Pendant que le pèlerin mijote son pèlerinage dans sa tête, qu’il marine dans une certaine appréhension peut-être, la personne qu’il s’apprête à visiter se prépare à l’accueillir. Vous riez? Naïf le Trottier? Eh quoi! Quand vous voulez rendre visite à vos parents la fin de semaine qui s’en vient, que faites-vous? Vous prenez le téléphone et leur annoncez votre visite. Et quand vous avez raccroché, eux, que font-ils? Ils font le ménage, préparent les divertissements pour les enfants, cuisinent vos mets préférés… De son Cap-de-la-Madeleine, de sa côte de Beaupré ou de son Mont-Royal, Marie, Anne ou Joseph nous voient toujours venir.
«Mais s’ils nous voient partout où nous sommes, qu’est-il besoin de se déplacer? Autant les prier chez soi!», me direz-vous. Il est ici question de géographie mystique. Certains lieux sont appelés à servir de points de rendez-vous privilégiés entre le ciel et la terre, entre Dieu et l’Homme. Je dis privilégiés, car il est vrai que nous pouvons rencontrer Dieu partout. Mais il existe ce que j’appellerais des tribunes de choix pour adresser nos vœux et doléances. Ces tribunes sont souvent désignées par le ciel lui-même : Lourdes, Fatima ou le sanctuaire de Notre-Dame-de-Guadeloupe au Mexique, visitées par Marie; Jérusalem, visitée par Jésus; même l’Oratoire Saint-Joseph: saint André Bessette n’a-t-il pas eu à quelques reprises un signe lui faisant comprendre la volonté de Dieu, à savoir une statue de Joseph qui se tournait pour regarder en direction du Mont-Royal sans que personne n’y ait touché ? Ou encore elles sont désignées par le témoignage fort de martyrs ou autres saints: l’apôtre Pierre à Rome, Thérèse à Lisieux, etc.
Discutable ou non, la mystique des fondations trouve un argument concret dans l’assiduité et l’affluence de la fréquentation de ses lieux. Si tant de gens les visitent, c’est qu’ils les savent habités, imprégnés de la présence de Dieu qui a maintes fois confirmé le choix de ces lieux par des prières exaucées et même des phénomènes inexplicables scientifiquement (des miracles si vous préférez).
Et ce n’est pas tout! Les pèlerins, quelle que soit leur motivation initiale, peuvent découvrir dans les sanctuaires la présence de celui qui les attend toujours à la maison, celui que Jésus nous a appris à appeler «Abba», c’est-à-dire «Papa». En prenant la route, le pèlerin qui a momentanément délaissé son domicile revient donc en réalité chez lui, dans l’intimité de son véritable foyer.
Cet apparent inversement des domiciles ne serait-il pas simplement un rétablissement de l’ordre des choses?
Patrick Trottier