, Marie et Joseph. On parle même d’émergence de la dévotion à la « Sainte Famille ». Modèles de dévotion privée : Jésus pour les enfants, Marie pour les mères, Joseph pour les pères ? Ou source d’inspiration pour une évangélisation des rapports interpersonnels ?

En tout cas, à l’origine du Canada, Joseph n’était pas seulement « l’affaire » des hommes, mais aussi celle des femmes comme Marie Guyart, Madeleine de Chauvigny, Catherine de Longpré, Jeanne Mance. En fait, la colonie naissante était attentive à cultiver la qualité des rapports interpersonnels, telle que l’avait vécue la communauté des tout premiers chrétiens, lesquels avaient suscité ce commentaire admiratif : « Voyez comme ils s’aiment ».

La considération des rapports entre Marie et Joseph me semble particulièrement nécessaire à une meilleure gestion du rapport entre la femme et l’homme. Mais quelque chose incline à penser que ce n’est pas demain la veille…

Francine D. Pelletier

Demain : « Marie-Jésus et le tiers exclu »

Ce contenu a été publié dans Blogues, Blogues@rebours, Francine D. Pelletier. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

5 Responses to Marie et Joseph : stéréotypés

  1. Jean-Pierre dit :

    Mme Pelletier, hier j’apprenais qu’un ami proche, père de famille, a vu récemment sa fille revenir de son école secondaire, bouleversée et la larme à l’œil, parce que son professeur d’ECR avait dit en classe que « Marie s’était fait violer et qu’elle avait caché ce fait à Joseph en disant qu’elle était tombé enceinte de Saint Esprit ». Voilà l’expression d’une profonde désespérance face au rapport entre la femme et l’homme tel qu’une personne se croit permise d’étouffer l’étincelle de joie déposée dans le cœur d’un enfant qui voie ses parents s’efforcer de vivre l’harmonie de la Sainte famille. Moi je trouve que cela ressemble au scandale des petits.

  2. Susanne Marchio dit :

    @Jean-Pierre

    Quelle tristesse! Le rapport entre Joseph et Marie était tout le contraire d’un viol. Tellement le contraire que je frissonne rien qu’a pensé a ce qui put ammener un professeur a enseigner une telle chose!

  3. Francine D. Pelletier dit :

    @ Jean-Pierre

    On réinvente l’histoire de Marie et Joseph dans les cours d’ECR à l’école ? Quel est l’enjeu ? Est-ce uniquement le fait d’un professeur qui abuserait de son autorité pour enseigner une théorie que l’on dirait tirée d’un roman ésotérique de Dan Brown, celui qui a écrit le Code Da Vinci ? Ou bien est-ce le reflet d’une société hypersexualisée, qui ne peut concevoir un rapport entre la femme et l’homme autre que sexuel et, qui plus est, imprégné d’une violence plus ou moins latente ? L’événement que vous relatez ici montre à quel point la texture des rapports entre Marie et Joseph dérange puisque l’on prend encore la peine d’en médire. Mais aussi à quel point, un professeur ainsi orienté peut perdre le sens du rapport à ses élèves.

    Et parlant de scandale des petits, qui s’en préoccupe vraiment? Les crimes sexuels, même ceux touchant des enfants, sont loin d’être les crimes aux sentences de prison les plus lourdes. Que peut faire un parent dans des circonstances moins «criminelles» mais qui peuvent être néanmoins traumatisantes pour un enfant?

    @ Susanne Marchio
    En effet, le sujet touché par Jean-Pierre n’est pas gai, mais il a un grand mérite, s’il peut réveiller en nous un sentiment d’urgence, le désir de s’interroger et la volonté d’agir sur les causes profondes de ces situations. À mon sens, considérer le rapport entre Marie et Joseph, la dynamique interpersonnelle de la « Sainte Famille », comporte des incidences qui dépassent infiniment le cadre de la dévotion privée pour rejoindre les enjeux de la société moderne, notamment la manière de considérer le rapport femme et homme ? Doit-on baisser les bras devant l’ampleur de la tâche ou relever nos manches ? Sériez-vous, comme moi, une idéaliste-réaliste insatisfaite?

  4. J.-F. Germain Carneau dit :

    Je ne suis pas surpris qu’un professeur dise une telle ineptie. L’enseignement de la théologie dans nos université laisse à désirer. Je me demande ce que font nos évêques?

  5. Francine D. Pelletier dit :

    @J.-F. Germain Carneau

    La question se pose, Monsieur.

    Vous êtes déjà intervenu sur mon blogue « Royaume et Dominion » (2 septembre). Sur une longueur de quelques blogues, je me suis intéressée à l’enjeu « confessionnel » du Canada et, notamment, à la polarisation entre « Les Rouges et les Bleus »; selon ma définition, les Rouges étant pour la laïcité et les Bleus, pour la confessionnalité, dans un sens qui englobe le débat sur l’enseignement confessionnel dans les écoles. Je mentionnais que même les évêques, et j’entendais surtout les évêques « québécois », hésitaient (c’est un euphémisme) à se positionner en faveur de la confessionnalité. Prenons un exemple, à l’époque du cardinal Paul Grégoire, située entre l’ère du cardinal Paul-Émile Léger et celle du cardinal Jean-Claude Turcotte, le débat sur la confessionnalité faisait rage au Québec. Mgr Grégoire avait déclaré, à peu près dans ces termes : « On devra me passer sur le corps pour déconfessionnaliser les écoles ». Au tout début de son mandat comme évêque, Mgr Turcotte avait déclaré, à peu près dans ces termes : « Je ne me ferai pas mourir pour les écoles confessionnelles ». En fait, la position de Mgr Turcotte n’était pas dissidente par rapport à celles des autres évêques du Québec, c’était plutôt celle du cardinal Grégoire, et bien que celle-ci fut en ligne avec l’enseignement de l’Église. Une situation assez analogue à celle qu’a vécue le cardinal Marc Ouellet; il a été le seul évêque du Québec à se prononcer en faveur de la confessionnalité lors de la Commission Bouchard-Taylor sur les accomodements raisonnables en 2008.
    Après avoir approuvé, avec de molles conditions, le programme d’ECR, comment l’Assemblée ou la « ligue » des évêques du Québec pourrait-elle s’émouvoir de l’épisode que nous rapporte Jean-Pierre et agir de manière à défendre la foi des « petits »?
    Par ailleurs, vous soulevez la question de l’enseignement de la théologie dans les universités, lequel demeure la responsabilité des évêques même si nos universités ont été « décanonisées », du moins celles qui étaient « canoniques ». Enseignerait-on de telles « inepties »? Le professeur dont parle Jean-Pierre n’aurait donc pas pris la liberté d’enseigner une hypothèse tirée de quelque lecture ésotérique personnelle? Il aurait été « formé » comme cela? Alors là, je me joins à vous doublement: que font les évêques?

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée.

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.