À l’entrée de l’église de Ste-Marthe à Tarascon, nous sommes accueillis par cette citation de François de Sales, grand amant de Marthe:
Laissons couler le temps avec lequel nous nous écoulons petit à petit pour être transformés en la gloire des enfants de Dieu.
On peut dire que c’est une sorte de devise que le saint portait au plus profond de son âme.
Ah, ce temps qui s’éternise au long des arrachements, des ruptures et des vides de notre vie, c’est le Temps perdu de Marcel Proust. Faut-il le chercher dans l’entrelacement sans fin de rapports humains, jamais réalisés, sinon par le désir, la jalousie et la domination? Pourquoi le grand auteur français le fait-il, ce temps, remonter jusqu’à Sodome et Gomorrhe? Quand et où pourrons-nous le retrouver ce temps qui nous échappe, qui coule entre nos doigts comme le sable du sablier?
Mais ce temps long nous presse aussi dans notre vie courte. Nous apercevons bien vite la fin qui se pointe, en perspective, dans la fuite du temps.
Le temps a-t-il un sens, une direction?
Le temps coule et s’écoule. Pour François de Sales, ce temps dans lequel nous nous écoulons aussi, c’est la terre de l’exil. Nous sommes en exil ici-bas et, si le temps est perdu, il ne faut pas le perdre. Comptant le temps, il s’adresse ainsi à Jeanne Françoise, baronne de Chantal:
Elles s’en vont, ces années, et courent à la file imperceptiblement les unes après les autres; et, en dévidant leur durée, elles dévident notre vie mortelle; et, ce finissant, elles finissent nos jours. O que l’éternité est incomparablement plus aimable, puisque sa durée est sans fin, et que ses jours sont sans nuit, et ses contentements invariables!
Employons donc ces moments périssables à nous exercer en la douceur et humilité que l’Enfant Jésus nous vient apprendre.
Je vous souhaite donc que cette année soit suivie de plusieurs autres, et que toutes soient employées utilement pour la conquête de l’éternité.
J’espère que nous serons inviolablement fidèles à ce Sauveur, et que les années suivantes nous seront fertiles en biens spirituels ; car nous ménagerons si bien nos ans, nos mois, nos semaines, nos jours, nos heures, nos moments, que le tout, s’employant selon l’amour de Dieu, nous sera profitable à la vie éternelle pour régner avec les saints.
Le temps coule et s’écoule. Comment pouvons-nous le retrouver? En en changeant le cours? Et si le temps n’était pas qu’une rivière entraînée par la gravité? Peut-être est-il aussi la montée de l’âme, allégée du poids d’elle-même, vers les sommets? Vers la montagne de Sion? La pointe de l’espace? Ou bien encore, après la chaîne de nos ans, nos mois, nos semaines, nos jours, nos heures, nos moments, peut-être nous retrouvons-nous au centre, au coeur? Le pur instant éternel déjà là dans nos vies? Or, le coeur c’est l’amour, et c’est justement par celui-ci que le Temps est retrouvé.
François avait-t-il conscience du fait que la perte du temps accompagne la perte d’un espace? Cet espace, c’est l’Éden, le jardin des délices. Par la faute de la Faute, nous nous retrouvons hors du jardin et de son temps, nous avons perdu l’espace des délices et le temps des contentements.
Si l’éternité est en quelque sorte le Temps retrouvé, c’est que nous ne sommes pas, ici et en ce moment, dans un exil mais dans un Pèlerinage, une marche dans un espace. Notre vie entière est un pèlerinage où nous visitons des lieux de Présence où le Temps se retrouve à même le temps. En ces moments, les vicissitudes se transforment en grâces, dès ici-bas.
Il ne faut pas chercher ailleurs, car ce que nous avons perdu avant tout, avant même le Temps, c’est l’Ami. La perte du Temps, c’est la perte d’une amitié, l’Amitié de Dieu. Pour retrouver le Temps, il faut retrouver l’Ami. Et Il se trouve ici et maintenant, car Il a fait de ce monde sa demeure, à tout jamais.
