Heureusement, toutes les abeilles de la ruche ne piquent pas, et j’ai nommé les faux-bourdons (abeilles mâles) et la reine. Certains diront : « Pas étonnant, on ne verrait pas une reine aller au front, elle en envoie d’autres se faire tuer à sa place ». Je vois la question d’un autre oeil.
Comme je disais la semaine dernière, il y a bien des façons de donner sa vie, et l’abeille reine le fait d’une manière qui lui est propre. Elle est la seule abeille de la ruche à pondre, elle engendre toute progéniture et, de ce fait, s’impose comme la mère de toute la colonie. Elle pond des centaines d’oeufs par jour, parfois même des milliers. De sa bonne santé dépend la survie de la ruche entière. Une reine peut être mauvaise, la ruche alors piétine, manque de dynamisme, se développe peu et produit peu. Mais cette situation demeure préférable à l’absence de reine, qui serait fatale.
Il existe un échange harmonieux entre les membres de la ruche. Aucun ne peut se suffire à lui-même. Seule, la reine ne peut survivre, l’aide d’autres abeilles lui est absolument nécessaire pour subvenir à ses besoins. Ceci est tellement vrai que lorsque j’achète une reine d’un autre apiculteur, elle m’arrive dans une cagette, escortée de trois ou quatre ouvrières. Pareillement, le reste de la colonie est voué à disparaître si aucune reine n’assure la régénération. Le bon sens commande à la multitude des abeilles ouvrières de protéger, de défendre leur reine, à qui revient la tâche peu reposante de préserver l’unité de la ruche.
En observant un peu, vous remarquerez que le principe d’unité se rattache à toute personne en autorité : la directrice d’école qui assure la cohésion de son établissement; le chef d’entreprise qui, en définissant les orientations, canalise les énergies de ses employés; une mairesse qui veille à la prospérité de sa municipalité, etc. Si nous voyons bien les avantages dont bénéficient les personnes en autorité, nous voyons moins la lourdeur de leurs responsabilités.
Mon métier d’apiculteur me fait donc réfléchir sur la question des rapports entre ceux qui sont gouvernés et les gouvernants. Qu’on appelle celui ou celle qui gouverne « reine ou roi », « présidente ou président », « directrice ou directeur », et qu’on nomme les gouvernés « sujets », « citoyens » ou « employés », cela importe peu. C’est le même rapport mutuel qui est à l’œuvre. N’y a-t-il pas plus de fécondité à considérer ce rapport dans une perspective de collaboration plutôt que de confrontation ?
La relation qui existe dans une ruche entre l’abeille reine et ses ouvrières me fait aussi penser à Joseph, qui a été nommé officiellement patron de l’Église universelle et du Canada. Considérer Joseph comme « patron », dans le bon sens du terme, nous invite à collaborer avec lui à la prospérité de la ruche, que celle-ci s’appelle l’Église ou le Canada.
Comme André Bessette…
Patrick Trottier