Je me prépare à partir en pèlerinage. Non, ce n’est pas à Saint-Jacques de Compostelle! Peut-être un jour, bien que mes genoux ne me le permettent guère. C’est en France et en Italie. J’aurai entre autres l’occasion de passer une semaine à Paris, et à Paris, je sais qu’il y a… le cœur de M. Olier.
Il faut savoir que M. Olier est un personnage important dans la fondation de Montréal. Il menait une vie de «jeune clerc mondain» jusqu’à ce qu’une mystique parisienne l’interpelle fortement à changer de vie. Il tombe malade et devenu presqu’aveugle, il se rend en pèlerinage en Italie, au sanctuaire de Lorette. Il en sort guéri et complètement transformé de l’intérieur. De retour à Paris, il refuse désormais toute promotion ecclésiastique et participe plutôt aux œuvres de M. de Paul (Vincent de Paul). Comme il s’intéresse aux missions canadiennes, il rencontre M. de la Dauversière et travaille avec lui à la fondation de Montréal. C’est dans ce cadre qu’il a rencontré et fort apprécié Jeanne Mance.
Connaissant assez bien la vie de Jeanne Mance, je me suis souvenue de cette chute qu’elle a faite sur la glace à Ville-Marie durant l’hiver. Elle s’est fracturé les deux os de l’avant-bras droit. Celui-ci ne guérissait pas, et il était si douloureux qu’elle ne pouvait même pas s’habiller elle-même. L’été suivant, aucune amélioration. Elle reste paralysée toute une année, sans pouvoir elle-même soigner qui que ce soit.
Fort mal en point, elle se propose tout de même de traverser en France pour recruter des fonds pour la colonie. Tous ceux qu’elle rencontre à Paris veulent la faire examiner par les meilleurs médecins. Ceux-ci concluent que son bras, desséché et livide est mort, et qu’il n’y a plus rien à faire. Avant de repartir pour le Canada, elle veut cependant rendre visite à M. Olier, dont elle avait appris le décès en arrivant à Paris.
«J’avais désiré voir le cercueil de feu M. Olier, […] Comme je fus sur le point d’entrer dans la chapelle où reposait son corps, la pensée me vint de demander à Dieu par les mérites de son serviteur qu’il lui plût de me donner un peu de force et quelque soulagement à mon bras […] pour que je m’en puisse aider et servir notre hôpital de Montréal […] Comme j’entrai dedans la chapelle, il me prit un grand saisissement de joie si extraordinaire que de ma vie je ne sentis de semblable […] Je sentis au même temps une chaleur extraordinaire s’épandre par tout mon bras jusqu’au bout des doigts et l’usage de ma main me fut rendu dès ce moment, quoique ma main soit toujours disloquée, ce qui est encore plus admirable et que je m’en serve sans douleur.» (Françoise Deroy-Pineau, Jeanne Mance, p. 99)
C’est elle-même qui écrit, de son bras guéri, le témoignage qui précède. Son voyage d’affaires s’est transformé en pèlerinage.
On revient toujours changé quand on participe à un pèlerinage. Cette transformation peut prendre diverses formes, mais c’est toujours marquant.
J’ai tenté de retrouver l’endroit où le cœur de M. Olier est conservé dans l’intention de m’y rendre. Il est chez les sulpiciens à Paris. Les responsables m’ont fort aimablement répondu, mais, malheureusement, il sera impossible d’y avoir accès durant la semaine où j’y serai. Par contre, nous pourrons aller prier à la chapelle des sulpiciens, où se trouve un tableau, commandé par M. Olier à un peintre de son époque. Nous y aurons certainement une petite pensée pour Montréal!
Alors, à bientôt!
Josée Lacoursière