C’est l’automne, le temps de faire boucherie. Les éleveurs d’animaux, gros ou petits, se bousculent aux abattoirs, qui fonctionneront à plein régime jusqu’à Noël. Je viens tout juste d’achever le débitage d’une vache et d’un veau. Ce fut une excellente vache, bonne mère, qui nous donne maintenant d’excellents hamburgers; et que dire du veau, « très belle bête » d’après le proprio de l’abattoir. Bientôt trois bouvillons, vingt-trois dindes, quatre-vingt-dix-sept poulets, un autre veau et un agneau défileront sur ma table de travail, car, vous le savez, je suis boucher de métier. Bonjour la gymnastique logistique pour entreposer toute cette viande!
Mon frère vient de tuer son chevreuil, qui s’ajoute au cortège.
C’est aussi le temps des récoltes aux champs. Après nous être gavés de tomates, nous voyons arriver maïs, poireaux, oignons, citrouilles, courges variées, pommes et j’en passe. Nos légumes nous submergent, on organise la mise en conserve.
La saison a aussi été excellente côté apiculture. Les abeilles ont rapporté du miel en quantité.
Et là je m’arrête : quelle est cette joie, j’oserais dire cette allégresse, qui m’habite le cœur ? Je crois que je subis l’effet de l’abondance.
Ne sommes-nous pas faits pour l’abondance ? La Bible est tissée d’un bout à l’autre de références à la profusion des oeuvres de Dieu, à l’immensité de sa richesse. Elle parle de promesses de festin, de bénédictions infinies pour Abraham et sa postérité. Un passage que je cite de mémoire dit : « Mangez de bonnes choses, régalez-vous de viandes savoureuses…»
Pas nécessairement facile de jouir de l’abondance sans égoïsme. Nous en oublions vite la source. C’est pourquoi l’Église nous propose la fête de l’Action de grâces, pour rendre à Dieu l’hommage qui lui est dû pour ses dons. Je me demande si notre vie humaine ne pourrait pas être comparée à une période d’apprentissage de l’abondance, de familiarisation, nous permettant de commencer à bénéficier dès maintenant des promesses de Dieu, tel qu’annoncé dans les Évangiles.
André Bessette peut certainement nous y aider. Vous allez me dire : « Mais il ne possédait rien !». En fait il possédait tout, par sa foi. Dieu – souvent par la médiation de Joseph – récompensait sa confiance et son abandon à sa volonté en exauçant ses prières. De là une multitude de guérisons, de là l’érection d’un oratoire colossal.
Ah ! L’abondance… En avez-vous déjà fait l’expérience ?
Patrick Trottier
Quelqu’un pourrrait-il me dire qu’est-ce qui a amené le Frère André à prier St-Joseph particulièrement plutôt que Marie ou un autre saint ou Dieu directement? D’où lui vient cette dévotion à St-Joseph?
Merci à l’avance.
Le frère André a choisi St-Joseph comme modèle car il se reconnaissait en lui. Comme travailleur manuel et homme du peuple. Il ne savait à peine lire et écrire. Les gens venaient le voir pour des guérisons mais surtout parce que les gens trouvaient qu’il leur ressemblait. Ils venaient le voir pour se confier et ils savaient que le frère André les comprendrait.
L’abondance je l’ai et l’abondance ne procure pas nécessairement la joie. Je préfèrerais la joie sans l’abondance à l’abondance sans la joie. Et ne me dites pas que le partage donne la joie. C’est trop facile et de plus c’est faux.
@Re-pause
D’après ce que j’ai pu obtenir comme information, sa mère l’aurait initié à la dévotion à la Sainte Famille. Après le décès de son père, le jeune André, qui avait alors une dizaine d’années, aurait été hébergé avec sa mère chez l’oncle Timothée Nadeau à Saint-Césaire. L’enfant dut un jour se préparer à recevoir sa première communion et suivit des cours de catéchisme donnés par le curé Provençal à la paroisse de Saint-Césaire. Celui-ci était un fervent ami de saint Joseph et lui aurait communiqué sa dévotion à Joseph. On dit que le père d’André Bessette était aussi menuisier. Cela a-t-il influencé le jeune enfant en faveur de Joseph ? Peut-être au début, mais difficile à démontrer. On parle plutôt de son attachement à sa mère. Il disait : « Je n’ai pas beaucoup prié pour ma mère mais je l’ai beaucoup prié ». Son attachement particulier à Joseph vient s’approfondir à la suite d’un cheminement particulier et intime avec le charpentier de Nazareth. À un point tel qu’il passait des heures à converser avec lui. Cette relation privilégiée est au fondement de la réalisation de l’œuvre de l’Oratoire sur le Mont Royal.
