De Montréal à Québec: et si nous devisions?

La première fois que j’ai vu sur un calendrier «Fête de Dollard», je me suis dit: «Quelle drôle d’idée de fêter notre devise nationale (le dollar, unité monétaire du Canada).» J’ai compris plus tard (surtout pas à l’école) qu’il s’agissait de quelqu’un et que l’homme nommé –à raison– Dollard avait payé de sa vie la survie de la colonie de Montréal en 1660.

Pardon, vous dites? Ah! Vous êtes de Québec et vous n’avez rien à cirer des héros de Montréal… Il est vrai qu’il fait bon vivre à Québec, du moins si j’en crois certains membres de ma famille qui y ont habité et qui, vivant à Montréal, ne rêvent que d’une chose: y retourner. Mais attention que le chauvinisme ne nous aveugle, car si Dollard et ses compagnons ont sauvé Montréal, ils ont aussi sauvé Trois-Rivières et Québec qui venaient juste après sur la liste d’épicerie des Iroquois commandités par une Nouvelle-Angleterre hostile à la Nouvelle-France.

L’histoire l’atteste, Montréal et Québec sont des villes concurrentes (du latin concurrere), dans tous les sens du terme. Chacune fut fondée dans des circonstances différentes (fondation mystique de Montréal; statut de capitale de Québec), en accord avec une mission propre et avec des intérêts à protéger, d’où le développement d’une compétition entre les deux villes. Mais elles hébergent les descendants d’un même peuple et partagent des intérêts communs. En ce sens, elles concourent (de concurrere) au même bien, l’une «marche avec» l’autre. Outre l’exemple cité plus haut de Montréal en faveur de Québec, rappelons que cette dernière a contribué à la sauvegarde de la première en tenant bon au cours de certaines batailles.

Mais de la Fête de Dollard à la Journée des Patriotes et des Patriotes à la Fête nationale, que l’on appelle de moins en moins la St-Jean-Baptiste, il y a un saut, un Long-Sault au-dessus de l’abîme de l’oubli chez ceux dont la devise est «Je me souviens». Montréalais ou Québécois, que serions-nous comme nation sans le sacrifice de ces valeureux colons, hommes et femmes à la foi intrépide, qui ont défriché et défendu ce pays? Que célébrons-nous exactement le 24 juin, nos artistes, notre folklore, un vague patriotisme? Je pense qu’il ne faudrait pas oublier ceux qui constituent les véritables colonnes de notre édifice national.

Patrick Trottier

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3 Responses to De Montréal à Québec: et si nous devisions?

  1. Hélèna dit :

    Je suis vraiment contente M.Trottier que vous abordiez ce sujet. Je suis justement en train de lire un recueil des plus passionnant sur les débuts de la colonie, soit « Une épopée mystique: les origines religieuses du Canada », écrit par l’historien Georges Goyau.
    J’avoue avoir un enthousiasme et fierté patriotique irrépressible lorsque l’on aborde le sujet des débuts de la colonie. Plusieurs bien sûr parlent actuellement de ce sujet avec un quasi dégoût, ressassant les légendes urbaines sur les pauvres amérindiens dérangés dans leur paix parfaite par les méchants colonisateurs. Bon, il ne faut pas aller très profondément pour s’apercevoir que la réalité historique est autre (rechercher les historiens autant canadiens qu’américains d’avant 1950 et vous verrez), et que cette réalité est complexe, riche et vraiment passionnante.

