Nous sommes habitués à considérer les relations Canada-USA un peu toujours de la même manière et, presque invariablement, le Canada nous apparaît comme contraint de suivre le leadership de son voisin, plus populeux, plus riche et plus puissant. En fait, cette perception ne tient pas compte de toute l’histoire des deux pays, surtout de leurs origines. En outre, le leadership accordé aux États-Unis se base sur certains aspects qui, pour être importants, ne sont pas nécessairement prépondérants en profondeur et sur toute la ligne.
Dans Dieu et l’État, on relève l’importance du français comme langue fondatrice du Canada. Or, historiquement, c’est justement la considération des origines françaises du Canada qui nous permet de regarder les relations Canada-USA d’un autre œil. Un événement récent m’a donné à réfléchir en ce sens: la célébration officielle de l’arrivée de Mgr Gérald Cyprien Lacroix comme archevêque de Québec. La présence de deux évêques américains à cette célébration a rappelé à ma mémoire certaines notions d’histoire apprises à l’école (sont-elles encore au programme?).
On sait généralement que l’archevêque de Québec porte le titre de Primat de l’Église canadienne parce que le diocèse de Québec fut le premier diocèse du Canada. En ne voyant dans le titre de Primat qu’une distinction honorifique, on oublie que ce titre se fonde sur une réalité historique. Car, ce que l’on sait moins, c’est l’étendue du diocèse de Québec lorsqu’il fut érigé en 1674. Le diocèse couvrait, d’Est en Ouest, l’espace compris entre l’Atlantique et la partie la plus occidentale des Grands Lacs, et il se prolongeait ainsi vers le Sud, en suivant le Mississipi, jusqu’au Golfe du Mexique. Ce vaste territoire correspondait aux possessions de la France en Amérique à ce moment-là.
Le diocèse de Québec n’est donc pas seulement le premier diocèse du Canada tel que nous le connaissons aujourd’hui, il est le premier diocèse d’Amérique situé au nord du Mexique, ce que le cardinal Marc Ouellet a mentionné, le 25 mars dernier, dans le mot de bienvenue qu’il adressait à son successeur. De ce point de vue, la présence des deux évêques américains à l’intronisation de l’évêque de Québec va bien au-delà d’une simple visite de courtoisie entre voisins.
À la base des relations Canada-USA, il faut compter une commune fondation ecclésiale, dont le leadership apparaît français et dont le chef-lieu est canadien. Elle allie les deux pays sur un plan autre que ceux ordinairement évoqués, suivant un axe nord-sud établi bien avant la ratification de leurs Constitutions respectives.
Francine D. Pelletier