@ Nancy
Très bonne nuance et vous avez raison de le mentionner. La manière dont on entend parler du partage actuellement m’agresse aussi. Dénudé de son sens profond, le partage fait fi de nos efforts et culpabilise l’abondance. On peut aussi mettre un voile sur l’abondance qui caractérise la nature des choses créées, dont parle Patrick. Cette abondance n’est pas du même ordre.
Je crois que nous sommes faits et pour l’abondance et pour la joie.
Merci Mme LeRoy de ces précisions.
Soyons nous aussi des témoins de St-Joseph.
@ E Harvey
Joseph est certainement un homme du peuple… d’Israël. Mais est-il approprié d’en parler comme d’un « homme du peuple » au sens où nous l’entendons aujourd’hui, lui qui est « de la descendance et de la maison de David », roi d’israël?
Si l’ascendance princière de Joseph vous intéresse, je vous suggère de visiter ma collègue blogueuse Francine Pelletier qui en traite à quelques reprises sous divers angles.
http://poste-restante.net/articles-de-francine-d-pelletier-canonisation-dandre-bessette/
@ Patrick Trottier
Ah ! l’abondance, j’y goûte chaque jour.
J’en suis très heureuse, mais comment exprimer mon bonheur sans gêne? Il y a quelque chose en moi qui me dit que je n’ai pas le droit d’être rayonnante de bonheur.
Parlant d’apprentissage à l’abondance, j’ai déjà entendu que notre vie était aussi un temps pour se pratiquer au bonheur du ciel. Bonne pratique car c’est souvent plus facile d’être contrarié ou triste que d’être heureux.
Récemment, en cherchant une image du frère André, j’ai été frappée par toutes mes images de saints (es) dont le visage était triste. C’est quoi l’idée? Comment croire au bonheur du ciel en voyant des images pareilles? Les photos dans les revues Star inc. et autres sont beaucoup plus prometteuses de bonheur…
Evelyne
Bonjour Nancy
Une petite méditation à propos de la joie! C’est ce que tu recherches et ce que l’on recherche tous essentiellement! Elle est liée à une conjonction possible pour tous! La première parole du livre de prière de l’Église universelle est une invitation à la joie «Venez, crions de joie pour le Seigneur» Venez… c’est une invitation, venez c’est un chemin à parcourir… un chemin de prière… mon coeur ne crie de joie que lorsqu’il entre dans ce chemin, avec ce livre, avec ces mots nommés « paroles de Dieu» Pourquoi ? C’est la conjonction de notre coeur avec le Vivant au plus profond de nous-même, avec Celui qui est Joie. Ces mots sont introduits par un refrain préalable «Seigneur ouvre mes lèvres et ma bouche publiera ta louange.» La louange est un cri de joie. Quand j’ouvre ce livre de prière, je me place en état de recevoir ce qu’il veut me transmettre du mystère qu’il révèle, mon coeur se tourne vers le Seigneur. Dans cette conjonction avec Lui et avec tous mes frères et soeurs du monde, je découvre ma propre identité profonde, il en est de même pour mes frères et soeurs, pour toi. Et, dans cette conjecture de conjonctions, (même si la parole de vie se présente à travers de nombreux manuscrits) un mot entendu avec le coeur suffit pour guérir de toute désolation. Chaque jour « lui donner la parole en notre coeur», elle peut produire des fruits du 30 pour 1 , 50 pour 1 , 100 pour 1. Voilà pourquoi ces paroles dites vivantes et appelées «révélation» sont si importantes, toujours conservées et transmises dans l’Église. «Je vous ai dit cela pour que votre joie soit complète» dit Jésus. Ce blogue nous invite à entrer dans la conjonction de Marie et Joseph révélant le règne de Jésus . Joseph est un excellent éducateur pour la prière faisant découvrir tout à la fois joie et abondance. Odélie Berger
@ Nancy
De quelle façon perçoit-on et utilise-t-on l’abondance?
