Dans l’un de mes blogues qui traitent de la ligne du temps d’André Bessette, je note :
André Bessette (1845-1937) est donc né au moment où Karl Marx et Friedrich Engels ont commencé à formuler l’idéologie du communisme athée et il est mort quelques mois seulement avant que Joseph ne soit proclamé patron de tous ceux qui luttent contre cette idéologie. (« Question de vie et de mort », 18 septembre).
Joseph a été nommé par Pie XI « patron de la Russie » en 1930 et « patron de ceux qui luttent contre le communisme » en 1937. En 1955, Pie XII instituait la fête de « Joseph Artisan » et la fixait au 1er mai. Ce jour n’a pas été choisi au hasard. En 1889, une « Journée internationale des travailleurs » avait été instituée et fixée au 1er mai de chaque année par l’Internationale socialiste (une organisation à laquelle Marx et Engels ont collaboré).
En choisissant le 1er mai, l’Église voulait présenter Joseph comme celui qui pouvait donner le sens véritable du travail. D’ailleurs, l’utilisation du mot « artisan » réfère à la qualité du travail humain dans l’ordre de la création, alors que l’idéologie socialiste met les « ouvriers » ou « travailleurs » dans un rapport de forces avec les « patrons », faisant du monde du travail l’objet d’une lutte de classes. La fête de Joseph Artisan s’adresse en fait à tous, sans distinctions, en les invitant à accomplir leur tâche humaine justement.
C’est cette fête hautement contemporaine, je dirais, qui a été rétrogradée au rang de « mémoire », dans le nouveau calendrier liturgique de 1962, et laissée à l’usage « facultatif » des prêtres (« la mémoire facultative » est une fête de saint de quatrième classe). Pourquoi ?
Depuis les révolutions issues du siècle des Lumières, il y a toujours eu un courant dans l’Église favorable aux idées « sociales », associées aux idées dites « modernistes ». Pie IX y a résisté avec fermeté (on dira, à cause de cela, qu’il était « très conservateur »). Le pape suivant, Léon XIII aurait été plus conciliant avec la République (on le dira « plus libéral », à cause de cela). Après Pie XII, le courant sympathique à l’idée d’un socialisme chrétien aurait-il acquis une influence lui permettant de donner à l’Église cette tangente ?
Cela pourrait même expliquer, dans l’Église, la popularité du concept de solidarité issu du mouvement syndical, l’émergence d’une théologie de la libération sociopolitique et, pourquoi pas, le retrait en pratique de la fête de « Joseph Artisan », le 1er mai.
Un indice ?
Les évêques catholiques émettent souvent un message à l’occasion du 1er mai: pour approfondir notre rapport à Joseph Artisan ou pour célébrer la Journée internationale des travailleurs ?
Francine D. Pelletier
Demain : « Joseph et une Église ouverte »