Qu’est-ce qui caractérise l’abuseur, qu’il soit politique ou clérical, puisqu’il semblerait que nous, le peuple, soyons les éternels abusés ?
Le philosophe de la politique Julien Freund (1921-1993) a analysé dans L’Essence du politique (1965) trois conjonctions liées au politique : le rapport obéissance et commandement, ami et ennemi, public et privé. Penseur controversé, dit-on. En tout cas, il était sûrement hors normes puisque certains l’ont décrit comme un « libéral-conservateur-insatisfait ». Si un tel parti existait au Canada, peut-être réussirions-nous à avoir un gouvernement majoritaire…
À la recherche de ce qui définit le politique, Freund soutient que la force est le moyen spécifique de l’économie générale du politique. Cette force inhérente à l’exercice du pouvoir assure le respect des lois. Elle est canalisée à l’intérieur du droit qui circonscrit le lieu où elle peut s’appliquer. L’abus de pouvoir peut donc être compris comme l’application de la force en dehors du droit : une force qui outrepasse sa juridiction, son territoire, ses limites, en somme.
L’autorité est d’ordre moral avant tout. Une personne n’a pas besoin d’être investie des pouvoirs politiques ou cléricaux pour avoir de l’autorité et une personne investie de ces pouvoirs peut être dénuée d’autorité morale. D’ailleurs, quand un parti politique part en quête d’un « chef » ou lorsque l’Église doit nommer un évêque, c’est une personne jouissant de ce type d’autorité qu’ils recherchent de préférence. L’abus d’autorité consiste à se prévaloir de cette autorité pour imposer ses vues ou s’interposer dans un domaine qui relève d’une autre instance.
Quelqu’un a dit : « Le pouvoir corrompt ». C’était sans doute un pessimiste-réaliste lui-même insatisfait.
Francine D. Pelletier
Demain : « Abuseurs et abusés (3) »