Je me souviens, il y a de ça pas très longtemps, d’une jeune employée nouvellement arrivée dans l’entreprise. Une femme active, pleine de projets et d’entregent. Avec une assurance assez commune à cet âge, elle avait entrepris une campagne de sensibilisation axée sur la sauvegarde de nos forêts. Malgré le fait qu’elle n’était pas embauchée dans un département environnemental, elle avait réussi, grâce à son leadership et son sens des relations, à imposer aux autres employés de la succursale l’impression recto-verso sur TOUTES les imprimantes, et ce, en dedans de quelques mois.
Ces impressions demandaient beaucoup plus de temps lorsque nous arrivions à la reliure. Nous devions faire attention aux pages à remplacer suite à des corrections de dernière minute. L’impression recto-verso avait aussi le désavantage de faire gondoler les feuilles à cause de l’humidité. Et si ces feuilles avaient le malheur de sortir de l’imprimante sans surveillance, on pouvait les retrouver par terre, ou tout simplement dans la poubelle, mises là par quelque employé un peu moins écolo qui était en situation d’urgence.
L’impression recto-verso demandait aussi beaucoup plus d’attention lorsque nous devions faire commencer chaque chapitre sur une page impaire, laquelle devait toujours se retrouver au recto. Il fallait donc compter les feuilles, ne pas en oublier une seule et ajouter une feuille blanche au besoin. Enfin, l’imprimante pouvait bloquer plus facilement, et, s’il y avait eu erreur, soit de calcul soit d’impression, on devait recommencer, jeter les mauvaises copies dans la poubelle.
Et voilà! Nous étions devenus du même coup des Apôtres du recyclage. En voulez-vous des feuilles dans le bac à recyclage? Utilisez l’impression recto-verso!
Je me souviens d’un autre effet collatéral du zèle environnementaliste de cette employée. Je me revois encore, la surveillant du coin de l’œil lorsque je faisais quelques impressions pour lesquelles je disposais d’un court délai. Pressée, je prenais soin de regarder au-dessus du paravent pour voir si elle était assise à son bureau ou s’il était dangereux qu’elle passe dans mon coin… Cela suffisait pour les impressions noir et blanc, mais les impressions couleur, elles, étaient encore plus loin de mon bureau. Un autre corridor à franchir! Si j’avais le malheur d’imprimer recto «seulement», pour les besoins de ma cause, alors là, j’évaluais soigneusement le moment propice, calculant la distance à parcourir et le temps nécessaire à l’impression, afin de ne pas être prise en flagrant délit.
Cette jeune employée m’était sympathique cependant car elle s’appliquait la même rigueur, rallongeant de quelques heures parfois son temps au travail pour arriver au but fixé. Elle avait ainsi conquis la sympathie de plusieurs d’ailleurs…
Comme vous pouvez le constater, je n’ai pas le même engouement pour un engagement écologique de ce type. J’ai pourtant grandi dans un royaume écologique, c’est-à-dire sur une ferme. Le bonheur total. J’ai profité de cet équilibre naturel: champs, forêt et ruisseau à proximité, vaches, poules, cochons… Je me souviens de la grosse truie qui se vautrait dans la boue et qui mangeait toutes les pelures de nos légumes. La truie, elle, finissait par devenir notre nourriture en bout de cycle écologique. Nous avions pratiquement tout ce qu’il nous fallait pour notre subsistance: fruits et légumes du jardin complétaient les protéines animales. Surtout la ferme faisait travailler les enfants. Ma mère disait : «Tant et aussi longtemps que les enfants sont à la maison, il est mieux de les occuper sur la ferme».
Voilà! Que diriez-vous si l’on terminait ce blogue en disant: «L’écologie est faite pour l’Homme et non l’homme pour l’Écologie»?
L’écologisme serait-il devenu une autre religion à la carte?
Colombe LeRoy
Bonjour Colombe,
C’est comme si on avait inventé le recyclage en mettant le mot à la mode. Pourtant, je me souviens que, à la maison rien n’était jeté qui pouvait servir. Les vêtements passaient de l’un à l’autre et poursuivaient leur service comme chiffons. Quand il n’y avait plus rien à en tirer, c’est en tapis tressés que leurs jours se terminaient. Et pour ne parler que du tissus car que ce soit nourriture, jouets, appareils, papiers, cartons tout trouvait occasion de servir encore et encore. Il ne faut pas croire que nous étions dans la misère et nous n’étions certainement pas la seule famille à agir ainsi : c’était une façon de vivre. Il me semble que c’est faire du recyclage tout cela.
Oui, l’écologisme est devenue une religion et le recyclage permet de nous donner bonne conscience devant la consommation effrenée dont nous sommes des victimes consentantes.
J’ai récemment visionné un documentaire « Planet Earth » où l’on peut voir l’extraordinaire beauté et diversité des écosystème de notre planète.
Un élément de ce reportage m’est resté longtemps en mémoire. Il s’agit de petits insectes tout d’abord formés à l’état de larve dans l’eau, en plein milieu de l’océan. Ces petits insectes, ressemblant à des maringouins, continuent leur évolution et émergent à la surface de l’eau. Ils sont des millions à prendre leur envol en même temps, créant un immense nuage longitudinale, une vrai vision de tornade. Puis, ils s’accouplent, meurent et retombent dans l’océan avec le germe de semence future pour d’autres petits maringouins. Tout cela en l’espace de 24 heures!
Ne trouvez-vous pas cela complètement anti-écologique?
Non, mais tout de même, une vie si courte, si futile…pourquoi?
Ces écosystèmes que nous cherchons à préserver, intacts, durables, vers une pérennité infinie…auraient-ils en eux-mêmes un instinct de mort?
Et si l’élan interne à tout notre environnement, à cette vie qui nous habite et nous entoure avait une visée dynamique, cherchant sans cesse à porter un fruit, plutôt qu’à se préserver de façon statique et immuable…
Une bonne gestion des ressource devrait alors veiller à ce que chaque chose donne son fruit.
@Gaby
C’est très juste ce que vous dites. Je me souviens moi aussi de ma mère qui faisait aussi des tapis tressés avec de vieux bouts de tissus. Par rapport à la consommation effrénée, cela me fait penser aussi qu’il y a quelques années, un concierge m’avait confié avoir trouvé des objets de tellement de valeur dans les poubelles qu’il réussissait lui-même à faire de bonnes économies en les ramassant. Je me souviens aussi d’un autre homme jadis rencontré qui était vendeur de balayeuses; il ramassait les vieilles balayeuses pour les réparer et les revendre à bon prix. Ces deux petits commerces étaient très lucratifs d’après lui. Ce qui veut dire ici que gagner des sous ne vient pas nécessairement à l’encontre d’une bonne gérance de son environnement.