Vous connaissez l’expression : « être né pour un petit pain » ? Elle fait partie de ces petites phrases assassines, réductrices de la réalité d’un individu parce que partielles et, finalement, partiales. Une seule de ces petites phrases peut inhiber une personnalité, une vie entière, ou encore rester accolée à une personne publique comme une étiquette ridicule ou infamante.
Je vous propose de considérer le rapport inédit qui existe entre la statue d’un saint et l’usage de la langue de bois. Peut-on réduire ou déformer la personnalité d’André Bessette en le statufiant ?
Dans le contexte de sa canonisation prochaine, on a déjà commencé à se servir de la langue de bois pour brosser un portrait réducteur de ce qu’il était et de ce qu’il a fait.
En langue de bois religieuse, on encense sa petitesse : « le modeste portier du Collège Notre-Dame », « l’humble fondateur de l’Oratoire Saint-Joseph », « le petit frère André ».
En langue de bois socioculturelle, on l’auréole au contraire de grandeur : « Premier saint québécois ! » ou « Premier saint canadien ! » (quel nationalisme primera ?), « Médaillé d’or du diocèse de Montréal ! », « Figure emblématique d’un peuple ! »
André Bessette : un modèle de la « sainte » insignifiance, pour les uns ? Une espèce de phénomène social, reflet d’une époque et d’une religion, pour les autres ? Les manieurs de la langue de bois sont des experts de la caricature ! Ce sont des invités taillés sur mesure pour remplir les temps d’antennes des médias dans la conjoncture non seulement locale mais mondiale d’une canonisation.
Demain : « Le biographe et son biographié »
Francine D. Pelletier