« À la fin des années 1970, lorsque j’ai commencé à rédiger la biographie du frère André, je naviguais à contre-courant. Le Québec tout entier faisait table rase de son passé religieux, balançant par-dessus bord ses vendredis maigres et ses médailles. ».
http://www.lactualite.com/societe/frere-andre-la-fabrication-dun-saint.
La fameuse « table rase » est une expression qui nous reporte à René Descartes (1596-1650). Grosso modo, ce philosophe français avait décidé que, puisqu’il avait admis dans sa « créance » toutes sortes d’idées fausses ou simplement non fondées, il devait repartir à zéro pour n’admettre que les choses « certaines », c’est-à-dire des idées claires et distinctes comme des certitudes mathématiques. Il a donc tout réinventé, même Dieu, à partir de sa certitude de base : « Je pense donc je suis ».
La méthode de la table rase a de sérieux défauts, selon moi. D’abord, elle opère une rupture « forcée » avec le passé, qu’elle juge défavorablement, et qui est pourtant le produit d’une multitude de perspectives, pourrait-on dire. De plus, celui qui fait table rase ne peut en rester là. Il doit mettre quelque chose sur cette table et ce quelque chose est le reflet d’une perspective dominante, d’un parti pris en somme.
La table rase qui a présidé à la Révolution tranquille chez nous n’est pas le fait du « Québec tout entier », comme le soutient Micheline Lachance. Mais le parti pris qui lui était sous-jacent, ayant en quelque sorte pris le pouvoir, a pu s’imposer au Québec.
Cette conjoncture pose un problème en ce qui concerne l’histoire. Madame Lachance le montre bien lorsqu’elle nous dit qu’en écrivant la biographie d’André Bessette, elle allait à « contre-courant ». Pour aller avec le courant de la Révolution tranquille, les nouveaux biographes d’André Bessette ont-ils été forcés de le réinventer pour obtenir un imprimatur de l’idéologie ?
Mais l’histoire qui réinvente le passé, est-ce encore de l’histoire?
Francine D. Pelletier
Demain : « L’histoire et les petits boutons »