Merci beaucoup M. Rufiange.
Je trouve très beau votre texte teinté de poésie qui me fait réfléchir sur notre pèlerinage ici-bas et l’Amitié de Dieu à cultiver dans notre quotidien.
¨Pèlerins du temps¨ me touche particulièrement.
Pourquoi désirer l’éternité si nous sommes incapable d’apprécier le moment présent?
Alors, pourquoi ne pas demander la grâce d’apprécier le moment présent, pour être capable ensuite de vivre l’éternité?
M. Rufiange
Depuis quelques mois, je réfléchis sur le temps. Le temps qui varie d’une heure à l’autre, le temps qui passe vite, le temps que je vois lentement s’écouler, le temps que j’ai pour faire telle et telle chose, le temps de prier, le temps de me reposer, le temps partagé avec mon prochain, le temps passé au travail. Le soir je réfléchis au temps qui s’est écoulé et je ne peux que remercier cet « Ami » comme vous dites, qui m’accompagne dans le temps. Depuis que je fais cette réflexion mes journées sont de plus en plus belles. Non pas qu’il n’y a plus de problème, ou que la vie en général a changé, je crois que c’est ma vie qui a changé, car maintenant j’aime le temps présent .
Pour moi votre texte arrive à point. Cela a éclairé la réflexion que je faisais ces derniers mois.
J’avance en âge et comme certainement toutes les personnes qui ont mon âge je me demande aurai-je encore du temps? Mais lorsque je me mets à réfléchir sur le temps qu’Il me reste sans savoir combien il m’en reste, je me sens de plus en plus attiré vers ce temps éternel!
Merci de nous partager vos réflexions.
« Apprendre à vivre dans le temps de Dieu, c’est sans doute là le secret de la Sagesse » sont des mots prêtés à saint François d’Assise, et c’est la première citation qui m’est venu à l’esprit en lisant votre capsule. La Sagesse, c’est goûter Dieu, l’Ami, le voir, l’entendre, le sentir, le saisir tout près de nous à chaque instant de son Temps pour transfigurer notre temps. Je suis du genre à vouloir sauter des étapes et donc mon esprit est souvent porté ailleurs que sur le temps présent. Votre texte me ramène à l’essence de ma vie, de la beauté et de la simplicité de la relation à Dieu qui doit se bâtir de tout instant et qui doit sûrement procurer une paix profonde, comme le dit sainte Claire à la suite de sa conversation avec François « … et la source d’une très grande paix! »
Merci M. Rufiange
Bonjour Jean-Marc Je peux te dire que ton article m’a fait réfléchir eh! bien sur m’a interpellée. Il y a quelqun qui me disait habiter un univers tellement pressé, on a mille et une choses à faire ca presse et il faut absolument aller ici ou là c’est comme si dans l’instant d’après on allait mourir… D’un autre coté j’ai lue q’une thérapie bienfaisante c’était de bien vivre le moment présen tet , dans cela on allait découvrir des merveilles. Concevant Dieu auteur de toutes ses merveilles il est tout naturel q’on veuille communiqueravec lui et contempler ce qu’il nous réserve. Le connaissant mieux on ne peut que l’aimer puisqu’Il sait nous ravir. Rayonnant son amour c’est une justice de répandre toute sa bienveillance qu’il nous prodigue si généreusement. Je crois que le prier sans cesse de l’évangile c’est notre présence constanteà la beauté à la justice et à la volonté de notre Créateur. J’ai le verbe facile ce soir, j’ajouterais que quand Pierre dit ( À qui irions nous Seigneur tu as les paroles de la vie éternelle) je pense que cette vie éternelle commence maintenant et s’éternise si notre coeur est à l’écoute de l’Ami en question. Bien des mercis pour nous parler simplement sur notre pélérinage. Anne-Pierre