Si on ne fait que consommer, c’est perdu. Mais si on goûte vraiment ce qui nous est donné, être heureux de ce qu’on a et que cela embellit notre personne ou notre quotidien, donc normalement suscitant une certaine joie qui va rayonner, pourquoi pas?
Voir que ce que l’on a est beau et bon (je l’espère) procure déjà une joie je crois. On peut devenir facilement « blasé » de l’abondance lorsqu’on ne voit même plus la beauté des choses.
On peut toujours voir les choses de deux façons, et c’est là qu’on goûte le fruit: une tristesse ou une joie.
D’ailleurs, dans ce blogue de M. Trottier, il mentionne que l’abondance peut-être une corvée « Bonjour la gymnastique logistique pour entreposer toute cette viande! ». Cela m’a fait sourire car cette simple remarque peut-être tout à fait une réalité durement vécue par ceux qui vont avoir la charge de tout ranger, au point même de leur faire perdre la joie d’avoir et de bénéficier de toute cette belle viande. Être capable de goûter à l’abondance comme fruit de notre bon travail ou dans un esprit que cela nous est offert pour un mieux, être en même temps capable de tout offrir ou de tout perdre et avoir encore la joie… pas évident. Mais je pense que cela s’apprend au quotidien. Recevoir est parfois plus difficile que donner. Il faut accepter les deux avec autant de joie. Se pratiquer à dire réellement « Merci », c’est un exercice quotidien mais cela fait tellement de bien !
@ Evelyne
Bon point: je trouve aussi qu’il est plus facile de donner libre cours à sa tristesse que de pratiquer la joie.
C’est vrai que dans un environnement où il y a peu de joie,
exprimer son bonheur détonne, peut devenir gênant. Mais si les sourires de papier de Star Inc. semblent prometteurs, pourquoi vos propres sourires ne seraient-ils pas encourageants pour votre entourage?
@ Patrick Trottier
Depuis le cri de Nancy le 16 octobre dernier sur ce blogue je réfléchis et guette les réponses qu’on pourra lui apporter. Et il y a cette parole dite par Marie à Bernadette Soubirous lors d’une apparition à Lourdes, c’est quelque chose comme : « je ne te promets pas le bonheur dans cette vie, mais dans l’autre ». Est-ce une parole pour une seule personne (Bernadette)? pour une époque donnée? L’espérance « d’aller au ciel » a permis à bien des gens de « tenir bon ». Sans aucun doute nous sommes faits pour la joie et l’abondance mais il semble que ce ne soit pas nécessairement dans cette vie. C’est peut-être le cas de biens des gens car des « Nancy » il y en a légion. Quelle est votre opinion à ce sujet?
@ Colombe LeRoy
Le 16 octobre vous dites : « On peut aussi mettre un voile sur l’abondance qui caractérise la nature des choses créées, dont parle Patrick. Cette abondance n’est pas du même ordre. » Je ne comprends pas très bien ce que vous voulez dire; Patrick énumère ce qu’on peut considérer comme « richesses ». Alors de quelle abondance parlez-vous?
Depuis que j’ai lu le livre de Franz Werfel, Le Chant de Bernadette, j’ai changé mon opinion sur cette fameuse phrase citée par Gaby: « je ne te promets pas le bonheur dans cette vie, mais dans l’autre ».
Il m’est apparu, à cette lecture, que Bernadette ÉTAIT heureuse. Connaissait-elle le bonheur ultime? Certainement pas. Peut-on connaître la joie ici-bas? Certainement.
Le « cri de Nancy » est effectivement le cri de nous tous. À un moment ou l’autre dans la vie je crois. La vie n’est pas facile. Moi aussi j’ai connu dans ma vie des périodes sans joie et il m’arrive encore d’en manquer. Pour la retrouver j’ai dû recentrer mon sytème de valeur, de façon active, selon les préceptes de l’évangile.