    D’ailleurs, concernant cette critique sur les méchants colonisateurs, permettez que je cite ici un passage: « La création de la compagnie des cent associés clôtura dès 1627, l’époque où les marchands ne songeaient qu’à tirer parti du Canada sans remplir les devoirs qu’ils avaient là-bas: Richelieu stipula qu’on s’occuperait de la culture, et qu’on s’occuperait des indigènes et qu’il deviendrait l’égal des sujets du roi de France. Égalité si plénière, égalité si complète que Richelieu ajoute que les indigènes chrétiens peuvent habiter en France quand bon leur semble, et y acquérir, tester, succéder et accepter donations et legs tout ainsi que les vrais régnicoles et originaires français, sans être tenus de prendre aucunes lettres de déclaration ni de naturalité. »

    Et je seconde vivement votre propos sur « ces hommes et femmes a la foi intrépide ». Je l’ai particulièrement goûté dans les propos de l’historien John Finley, lequel considère les écrits des Jésuites durant leurs années en Nouvelle-France comme une source historique inestimable: « griffonnées par des hommes mal nourris, mal logé, sans cesse menacés, souvent maltraités, obsédés par les insectes lorsqu’ils ne l’étaient point par les sauvages…Ce que les Jésuites écrivaient dans de telles circonstances est simple et réel. On n’y trouve point de fleurs de rhétorique, à peine quelques signes de légitime fierté, aucun détail inutile au sujet des martyrs, et pas un mot qui puisse faire soupçonner qu’un seul des hommes de cette troupe loyale ait jamais reculé ou hésité. »
    Je pourrais vous en parler encore et encore, l’histoire canadienne est plus rocambolesque qu’un épisode des « 24 heures ». Et ces gens courageux et ingénieux sont mes ancêtres!…comme vous l’avez peut-être remarqué, le patriotisme n’est pas pour moi une chose très vague…Oui, j’aime le Canada, et je suis certaine qu’il ne serait pas ce qu’il est sans l’apport de ses Français et Françaises fougueux et déterminés qui sont venus défrichés, parfois au prix de leur vie. Bon 24 juin!

  2. Florence dit :

    J’ai lu avec intérêt votre blogue M. Trottier ainsi que votre commentaire Hélèna. Vous avez tous deux ranimé mon enthousiasme. Les fondateurs de Montréal, de Québec et tous les autres sont définitivement à connaître davantage; un vrai trésor à découvrir…
    Vous avez bien raison M. Trottier. On ne peut pas s’en tenir seulement à nos manuels scolaires d’histoire qui, de réforme en réforme ne font qu’effleurer quelques noms et laissent aux oubliettes un trop grand nombre de nos pionniers qui sont au cœur de nos origines. Il faut faire des recherches. C’est comme une chasse au trésor…et là, vous me donnez le goût de trouver ces écrits palpitants que vous mentionnez Hélèna, d’en retrouver d’autres que j’ai lu jadis naguère lors du 350e anniversaire de la fondation de Montréal ou encore de nouveaux en lien avec le 400e de Québec. Merci à vous deux.
    Vous avez fait mon 24 juin 2011.

  3. Odélie Berger dit :

    En lisant votre blogue De Montréal à Québec: si nous devisions… il m’a pris le goût de deviser…
    Comme vous, je me souviens avec joie de la fondation mystique de Montréal, et, bien qu’il soit en effet très agréable de vivre à Québec, la capitale, je me souviens aussi très bien de la dimension mystique de cette ville comme berceau de l’Église canadienne. Parler de Montréal fondation mystique et de Québec capitale me semble donc les aborder à des niveaux différents.
    L’histoire de Dollard des Ormeaux remplit d’admiration les uns et les autres et mérite bien une fête, personne n’en doute. Là où le bât blesse, c’est ce positionnement fan montréalais qui entend déjà le fan de Québec lui répondre ce …. Pardon vous dites? Vous êtes de Québec et vous n’en avez rien à cirer des héros de Montréal… De quel chauvinisme s’agit-il sinon de celui que contient déjà cette phrase en préjugeant de la réaction des gens de Québec?
    Rassurez-vous, j’ai trouvé sur un site parlant de la fondation de l’Église canadienne à l’occasion du 400e de Québec, et ils n’avaient pas oublié Montréal.
    La bonne entente entre Montréal et Québec, j’aime çà.

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