La joie ne vient pas de la richesse et celle-ci peut nuire à celle-là. Mais l’abondance n’est pas nécéssairement richesse mais sentiment de plénitude. La joie vient avec le sentiment de plénitude qui est relative dans notre pélerinage terrestre et devient définitive au Royaume. La plénitude vient de Dieu.
Je me permet de conclure que l’outil principal de ma reconquête de la joie s’avère être la prière. J’oserais même dire la prière constante. Ma prière aussi est un cri. Nancy, tu peux crier, Dieu t’entendra!
@Gaby
Décidément, vous avez le tour de me faire élaborer sur mes petites phrases… C’est bien ! À la relecture, je comprends vos interrogations. Pour moi, mettre un voile sur l’abondance signifie considérer les richesses comme n’étant pas bonnes en soi, avoir en quelque sorte un parti-pris pour la misère ou plutôt un parti-pris CONTRE la richesse. J’aime bien le commentaire de Claude qui dit : « Être capable de goûter à l’abondance comme fruit de notre bon travail ou dans un esprit que cela nous est offert pour un mieux, être en même temps capable de tout offrir ou de tout perdre et avoir encore la joie… pas évident ». Je vois moi aussi qu’il faut se détacher de nos richesses mais elles ne sont pas mauvaises en soi. Elles sont mauvaises lorsqu’elles nous centrent sur nous-mêmes ou lorsqu’elles sont acquises par la fraude ou par injustice. Mais si elles nous ouvrent aux autres et à Dieu, elles deviennent même nécessaires.
L’abondance dont parle Patrick me semble être de cet ordre.
@Colombe LeRoy
L’abondance qui caractérise la nature des choses créées, comme je la vois, n’a pas tellement rapport au tiraillement entre nantis et démunis, ou le partage des richesses. En tout cas, elle ne se réduit pas au cadre d’une redistribution qui, la plupart du temps, se résume au calcul des biens en fonction d’un partage équitable. Je ne dis pas que cette quête est vaine, notre générosité est sollicitée dans l’évangile : j’avais faim, j’avais soif, j’étais nu… Cela étant dit, on n’a pas tout dit sur l’abondance. Il y a une abondance dans la nature, dans l’univers. Et elle est gratuite. L’une des caractéristiques de la nature créée est justement cette abondance de «fruits» de toutes sortes.
Dans un de ses commentaires sur le blogue de Christian Tessier (la question de la pauvreté), Louise mentionnait qu’ayant participé à un Sommet du millénaire, elle avait vu plus de joie dans les yeux des gens affamés d’Éthiopie «qui riaient et dont les yeux brillaient» que dans les yeux des participants à ce Sommet. Au contraire de ce que l’on pourrait penser, l’abondance de la nature créée ou encore sa bonté sont accessibles à tous, riches et pauvres. Elles sont accessibles à ceux qui ont les yeux pour voir.
Je pense à Francesco d’Assisi qui a «épousé» Dame Pauvreté. Celle-ci lui a dévoilé l’abondance, la beauté, la plénitude, la bonté de toutes les choses créées, À travers les richesses énumérées par Patrick et l’allégresse qu’il en ressent, j’entends les intonations d’une joie franciscaine chantant la richesse de notre sœur la terre et la bonté de celui qui a tout créé, le visible et même l’invisible. Une abondance incalculable, inépuisable, renouvelable.
D’où peut-être les «débordements» de joie et d’amour du Poverello envers Dieu, les autres et toute la création.
@ Véronica Celli
Vos précisions sur l’abondance nous aident à bien distinguer les richesses acquises par l’argent des biens que nous possédons. Mais nous avons besoin de ces biens que vous semblez même mettre de côté en vous servant de l’exemple du Poverello d’Assise. Je n’ai aucun doute qu’il avait la joie. En ce qui le concerne, Dieu l’a appelé à vivre une pauvreté extrême pour contrebalancer l’abus des richesses par l’Église du temps. À cette période de l’histoire, nous avions besoin d’un modèle de pauvreté pour relever l’Église qui était très riche et puissante spirituellement et matériellement. Mais pour notre temps, considérez-vous que nous devrions vivre une telle pauvreté pour en arriver à apprécier l’abondance offerte dans la nature et les des choses créées ? Il me semble que votre exemple est un peu gênant pour aujourd’hui.